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leur donne pour notre métier. Conservons-nous donc dans le degré d'estime où leur foiblesse nous a mis, et soyons de concert auprès des malades pour nous attribuer les heureux succès de la maladie, et rejeter sur la nature toutes les bévues de notre art. N'allons point, dis-je, détruire sottement les heureuses préventions d'une erreur qui donne du pain à tant de personnes, et, de l'argent de ceux que nous mettons en terre, nous fait élever de tous côtés de si beaux héritages.

M. TOMÈS.

Vous avez raison en tout ce que vous dites; mais ce sont chaleurs de sang dont parfois on n'est pas le maître.

M. FILLERIN.

Allons donc, messieurs, mettez bas toute rancune, et faisons ici votre accommodement.

M. DESFONANDRÈS.

J'y consens. Qu'il me passe mon émétique pour la malade dont il s'agit, et je lui passerai tout ce qu'il voudra pour le premier malade dont il sera question.

M. FILLERIN.

On ne peut pas mieux dire; et voilà se mettre

à la raison.

M. DESFONANDRÈS.

Cela est fait.

M. FILLERIN.

Touchez donc là. Adieu. Une autre fois mon

trez plus de prudence.

SCÈNE II.

M. TOMÈS, M. DESFONANDRÈS,

LISETTE.

LISETTE.

Quoi, messieurs, vous voilà! et vous ne songez pas à réparer le tort qu'on vient de faire à la

médecine!

M. TOMÈS.

Comment ? Qu'est-ce?

LISETTE.

Un insolent qui a eu l'effronterie d'entreprendre sur votre métier, et, sans votre ordonnance, vient de tuer un homme d'un grand coup d'épée au travers du corps.

M. TOMÈS.

Écoutez :
: vous faites la railleuse;

passerez par nos mains quelque jour.

LISETTE.

mais vous

Je vous permets de me tuer lorsque j'aurai re

cours à vous.

SCÈNE III.

CLITANDRE, en habit de médecin ; LISETTE.

CLITANDRE.

Hé bien ! Lisette, que dis-tu de mon équipage? crois-tu qu'avec cet habit je puisse duper le bon homme? me trouves-tu bien ainsi?

LISETTE.

Le mieux du monde, et je vous attendois avec impatience. Enfin le ciel m'a faite d'un naturel le plus humain du monde, et je ne puis voir deux amants soupirer l'un pour l'autre, qu'il ne me prenne une tendresse charitable et un desir ardent de soulager les maux qu'ils souffrent. Je veux, à quelque prix que ce soit, tirer Lucinde de la tyrannie où elle est, et la mettre en votre pouvoir. Vous m'avez plu d'abord : je me connois en gens, et elle ne peut pas mieux choisir. L'amour risque des choses extraordinaires, et nous avons concerté ensemble une manière de stratagème qui pourra peut-être nous réussir. Toutes nos mesures sont déja prises : l'homme à qui nous avons affaire n'est pas des plus fins de ce monde; et si cette aventure nous manque, nous trouverons mille autre voies pour arriver à notre but. Attendez-moi là seulement, je reviens vous querir.

( Clitandre se retire dans le fond du théatre. )

SCÈNE IV.

SGANARELLE, LISETTE.

LISETTE.

Monsieur, allégresse! allégresse!

SGANARELLE.

Qu'est-ce?

LISETTE.

Réjouissez-vous.

SGANARELLE.

De quoi?

LISETTE.

Réjouissez-vous, vous dis-je.

SGANARELLE.

Dis-moi donc ce que c'est, et puis je me ré

jouirai peut-être.

LISETTE.

Non. Je veux que vous vous réjouissiez auparavant, que vous chantiez, que vous dansiez.

Sur quoi?

Sur ma parole.

SGANARELLE.

LISETTE.

SGANARELLE.

(Il chante et danse.)

Allons donc. La lerà la la, la lera la. Que

diable!

LISETTE.

Monsieur, votre fille est guérie.

SGANARELLE.

Ma fille est guérie !

LISETTE.

Oui. Je vous amène un médecin, mais un médecin d'importance, qui fait des cures merveilleuses, et qui se moque des autres médecins.

SGANARELLE.

Où est-il ?

LISETTE.

Je vais le faire entrer.

SCANARELLE, seul.

Il faut voir si celui-ci fera plus que les autres.

SCÈNE V.

CLITANDRE, en habit de médecin ;
SGANARELLE, LISETTE.

LISETTE, amenant Clitandre.

Le voici.

SGANARELLE.

Voilà un médecin qui a la barbe bien jeune.

LISETTE.

La science ne se mesure pas à la barbe, et ce

n'est pas par le menton qu'il est habile.

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