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six chevaux, à la grande indignation des royalistes, qui lui reprochaient d'affecter déjà des airs de souverain. Mais le peuple, qui ne voyait dans le triomphe du général que sa propre victoire, l'accueillit avec les démonstrations de la joie la plus effrénée.

Son ministère fut composé le 1er octobre, ainsi qu'il suit, de concert avec la junte.

MM. Joaquin Ferraz, affaires étrangères, vice-président du conseil; Chacon, guerre ; Joaquin Frias, marine; Gomez Beccarra, justice; de Gamboa, finances; Cortina intérieur.

Mais la junte, instruite par les leçons du passé, mettait en question la régence elle-même. Le pouvoir concentré aux seules mains de Christine ne lui offrait plus assez de garanties. Les membres les plus influents agissaient auprès du général pour obtenir une modification qui admettrait quatre ou au moins deux corégents. Sur cette question délicate, le général évitait de se prononcer, soit qu'il craignit de se compromettre, soit qu'il espérât davantage.

Pendant que ces choses s'agitaient, un décret de la régente mandait à Valence Espartero avec ses collègues. Il y fit son entrée le 9 octobre, avec le même éclat et les mêmes ovations qu'à Madrid.

Admis dans la soirée près de la reine, les ministres se retirèrent après avoir prêté le serment d'usage. Espartero seul resta en conférence avec elle jusqu'à minuit, faisant de vains efforts pour vaincre son opiniâtreté en ce qui touchait les ayuntamientos. A cette heure, les ministres appelés au palais présentèrent leur programme. Les articles étaient les mêmes que ceux du manifeste d'Espartero. La régente persista dans ses refus, ne faisant de concessions que pour la dissolution des cortès, et, seule contre tous les ministres, elle sou

tint une discussion vive et animée jusqu'au point du jour. On se sépara sans conclure.

Enfin, quelques heures après, les ministres ayant été de nouveau mandés au palais, Marie-Christine leur déclara que d'après ce qui s'était passé dans l'entrevue de la nuit précédente, elle abdiquait la régence.

Le 16, elle quittait l'Espagne et se dirigeait sur Paris, pour assister à la chute du ministère dont elle avait expié la triste complicité.

CHAPITRE XIII.

Arrivée de la Belle-Poule à Sainte-Hélène. -Accueil empressé des autorités britanniques. - Ouverture du tombeau. Réception du cercueil par le prince de Joinville. Départ de Sainte-Hélène. Rencontre en mer; bruits de guerre avec l'Angleterre. - Préparatifs de combat. - Retour à Cherbourg. Navigation sur la Seine. - Arrivée à Courbevoie. Entrée à Paris. Concours immense des populations. Cérémonies religieuses aux Invalides. Enthousiasme populaire.

Pour compléter l'histoire du 1er mars, nous devons donner le récit d'une grande solennité à laquelle il avait invité la nation, mais dont d'autres que lui firent les hon

neurs.

Pendant que les esprits agités voyaient tous les signes d'une guerre imminente avec la Grande-Bretagne, le prince de Joinville poursuivait sur l'Océan la mission pacifique qu'on avait annoncée comme un gage de concorde entre les deux pays, comme un oubli de toutes les vieilles animosités. Sainte-Hélène allait rendre sa proie, et les soldats anglais, si longtemps gardiens d'une tombe, attendaient avec impatience que les Français vinssent relever leur faction et ter miner leur exil.

Ce fut le 8 octobre au matin, après soixante-dix jours de navigation, que la frégate la Belle-Poule et la corvette la Favorite, furent en vue de James-Town, capitale de l'île. Il ne se trouvait dans la rade que deux bâtiments de guerre, la frégate française l'Oreste, détachée de Gorée par M. de Mackau, avec des dépêches pour le prince de Joinville, et la goëlette anglaise Dolphin, qui avait apporté à l'île la première nouvelle de l'expédition.

Après les saluts d'usage, les autorités britanniques s'empressèrent d'accueillir les chefs de l'expédition avec toute la déférence que méritaient les envoyés d'un grand peuple et la sainteté de leur mission.

A l'entrée de la rade, l'état-major du général Middlemore, gouverneur de l'île, se rendit à bord, en grand uniforme, pour complimenter le prince. Le gouverneur, retenu dans sa maison de campagne de Plantation-House par une grave indisposition, avait chargé le lieutenant Middlemore, son fils et son aide de camp, d'offrir au prince, pour son logement et celui de sa suite, le château de James-Town, qui, d'après des ordres venus de Londres, lui avait été préparé.

Lorsque, le lendemain, le prince descendit à terre accompagné des principaux officiers des bâtiments, toute la garnison était sous les armes pour son passage; les autorités lui furent présentées au château, puis il se rendit à cheval à Plantation-House, chez le gouverneur, qui était encore hors d'état de quitter sa maison.

La journée du 15, vingt-cinquième anniversaire de l'arrivée de l'auguste exilé à Sainte-Hélène, avait été fixée pour la cérémonie de la translation. Pendant les trois jours qui précédèrent, les équipages des trois bâtiments français fu

rent conduits par détachements au tombeau et à Longwood, et chacun de ces rudes fils de l'Océan, pénétré de la religion des souvenirs, recueillait quelques débris, une feuille d'arbre, un fragment d'écorce, une pierre du sol, en commémoration de sa visite au tombeau de l'Empereur.

Les anciens compagnons de sa captivité, MM. Bertrand, Las-Cases, Gourgaud et Marchand, retrouvaient dans ces lieux consacrés d'autres émotions, en parcourant tous les sites où ils avaient si souvent accompagné le captif et qui semblaient leur rendre les échos de sa voix.

La veille du jour désigné, dans l'après-midi, les cercueils venus de France sur la Belle-Poule, le char funèbre, construit dans l'île par ordre du gouvernement, et les divers objets nécessaires pour les opérations, furent successivement dirigés vers la vallée du Tombeau. A dix heures du soir, les personnes désignées pour assister, du côté de la France, à l'exhumation, descendirent à terre et se dirigèrent vers le lieu de la sépulture. Le prince de Joinville s'abstint de les accompagner. Toutes les opérations, jusqu'à l'arrivée du cercueil impérial au lieu de l'embarquement, devant être conduites par des soldats étrangers, il jugea qu'en sa qualité de commandant supérieur de l'expédition, il ne devait pas assister à des travaux qu'il ne pourrait point diriger.

La vallée était gardée par un détachement de soldats de la garnison, ayant ordre d'en écarter toute personne qui n'aurait pas été désignée par un des commissaires.

Les travaux, commencés à minuit et demi, furent poussés sans relâche et avec une grande activité jusqu'à neuf heures et demie du matin. A ce moment, la terre avait été entièrement retirée du caveau; toutes les couches horizon

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