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generalement & dans toute fon étendue, comme dans le 1. exemple, les hommes qui font crees pour connoître pour aimer Dieu.

Les autres qui fe peuvent appeller les déterminations, parceque ce qu'on ajoûte à un terme ne convenant pas à ce terme dans toute fon étendue, en restraint & en détermine la fignification, comme dans le fecond exemple, les hommes qui font pieux. Suivant cela on peut dire qu'il y a un qui explicatif, & un qui déterminatif.

Or quand le qui eft explicatif, l'attribut dela propofition incidente eft affirmée du fujet auquel le qui fe rapporte, quoique ce ne foit qu'incidemment au regard de la propofition totale, de forte qu'on peut fubftituer le fujet même au qui, comme on peut voir dans le premier exemple: Les hommes qui ont été crees pour connoître

pour aimer Dieu. Car on peut dire : Les hommes ont été creés pour connoître & pour aimer Dieu.

Mais quand le qui eft déterminatif, l'attribut de la propofition incidente n'eft point proprement affirmé du fujet auquel le qui fe rapporte. Car fi après avoir dit, les hommes qui font pieux font charitables, on vouloit fubft tuer le mot d'hommes au qui, en difant: Les hommes font pieux. la propofition feroit fauffe, parceque ce feroit affirmer le mot de pieux des hommes comme hommes; mais en difant: Les hommes qui font pieux font charitables, on n'affirme ni des hommes en general, ni d'aucuns hommes en particulier, qu'ils foient pieux; mais l'efprit joignant ensemble l'idée de pieux avec celle d'hommes, & en faifant une idée totale, juge que l'attribut de charitable convient à cette idée totale. Et ainfi tout le jugement qui eft exprimé dans la propofition incidente, eft feulement celui par lequel notre efprit

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juge que l'idée de pieux n'eft pas incompatible avec celle d'homme, & qu'ainfi il peut les confiderer comme jointes ensemble, & examiner enfuite ce qui leur convient' felon cette union.

Il y a fouvent des termes qui font doublement & triplement complexes, étant compofés de plufieurs parties dont chacune à part eft complexe; & ainfi il s'y peut rencontrer diverfes propofitions incidentes & de diverfe efpece, le qui de l'un étant déterminatif, & le qui de l'autre explicatif. C'est ce qu'on verra mieux par cet exemple: La doctrine qui met le fouverain bien dans la volupté du corps, laquelle a été enseignée par Epicure, eft indigne d'un Philofophe. Cette propofition a pour attribut, indigne d'un Phlof phe, & tout le refte pour fujet, ainfi ce fujet eft un terme complexe qui enferme deux propofitions incidentes: la premiere eft, qui met le fouverain bien dins la volupté du corps: le qui dans cette propofition incidente eft déterminatif: car il détermine le mot de doctrine qui eft general, à celle qui affirme que le fouverain bien de l'homme eft dans la volupté du corps: d'où vient qu'on ne pourroit fans abfurdité, fubftituer au qui le mot de doctrine, en difant, La doctrine met le fouverain bien dans la volupté du corps. La feconde pofition incidente eft, qui a été enseignée par Epicure, & le fujet auquel ce qui fe rapporte, eft tout le terme complexe, la doctrine qui met le fouverain bien dans la volupté du corps, qui marque une doctrine finguliere & individuelle, capable de divers accidens, comme d'être foûtenue par diverfes perfonnes: quoiqu'elle foir déterminée en elle-même à être toujours prife de la même forte, au-moins dans ce point précis, felon lequel on l'entend. Et c'eftpourquoi le qui de la feconde proposition incidente, qui a été en

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Reignée par Epicure, n'eft point déterminatif, mais feulement explicatif: d'où vient qu'on peut fubftituer le fujet auquel ce qui fe rapporte en la la place du qui, en difant : La doctrine qui met le fouverain bien dans la volupté du corps, a été enfeignée par Epicure.

3. La derniere remarque eft, que pour juger de la nature de ces propofitions, & pour favoir fi le qui eft déterminatif ou explicatif, il faut fouvent avoir plus d'égard au fens & à l'intention de celui qui parle, qu'à la feule expreffion.

Car il y a fouvent des termes complexes qui paroiffent incomplexes, ou qui paroiffent moins complexes qu'ils ne le font en effet, parcequ'une partie de ce qu'ils enferment dans l'efprit de celui qui parle eft fous-entendue & non exprimée, felon ce qui a été dit dans le chap. 8. de la 1. partie, où l'on a fait voir qu'il n'y avoit rien de plus ordinaire dans les difcours des hommes, que de marquer des chofes fingulieres par des noms communs: parceque les circonftances du difcours font affez voir, qu'on joint à cette idée commune qui répond à ce mot, une idée finguliere & diftincte, qui le détermine à ne fignifier qu'une feule & unique chofe.

J'ai dit que cela fe reconnoiffoit d'ordinaire par les circonstances, comme dans la bouche des François, le mot de Roi fignifie Louis XIV. Mais voici encore une regle qui peut fervir à faire juger quand un terme commun demeure dans fon idée generale, ou quand il est déterminé par une idée distincte & particuliere, quoique non exprimée.

Quand il y a une abfurdité manifefte à lier un attribut avec un fujet demeurant dans fon idée generale, on doit croire que celui qui fait cette propofition n'a pas laiffé ce fujet dans fon idée generale, Ainfi fi j'entens dire à un homme: Rex hoc mihi

imperavit, le Roi m'a commandé te'le choè, je fuis affûré qu'il n'a point laiffé le mot de Roi dans fon idée generale; car le Roi en general ne fait point de commandement particulier.

Si un homme m'avoit dit: La gazette de Bruxelles du 14. Janvier 1662. touchant ce qui se paffe à Paris eft fauffe, je ferois affuré qu'il auroit quelque chofe dans l'efprit de plus que ce qui feroit fignifié par ces termes: parceque tout cela n'eft point capable de faire juger fi cette gazette eft vraie ou fauffe; & qu'ainfi il faudroit qu'il eût conçu une nouvelle diflincte & particuliere, laquelle il jugeât contraire à la verité; comme fi Cette gazette avoit dit: Que le Roi avoit fait cent Chevaliers de l'Ordre du Saint-Efpr t.

De même dans les jugemens que l'on fait des opinions des Philofophes, quand on dit que la doctrine d'un tel Philofophe eft fauffe, fans exprimer diftinctement quelle eft cette doctrine, comme que la doctrine de Lucrece touchant la nature de notre ame eft fauffe, il faut necessairement que dans ces fortes de jugemens ceux qui les font conçoivent une opinion diftincte & particuliere fous le mot general de doctrine d'un tel Philofophe, parceque la qualité de fausse ne peut pas convenir à une doctrine comme étant d'un tel Aureur; mais feulement comme étant une telle opinion en particulier, contraire à la verité. Et ainfi ces fortes de propofitions fe refolvent neceffairement en celle-ci : Une telle opinion qui a été enfeignée par un tel auteur eft fauffe: L'opinion que notre ame foit composée d'atômes, qui a été enseigné par Lucrece, eft fauffe. De forte que ces jugemens enferment toûjours deux affirmations, lors même qu'elles ne font pas diftinctement exprimée: L'une principale qui regarde la verité en elle-même, qui eft

que c'eft une grande erreur de vouloir que notre ame foit compofée d'atômes : l'autre incidente, qui ne regarde qu'un point d'hiftoire, qui eft que cette erreur a été enfeignée Lucrece.

CHAPITRE VII.

De la fauffeté qui fe peut trouver dans les termes complexes, & dans les propofitions

Ε

incidentes.

Cfouure une queftion celebre, qui eft de fá

nous venons de dire peut fervir à re

voir fi la fauffeté ne fe peut trouver que dans les propofitions, & s'il n'y en a point dans les idées & dans les fimples termes.

Je parle de la fauffeté plutôt que de la verité, parcequ'il y a une verité qui eft dans les chofes par rapport à l'efprit de Dieu, foit que les hom mes y penfent ou n'y penfent pas; mais il ne peut avoir de fauffeté que par rapport à l'efprit de l'homme ou à quelqu'autre efprit fujet à erreur qui juge fauffement qu'une chofe eft ce qu'elle n'eft pas.

Y

On demande donc fi cette fauffe é ne fe rencontre que dans les propofitions, & dans les jugemens.

On répond ordinairement que non, ce qui eft vrai en un fens; mais cela n'empêche pas qu'il n'y ait quelquefois de la fauffeté, non dans les idées fimples; mais dans les termes complexes, parcequ'il fuffit pour cela qu'il y ait quelque jugement, & quelque affirmation ou expreffe ou virtuelle.

C'eft ce que nous verrons mieux en confiderant en particulier les deux fortes de termes comple

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