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V. ÉLÉVATION.

Les six jours.

LE dessein de Dieu dans la création et dans la description que son Saint-Esprit en a dictée à Moïse (1), est de se faire connoître d'abord comme le toutpuissant et très-libre créateur de toutes choses; qui sans être astreint à une autre loi qu'à celle de sa volonté, avoit tout fait sans besoin et sans contrainte, par sa seule et pure bonté. C'est donc pourquoi lui qui pouvoit tout; qui pouvoit, par un seul décret de sa volonté, créer et arranger toutes choses, et par un seul trait de sa main, pour ainsi parler, mettre l'ébauche et le fini dans son tableau, et tout ensemble le tracer, le dessiner et le parfaire; il a voulu néanmoins suspendre avec ordre l'efficace de son action, et faire en six jours ce qu'il pouvoit faire en un instant.

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Mais la création du ciel et de la terre, et de toute cette masse informe que nous avons vue dans les premières paroles de Moïse, a précédé les six jours qui ne commencent qu'à la création de la lumière. Dieu a voulu faire et marquer l'ébauche de son ouvrage, avant que d'en montrer la perfection; et après avoir fait d'abord comme le fond du monde, il en a voulu faire l'ornement avec six différens progrès, qu'il a voulu appeler six jours. Et il faisoit ces six jours l'un après l'autre, comme il faisoit tou

(1) Gen. 1.

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tes choses; pour faire voir qu'il donne aux choses l'être, la forme, la perfection, comme il lui plaît, autant qu'il lui plaît, avec une entière et parfaite liberté.

que

Ainsi, il a fait la lumière avant que de faire les grands luminaires où il a voulu la ramasser; et il a fait la distinction des jours, avant que d'avoir créé les astres dont il s'est servi pour les régler parfaitement; et le soir et le matin ont été distingués, avant leur distinction et la division parfaite du jour et de la nuit fût bien marquée; et les arbres, et les arbustes, et les herbes ont germé sur la terre par ordre de Dieu, avant qu'il eut fait le soleil qui devoit être le père de toutes les plantes; et il a détaché exprès les effets d'avec leurs causes naturelles, pour montrer que naturellement tout ne tient qu'à lui seul, et ne dépend que de sa seule volonté. Et il ne se contente pas d'approuver tout son ouvrage, après l'avoir achevé, en disant qu'il étoit très-beau et très-bon; mais il distingue chaque ouvrage en particulier, en remarquant que chacun est beau et bon en soi-même ; il nous montre donc que chaque chose est bonne en particulier, et que l'assemblage en est très-bon (1). Car c'est ainsi qu'il distingue la beauté du tout d'avec celle des êtres particuliers; pour nous faire entendre que si toutes choses sont bonnes en elles-mêmes, elles reçoivent une beauté et bonté nouvelle, par leur ordre, par leur assemblage, par leur parfait assortiment et ajustement les unes avec les autres, et par le secours admirable qu'elles s'entre-donnent.

(1) Gen. 1. 31. Ibid. 4, et seq.

Ainsi la création de l'univers, comme Dieu l'a voulu faire, et comme il en a inspiré le récit à Moïse, le plus excellent et le premier de ses prophètes, nous donne les vraies idées de sa puissance, et nous fait voir que s'il a astreint la nature à certaines lois, il ne s'y astreint lui-même qu'autant qu'il lui plaît, se réservant le pouvoir suprême de détacher les effets qu'il voudra, des causes qu'il leur a données dans l'ordre commun; et de produire ces ouvrages extraordinaires que nous appelons miracles, selon qu'il plaira à sa sagesse éternelle de les dispenser.

VI. ÉLÉVATION.

Actes de foi et d'amour sur toutes ces choses.

Vous êtes tout-puissant, ô Dieu de gloire ! J'adore votre immense et volontaire libéralité. Je passe tous les siècles, et toutes les évolutions et révolutions de la nature je vous regarde comme vous étiez avant tout commencement et de toute éternité; c'est-àdire, que je vous regarde comme vous êtes: car vous êtes ce que vous étiez; la, créature a changé, mais vous, Seigneur, vous êtes toujours ce que vous êtes. Je laisse donc toute créature, et je vous regarde comme étant seul avant tous les siècles. O la belle et riche aumône que vous avez faite en créant le monde! Que la terre étoit pauvre sous les eaux, et qu'elle étoit vide dans sa sécheresse, avant que vous en eussiez fait germer les plantes, avec tant de fruits et de vertus différentes; avant la naissance des forêts; avant que vous l'eussiez comme tapissée d'herbes et

vous l'eussiez couverte

de fleurs; et avant encore que de tant d'animaux! Que la mer étoit pauvre dans la vaste amplitude de son sein, avant qu'elle eût été faite la retraite de tant de poissons! Et qu'y avoit-il de moins animé et de plus vide que l'air, avant que vous y eussiez répandu tant de volatiles? Mais combien le ciel même étoit-il pauvre, avant que vous l'eussiez semé d'étoiles, et que vous y eussiez allumé le soleil pour présider au jour, et la lune pour présider à la nuit ! Que toute la masse de l'univers étoit informe, et que le chaos en étoit affreux et pauvre, lorsque la lumière lui manquoit! Avant tout cela, que le néant étoit pauvre, puisque ce n'étoit qu'un pur néant! Mais vous, Seigneur, qui étiez, et qui portiez tout en votre toute-puissance : Vous n'avez fait qu'ouvrir votre main, et vous avez rempli de bénédiction (1) le ciel et la terre.

O Dieu, que mon ame est pauvre ! C'est un vrai néant d'où vous tirez peu à peu le bien que vous voulez y répandre; ce n'est qu'un cahos, avant que vous ayez commencé à en débrouiller toutes les pensées. Quand vous commencez par la foi à y faire poindre la lumière; qu'elle est encore imparfaite, jusqu'à ce que vous l'ayez formée par la charité; et que vous qui êtes le vrai soleil de justice, aussi ardent que lumineux, vous m'ayez embrasé de votre amour! O Dieu! soyez loué à jamais par vos propres œuvres. Ce n'est pas assez de m'avoir illuminé une fois; sans votre secours je retombe dans mes premières ténèbres. Car le soleil même est toujours nécessaire à l'air qu'il éclaire, afin qu'il demeure éclairé :

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combien plus ai-je besoin que vous ne cessiez de m'illuminer, et que vous disiez toujours: Que la lumière soit faite!

VII. ÉLÉVATION.

L'ordre des ouvrages de Dieu.

DIEU a fait le fond de son ouvrage, Dieu l'a orné, Dieu y a mis la dernière main; Dieu s'est reposé.

Quand il a fait le fond de son ouvrage; c'est-àdire, en confusion le ciel et la terre, l'air et les eaux, il n'est point dit qu'il ait parlé. Quand il a commencé à orner le monde, et à mettre l'ordre, la distinction et la beauté dans son ouvrage; c'est alors qu'il a fait paroître sa parole. Dieu a dit : Que la lumière soit; et la lumière fut (1). Et ainsi du

reste.

La parole de Dieu, c'est sa sagesse; et la sagesse commence à paroître avec l'ordre, la distinction et la beauté : la création du fond appartenoit plutôt à la puissance.

Et cette sagesse par où devoit-elle commencer, si ce n'étoit par la lumière, qui, de toutes les natures corporelles, est la première qui porte son impression? La sagesse est la lumière des esprits; l'ignorance est comparée aux ténèbres. Sans la lumière tout est difforme, tout est confus; c'est elle qui la première embellit et distingue les objets par l'éclat qu'elle y répand, et dont, pour ainsi dire,

(1) Gen. 1. 3.

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