Et peut, dans cet accès, dire et persuader SCÈNE II. EURYALE, ARBATE, MORON. MORON, derrière le théâtre. Au secours! Sauvez-moi de la bête cruelle. C'est lui-même. Où court-il avec un tel effroi? MORON, entrant sans voir personne. Où pourrai-je éviter ce sanglier redoutable? Grands dieux, préservez-moi de sa dent effroyable! Je vous promets, pourvu qu'il ne m'attrape pas, Quatre livres d'encens et deux veaux des plus gras. ( rencontrant Euryale, que dans sa frayeur il prend pour le sanglier qu'il évite. ) Ah! je suis mort. EURYALE. Qu'as-tu ? MORON. Je vous croyois la bête Dont à me diffamer j'ai vu la gueule prête, Qu'est-ce? EURYALE. MORON. Oh! que la princesse est d'une étrange humeur, Et qu'à suivre la chasse et ses extravagances Qui n'ont aucun respect pour les faces humaines, EURYALE. puis souffrir. Dis-nous donc ce que c'est. MORON. Le pénible exercice Où de notre princesse a volé le caprice! J'en aurois bien juré qu'elle auroit fait le tour; Et reprenons le fil de ce que j'avois dit. Qu'ai-je dit? EURYALE. Tu parlois d'exercice pénible. MORON. Ah! oui. Succombant donc à ce travail horrible, Et, trouvant un lieu propre à dormir d'un bon somme, EURYALE. Qu'est-ce ? MORON. Ce n'est rien. N'ayez point de frayeur : Mais laissez-moi passer entre vous deux, pour cause; Je serai mieux en main pour vous conter la chose. J'ai donc vu ce sanglier qui, par nos gens chassé, Avoit, d'un air affreux, tout son poil hérissé, Ses deux yeux flamboyants ne lançoient que menace Et sa gueule faisoit une laide grimace, Qui, parmi de l'écume, à qui l'osoit presser Montroit de certains crocs... je vous laisse à penser. A ce terrible aspect, j'ai ramassé mes armes ; Mais le faux animal, sans en prendre d'alarmes, Est venu droit à moi qui ne lui disois mot. ARBATE. Et tu l'as de pied ferme attendu? MORON. Quelque sot... J'ai jeté tout par terre, et couru comme quatre. ARBATE. Fuir devant un sanglier, ayant de quoi l'abattre ! MORON. J'y consens; Il n'est pas généreux, mais il est de bon sens. ARBATE. Mais par quelques exploits si l'on ne s'éternise.... MORON. Je suis votre valet. J'aime mieux que l'on dise, Fort bien. EURYALE. MORON. Oui, j'aime mieux, n'en déplaise à la gloire, Vivre au monde deux jours que mille ans dans l'histoire. EURYALE. En effet, ton trépas fácheroit tes amis. Mais, si de ta frayeur ton esprit est remis, Puis-je te demander si du feu qui me brûle.....? MORON. Il ne faut pas, seigneur, que je vous dissimule; Mais souvent on rabat nos libres tentatives. Car on doit regarder comme l'on parle aux grands, Et je sais qu'Elpénor, qu'on appeloit mon père Contoit pour grand honneur aux pasteurs d'aujourd'hui Et que, durant ce temps, il avoit l'avantage |