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NOTES.

NOTE A, page 19.

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L'humanité croit à sa déchéance, non-seulement parce qu'elle lui est traditionnellement rapportée, mais aussi par suite de l'examen que l'individu fait de lui-même. Comme l'a constaté Cicéron (de Republica, lib. II), l'âme humaine est tourmentée par les soucis; elle est molle aux devoirs, prompte aux dérèglements, et pourtant il se trouve en elle, comme enfouie, une étincelle divine de sentiment et de pensée. - Le sens étymologique du mot vertu (virtus) indique ce double fait la vertu est un effort. Le penchant au mal qui existe en l'homme et ses aspirations pour le bien lui indiquent que sa nature actuelle n'est pas sa nature primordiale, et que sous l'action d'une cause, à la fois intérieure et extérieure, une perturbation profonde s'est accomplie dans son être moral. La situation morale de l'humanité n'est pas conforme à la règle du bien qui est en elle et qu'elle place naturellement en Dieu; par suite, elle ne peut pas croire que l'homme actuel soit en tout point conforme à l'homme primitif; elle ne trouve, ni exclusivement en elle-même, ni surtout en Dieu, la cause du penchant au mal, et la place dès-lors dans un être qui n'appartient point à son espèce.

De là le dualisme, qui n'est que l'exagération de ce fait de conscience; mais le dualisme rencontre, à son tour, la protestation du sentiment intime, par lequel l'individu a conscience de son activité personnelle et de sa propre responsabilité. L'homme est un agent moral et non point un être passif dans lequel deux forces étrangères à luimême entrent en lutte. Le fait biblique de la chute du premier homme qui, sous l'empire d'une tentation extérieure, tombe volontairement dans le péché est encore la meilleure solution du problème de l'origine du mal. Si cette solution ne fait que reculer la difficulté en plaçant cette origine du mal dans le tentateur, elle sauvegarde du moins la sainteté de Dieu, la liberté humaine et le monothéisme.

Je sens que je ne suis pas ce que je devrais être ; nonseulement il n'y a pas neutralité en moi entre le bien et le mal, mais encore j'incline vers le mal, et je dois faire effort pour m'élever au bien; tous les peuples me disent: Il n'en a pas toujours été ainsi, il y a eu rectitude morale, harmonie entre l'homme et Dieu; mon sens moral et religieux me dit: L'Etre créateur est la source du bien; il ne doit pas avoir directement créé l'homme dans cette situation; j'en conclus qu'en effet il y a eu déchéance. Nous laissons complètement de côté les théories extrêmes sur le mode d'introduction et le mode de transmission du penchant au mal; nous nous contentons de constater le fait de la déchéance. Nous n'allons ni au-delà ni en deçà de l'affirmation de saint Paul : « Par un seul homme, le péché est entré dans le monde, et, par le péché, la mort, parce que tous ont péché (1). »

(1) Rom., V, 12.

Comme preuve de la croyance générale en la déchéance, nous nous contentons de rappeler : la fable de l'âge d'or, celle de Pandore, les déclarations des poètes grecs et latins, en particulier celles d'Homère, d'Hésiode et de Virgile; la doctrine persane de la soumission de Meschia, le premier homme, créé pur par Ormuzd, à Ahriman, le méchant intelligent; les traditions mexicaijaponaises, chinoises, etc., renvoyant nos lecteurs à Ramsay, Discours sur la mythologie; à Anquetil du Perron, de Humboldt, Vue des Cordillères; Abel de Rémusat, traduction du Traité de l'invariable milieu, etc.

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NOTE B, page 23.

Eglogue de Virgile. Au point de vue où nous nous plaçons, il nous importe peu de savoir si Virgile a emprunté l'idée d'une monarchie universelle fondée par un être céleste, et renouvelant l'âge d'or, aux livres sybillins, et surtout si ces anciens oracles avaient puisé cette idée dans le judaïsme ou dans la tradition patriarcale; nous constatons seulement le fait de l'attente d'une régénération de l'humanité comme conséquence d'une intervention directe des dieux. Qu'elle procède d'un souvenir ou qu'elle soit l'expression d'une espérance, peu nous importe, le Rédempteur était attendu; voilà tout ce que nous cherchons à établir.

NOTE C, page 23.

Il règne, dans le drame de Prométhée, une grande incohérence produite par cette oscillation perpétuelle en

tre la vérité et l'erreur que présentent les religions d'imagination. Le mythe est un fait historique dénaturé par le temps. L'obscurité qui enveloppe le drame d'Eschyle est encore accrue pour nous par la perte de la première et de la troisième partie de sa trilogie. Nous n'avons voulu faire ressortir que la conformité de la conclusion du Prométhée enchaîné avec l'idée chrétienne. Prométhée et Io, l'homme et la femme, subissent la même destinée; leur libérateur sera l'un des enfants d'Io qui sera aussi fils de Jupiter, et ce Dieu s'offrira pour remplacer Prométhée dans ses souffrances et descendre pour lui, loin de la lumière, dans la demeure de Pluton.

Nous le répétons encore: aspiration ou réminiscence, peu nous importe, l'idée de la rédemption est là.

NOTE D, page 25.

L'on peut remarquer que les poètes, organes des aspirations religieuses populaires, insistent sur le besoin d'un réparateur, et que les philosophes, cherchant la vérité religieuse et morale sans la trouver, insistent sur le besoin d'un révélateur. Jésus-Christ a répondu à ce double besoin: il sauve en éclairant, ou plutôt il nous éclaire en nous sauvant. C'est ce désir de posséder la vérité et cette impuissance à la saisir qui servent de point de départ à l'argumentation de saint Paul dans son discours à l'aréopage : « Celui que vous honorez sans le connaître, c'est Celui que je vous annonce (1). »

(1) Actes, XVII, 23.

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