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ainfi ce Texte: Ceci est mon Corps, mon Corps donné pour vous, ou le corps donné pour vous, & que ce n'eft pas bien traduire que d'exprimer ce paffage en ces termes, Ceci eft mon Corps qui eft donné pour vous.

Mais cette prétention n'eft fondée que fur ce que cet Auteur n'a penetré qu'imparfaitement la vraie nature du Pronom relatif & de l'article. Car il eft certain que comme le Pronom relatif qui, que, quod, en tenant la place du nom, ne la repréfente que d'une manière confufe; de même l'article d,, Tò, ne reprefente que confufément le nom auquel il fe rapporte; de forte que cette reprefentation confufe étant proprement deftinée à éviter la repetition. diftincte du même mot, qui eft choquante, c'est en quelque forte détruire la fin de l'article, que de le traduire par une repetition expreffe d'un même mot, Ceci est mon Corps, mon Corps donné pour vous, l'article n'étant mis que pour éviter cette repetition, au-lieu qu'en traduifant par le Pronom relatif: Ceci est mon Corps qui eft donné pour vous, on garde cette condition effentielle de l'article, qui eft dè ne reprefenter le nom que d'une maniere confufe, & de ne pas frapper l'efprit deux fois par la même image, & l'on manque feulement à en obferver une autre qui pourroit paroître moins effencielle, qui eft que l'article tient de telle forte la place du nom, que l'adjectif que l'on y joint, ne fait point une nouvelle propofition, τὸ ὑπὲς ὑμῶν δι Joustor; au-lieu que le relatif qui, que, quod, fepare un peu davantage, & devient fujet d'une nouvelle propofition, ο ὑπὲς ὑμῶν διδόται. Ainf il est vrai que ni l'une ni l'autre de ces deux traductions, Ceci est mon Corps, qui eft donné pour vous. Ceci est mon Corps, mon Cores donné

pour vous, n'eft entierement parfaite, l'une changeant la fignification confufe de l'article en une fignification distincte contre la nature de l'article ; & l'autre qui conferve cette fignification confuse, feparant en deux propofitions par le Pronom relatif, ce qui n'en fait qu'une par le moyen de l'article. Mais fi l'on eft obligé par neceffité à fe fervir de l'une ou de l'autre, on n'a pas droit pour cela de choifir la premiere en condamnant l'autre, comme cet Auteur a prétendu faire par La remarque.

CHAPITRE II.

Du Verbe.

Ous avons emprunté jufques ici ce que nous

tit livre imprimé il y a quelque temps fous le titre de Grammaire generale; à l'exception de quel ques points, que nous avons expliqués d'une autre maniere; mais en ce qui regarde le Verbe, dont il traite dans le chapitre 13. je ne ferai que tranfcrire ce que cet Auteur en dit, parcequ'il m'a femblé que l'on n'y pouvoit rien ajouter. Les hommes, dit-il, n'ont pas eu moins befoin d'inventer des mots qui marquaffent l'affirmation, qui eft la principale matiere de notre penfée, que d'en inventer qui marquaffent les objets de nos penfées.

Et c'eft proprement en quoi confifte ce que P'on appelle Verbe, qui n'eftien autre qu'un mot dont le principal usage eft de fignifier l'affirmation, c'est-à-dire, de marquer que le difcours où ce mot eft employé, eft le difcours d'un homme qui ne conçoit pas feulement les chrofes

mais qui en juge & qui les affirme ; en quoi le Verbe eft diftingué de quelques noms, qui fignifient auffi l'affirmation, comme affirmans affirmatio, parce qu'ils ne la fignifient qu'entant que par une reflexion d'efprit, elle eft devenue l'objet de notre penfée; & ainfi ils ne marquent pas que celui qui fe fert de ces mots, affirme, mais feulement qu'il conçoit une affir

mation.

J'ai dit que le principal usage du Verbe étoit de fignifier l'affirmation, parceque nous ferons voir plus bas que l'on s'en fert encore pour fignifier d'autres mouvemens de notre ame, comme ceux de defirer, de prier, de commander, &c. Mais ce n'eft qu'en changeant d'inflexion & de mode, & ainfi nous ne confiderons le Verbe dans tout ce chapitre que felon fa principale fignification, qui eft celle qu'il a à l'indicatif. Selon cette idée, l'on peut dire que le Verbe de lui-même ne devroit point avoir d'autre ufage que de marquer la liaison que nous faisons dans notre efprit des deux termes d'une propofition. Mais il n'y a que le Verbe être qu'on appelle fubftantif, qui foit demeuré dans cette fimplicité, & encore n'y eft-il proprement demeuré que dans la troifiéme perfonne du préfent eft, & en de certaines rencontres. Car comme les hommes fe portent naturellement à abreger leurs expreffions, ils ont joint prefque toujours à l'affirmation d'autres fignifications dans un même

mot.

I. Ils y ont joint celle de quelque attribut: de forte qu'alors deux mots font une propofition, comme quand je dis, Petrus vivit, Pierre vit, parceque le mot de vivit, enferme feul l'affirmation, & de plus l'attribut d'être vivant; & ainfi c'est la même chofe de dire, Pierre vit,

que

de dire Pierre eft vivant. De là eft venue la gran de diverfité des Verbes dans chaque langue; aulieu que fi l'on s'étoit contenté de donner au Verbe la fignification generale de l'affirmation fans y joindre aucun attribut particulier, on n'auroit eu befoin dans chaque langue que d'un feul verbe, qui eft celui qu'on appelle fubftantif.

II. Ils ont encore joint en de certaines rencontres le fujet de la propofition; de forte qu'alors deux mots peuvent encore, & même un feal mot, faire une propofition entiere. Deux mots comme quand je dis fum homo: parceque fum ne fignifie pas feulement l'affirmation, mais enferme la fignification du pronom ego, qui est le fujet de cette propofition, & que l'on exprime toujours en François; je fuis homme. Un feul mot, comme quand je dis, vivo, fedeo. Car ces verbes enferment dans eux-mêmes l'affirmation & l'attribut, comme nous avons déja dit; & étant à la premiere perfonne, ils enferment en-. core le fujet, je fuis vivant, je fuis affis. De lå eft venue la difference des perfonnes qui eft ordinairement dans tous les verbes.

III. Ils ont encore joint un rapport au temps au regard duquel on affirme ; de forte qu'un feul mot, comme cœnafti, fignifie que j'affirme de celui à qui je parle, l'action du fouper, non pour le temps préfent, mais pour le paffé; & de là est venue la diverfité des temps, qui eft encore pour l'ordinaire commune à tous les verbes.

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La diverfité de ces fignifications jointes à un même mot, eft ce qui a empêché beaucoup de perfonnes, d'ailleurs fort habiles, de bien connoître la nature du verbe, parcequ'ils ne l'ont pas confideré felon ce qui lui eft effenciel, qui eft l'affirmation: mais felon ces autres rapports qui li font accidentels entant que verbe.

Ainfi Ariftote s'étant arrêté à la troifiéme des fignifications ajoûtées à celle qui eft effencielle au verbe, l'a défini: vox fignificans cum tempore, un mot qui fignifie avec temps.

D'autres, comme Buxtorf, y ayant ajoûté la feconde, l'ont défini, vox flexilis cum tempore & perfona, un mot qui a diverfes infléxions avec temps & perfonne.

D'autres s'étant arrêtées à la premiere de ces fignifications ajoûtées, qui eft celle de l'attribut, & ayant confideré que les attributs que les hommes ont joints à l'affirmation dans un même mot, font d'ordinaire des actions & des paffions, ort crû que l'effence du verbe confiftoit à fignifier des actions ou des paffions.

Et enfin, Jules Cefar Scaliger a crû trouver un myftere dans fos livre des Principes de la langue Latine, en difant que la diftinction des chofes, in permanentes & fluentes, en ce qui demeure & ce qui paffe, étoit la vraie origine de la diftinction entre les noms & les verbes : les noms étant pour fignifier ce qui demeure, & les verbes ce qui paffe.

Mais il eft aifé de voir que toutes ces définitions font fauffes, & n'expliquent point la vraie nature du verbe.

La maniere dont font conçues les deux premie res le fait affez voir, puifqu'il n'y eft point dit ce que le verbe fignifie; mais feulement ce avec quoi il fignifie, cum tempore, cum perfona.

Les deux dernieres font encore plus mauvaises. Car elles ont les deux plus grands vices d'une définition, qui eft de ne convenir ni à tout le défini, ni au feul défini; neque omni, neque foli..

Car il y a des verbes qui ne fignifient ni des acrions, ni des paffions, ni ce qui paffe; comme exiftit, quiefcit, friget, alget, tepet, caler, albety ret, claret, &c.

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