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ble, raisonnablement vous y disputer cette heure de dévotion; au lieu que dans votre maison vous ne pourriez peut-être pas vous la promettre tout entière ni si libre, à cause de la dépendance dans laquelle Vous y êtes.

50 Commencez toujours votre prière, soit mentale, soit vocale, par vous mettre en la présence de Dieu; ne manquez jamais à cette règle, et vous verrez en peu de temps combien elle vous sera utile.

60 Si vous m'en croyez, vous direz le Pater, l'Ave et le Credo en latin; mais vous apprendrez aussi à en bien entendre les paroles dans votre langue, afin qu'en vous conformant au langage de l'Eglise, vous puissiez cependant concevoir le sens admirable de ces prières et en goûter la suavité. Il faut les dire avec une profonde attention au sens qu'elles ont, et en cherchant à concevoir les affections qui y sont conformes. Ne vous hâtez nullement afin de faire beaucoup de prières, mais appliquez-vous à les faire de tout votre coeur; car un seul Pater dit avec un vrai sentiment de piété vaut mieux que plusieurs récités avec précipitation.

7o Le chapelet est une très utile manière de prier quand on sait bien le dire; et, pour vous en instruire, ayez quelques-uns des petits livres qui en apprennent la méthode. Il est bon aussi de dire les litanies de Notre Seigneur, de la sainte Vierge, des Saints, et autres prières que l'on peut trouver dans les livres approuvés; mais à cette condition que, si vous avez le don de l'oraison mentale, vous Ini donniez toujours la principale place. Remarquez bien que si, après l'avoir faite, la multitude de vos occupations ou quelque autre raison ne vous laisse plus le temps pour vos prières vocales, vous ne devez pas vous en inquiéter; il suffit de dire simplement, avant ou après la méditation, l'Oraison dominicale, la Salutation angélique et le Symbole des apôtres.

20 Si, pendant l'oraison vocale, votre cœur sent quelque attrait pour l'oraison intérieure et mentale, ne résistez pas, mais laissez-le s'y porter doucement,

et ne vous troublez pas de ce que vous n'auriez pas achevé toutes les prières que vous vous étiez proposées; car l'oraison de l'esprit et du cœur est beaucoup plus agréable à Dieu et plus salutaire à l'âme que celle des lèvres. Il faut excepter de cette règle l'office ecclésiastique, si vous êtes dans l'obligation de le réciter.

90 Vous devez éviter tout ce qui pourrait vous empêcher de faire ce saint exercice le matin. Si cependant la multitude de vos affaires ou quelque autre raison légitime y mettait obstacle, tâchez de le remplacer l'après-midi, à l'heure la plus éloignée du repas que vous pourrez, soit pour éviter l'assoupissement, soit pour ne pas nuire à votre santé. Si même vous prévoyez que de tout le jour vous ne puissiez pas faire votre oraison, il faut réparer cette perte en y suppléant par de fréquentes oraisons jaculatoires, par la lecture de quelque livre de dévotion, par quelque pénitence qui prévienne les suites de cette omission, et par une ferme résolution de faire votre oraison le lendemain.

CHAPITRE II

Courte méthode pour bien méditer; et premièrement de la présence de Dieu, premier point de la préparation.

Mais vous ne savez peut-être pas, Philothée, comment il faut faire l'oraison; car malheureusement c'est une science peu commune de nos jours. Vo donc une simple et courte méthode, en attendant que les bons livres, et surtout votre propre exp rience, vous instruisent à fond.

La première règle regarde la préparation, et je la réduis à ces deux points: se mettre en la présence de Dieu, et lui demander le secours de ses lumières.

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Pour ce qui regarde le premier de ces deux points, je vous propose quatre moyens principaux, dont vous pouvez utilement vous servir dans les commencements.

Le premier consiste à se bien pénétrer de l'immensité de Dieu, qui est présent en tous lieux. Comme les oiseaux, en quelque région qu'ils volent, trouvent l'air partout, ainsi, quelque part que nous allions, en quelque lieu que nous soyons, nous trouvons toujours Dieu présent. Cette vérité est assez connue de tout le monde; mais chacun n'y fait pas l'attention nécessaire. Les aveugles qui se savent en la présence d'un prince se tiennent dans le respect, quoiqu'ils ne le voient pas; mais comme ils ne le voient pas, ils oublient facilement sa présence, et ils perdent promptement alors le respect qui lui est dû. Hélas! Philothée, nous ne voyons pas Dieu, qui nous est présent; et, quoique la foi et notre raison nous avertissent de sa présence, nous l'oublions souvent, et alors nous nous comportons comme s'il était loin de nous. Car, bien que nous sachions qu'il est présent partout, si nous n'y pensons pas, c'est comme si nous ne le savions pas. C'est pourquoi nous devons toujours disposer notre âme à l'oraison par une profonde réflexion sur la présence de Dieu. C'est là ce qui occupait David quand il disait: Si je monte au ciel, ô mon Dieu, vous y êtes; si je descends en enfer, vous y êtes encore. Nous pouvons aussi nous rappeler les paroles de Jacob, qui, après avoir vu l'échelle mystérieuse dont je vous ai parlé, s'écriait Oh! que ce lieu est redoutable! véritablement Dieu est ici, et je n'en savais rien! Il voulait dire qu'il n'y avait pas réfléchi; car il ne pouvait ignorer que Dieu est partout. Quand donc vous commencerez votre oraison, dites de tout votre cœur à votre cœur même : « O mon cœur, mon cœur, Dieu est véritablement ici. >>

Le second moyen de se mettre en la présence de Dieu est de penser que non seulement il est où vous êtes, mais qu'il est en vous-même, au fond de votre

âme, qu'il la vivifie, l'anime et la soutient par sa divine présence, étant là comme le cœur de votre cœur, l'esprit de votre esprit. Car comme l'âme, qui est répandue dans tout le corps, réside néanmoins dans le cœur d'une manière spéciale, de même Dieu, qui est présent partout, l'est beaucoup plus dans notre âme; aussi David appelait-il Dieu le Dieu de son cœur, et saint Paul dit-il que nous vivons, que nous agissons, et que nous sommes en Dieu. C'est aussi cette pensée qui excitera dans votre cœur un profond respect pour Dieu, qui lui est si intimement présent.

Un troisième moyen dont vous pouvez vous aider est de considérer le Fils de Dieu en son humanité, regardant du haut du ciel tout ce qu'il y a de personnes au monde, mais particulièrement les chrétiens, qui sont ses enfants, et encore plus spécialement ceux qui sont actuellement en prière, et dont il observe les actions bonnes ou mauvaises. Or ceci n'est pas une simple imagination, mais une vérité positive; car, bien que nous ne le voyions pas comme saint Etienne le vit dans son martyre, cependant ila les yeux attachés sur nous comme il les avait sur lui; et nous pouvons lui dire quelque chose de semblable à ce que l'Epouse des Cantiques dit de son époux Le voilà derrière la muraille, regardant par la fenêtre et à travers les barreaux. Je ne puis le voir, mais il me voit et il me regarde.

La quatrième manière consiste à s'imaginer que Jésus-Christ es dans le même lieu que nous, comme si nous le voyins devant nous, et à peu près comme nous avons coutume de nous représenter nos amis, et de dire: Je m'imagine voir un tel faire ceci et cela; il me semble que je le vois, que je l'entends. Mais, Philotbé, si vous étiez dans le très saint sacrement de l'autel, cette présence de Jésus-Christ dans l'Eglise avec vous serait très réelle, et non pas seulement imaginaire; car les espèces ou apparences du pain sont comme un voile qui le cache à nos yeux: véritablement il nous voit et nous considère, quoique

nous ne le voyions pas en sa propre forme. Vous vous servirez donc de l'une de ces quatre pratiques pour vous mettre en la présence de Dieu, et non pas de toutes les quatre ensemble; cela doit même se faire brièvement et simplement.

CHAPITRE III

De l'invocation, second point de la préparation.

L'invocation se fait de cette manière: votre âme, se sentant en la présence de Dieu, se pénètre d'un grand respect et se juge absolument indigne de paraître devant lui; néanmoins, sachant que Dieu le veut ainsi, elle lui demande la grâce de le servir et de l'adorer dans cette méditation. Si vous le voulez, vous pouvez user de quelques paroles courtes et enflammées comine celles-ci, qui sont de David: Ne me rejetez point, ô mon Dieu, de devant votre face, et ne m'ôtez pas votre Saint-Esprit; faites briller votre face sur moi, et je considérerai vos merveilles donnez-moi l'intelligence, et j'observerai votre loi de tout mon cœur. Il est encore fort utile d'invoquer votre saint Ange gardien et les saintes personnes qui auront eu quelque part aux mystères que vous méditez, comme, dans la méditation de la mort de Notre-Seigneur, la sainte Vierge, saint Jean, sainte Madeleine, et les autres Saints ou Saintes, les priant de vous communiquer les sentiments qu'ils y eurent; ou bien, dans la méditation de votre propre mort, votre saint Ange gardien, qui y sera présent; et il faut observer cela dans tous les autres mystères ou sujets d'oraison.

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