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criture, que la Circoncifion eft l'alliance, peat être n'y auroit-il rien de furprenant; car l'allian ce porte l'idée du figne fur la chofe à laquelle elle eft jointe. Et ainfi comme celui qui écoute une propofition conçoit l'attribut & les qualités de l'attribut avant qu'il en faffe l'union avec le sujet, on peut fuppofer que celui qui entend cette propofition, la Circoncifion eft Palliance, eft fuffifamment préparé à concevoir que la circoncifion n'eft alliance qu'en figne, le mot d'alliance lui ayant donné lieu de former cette idée, non avant qu'il foit prononcé, mais avant qu'il fût joint dans fon efprit avec le mot de Circoncifion.

J'ai dit que l'on pourroit croire que les chofes qui exigent par une convenance de raison d'être marquées par des fignes, feroient une exception de la regle établie qui demande une préparation précedente qui faffe regarder le figne comme figne, afin qu'on en puiffe affirmer la chofe fignifiée : parceque l'on pourroit croire auffi le contraire. Car 1. cette propofition, la Circoncifion eft l'alliance, n'eft point dans l'Ecriture, qui porte feulement: Voici l'alliance que vous obferverez entre vous, votre pofterité moi : Tout male par mi vous fera circoncis. Or il n'eft pas dit dans ces paroles que la Circoncifion foit l'alliance, mais la Circoncifion y eft commandée comme condition de l'alliance. Il eft vrai que Dieu exigeoit cette condition, afin que la Circoncifion fût figne de l'alliance, comme il eft porté dans le verfet fuivant, ut fit in fignum federis; Mais afin qu'elle fût figne, il en falloit commander l'observation, & la faire condition de l'alliance, & c'est ce qui eft contenu dans le verset précedent.

2. Ces paroles de faint Luc: Ce calice eft la nouvelle alliance en mon fang, que l'on allegue auffi, ont encore moins d'évidence, pour confir

mer cette exception: Car en traduifant litterasement, il y a dans faint Luc: Ce calice eft le nouveau Teftament en mon fang. Or comme le mot de Teftament ne fignifie pas feulement la derniere volonté du Teftateur, mais encore plus proprement l'inftrument qui la marque: il n'y a point de figure à appeller le calice du fang de JesusChrift, Teftament, puifque c'eft proprement la marque, le gage & le figne de la derniere volonté de Jefus-Chrift, l'inftrument de la nouvelle alliance.

Quoi qu'il en foit, cette exception étant douteufe d'une part, & étant très-rare de l'autre, & y ayant très-peu de chofes qui exigent d'ellesmêmes d'être marquées par des fignes, elles n'empêchent pas l'ufage & l'application de la regle à l'égard de toutes les autres chofes qui n'ont pas cette qualité, & que les hommes n'ont point accoûtumé de marquer par des fignes d'inftitution, Car il faut fe fouvenir de ce principe d'équité, que la plupart des regles ayant des exceptions, elles ne laiffent pas d'avoir leur force dans les chofes qui ne font point comprises dans l'exception.

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C'est par ces principes qu'il faut décider cette importante queftion, fi l'on peut donner à ces paroles: Ceci est mon corps, le fens de figure : ou plutôt, c'est par ces principes que toute la terre l'a décidée toutes les nations du monde s'étant portées naturellement à les prendre au fens de réalité, & à en exclure le fens de figure. Car les Apôtres ne regardant point le pain comme un figne, & n'étant point en peine de ce qu'il fignifioit, Jefus-Chrift n'auroit pu donner aux fignes le nom de chofes, fans parler contre l'ufage de tous les hommes, & fans les tromper, Ils pouvoient peut-être regarder ce qui fe faifoir,

Tomme quelque chose de grand; mais cela ne fuffit pas.

Je n'ai plus à remarquer fur le fujet des fignes, aufquels l'on donne le nom des chofes, finon qu'il faut extrémement diftinguer entre les expreffions où l'on fe fert du nom de la chose pour marquer le figne, comme quand on appelle un tableau d'Alexandre du nom d'Alexandre; & celles dans lefquelles le figne étant marqué par fon nom propre, ou par un pronom, on en affirme la chofe fignifiée. Car cette regle, qu'il faut que l'efprit de ceux à qui on parle regarde déja le figne comme figne, & foit en peine de favoir de quoi il eft figne, ne s'entend nullement du premier genre d'expreffions, mais feulement du fecond, où l'on affirme expreffément du figne la chofe fignifiée. Car on ne fe fert de ces expreffions que pour apprendre à ceux à qui on parle ce que fignifie ce figne : & on ne le fait en cette maniere que lorfqu'ils font fuffifamment préparés à concevoir que le figne n'eft la chofe fignifiée qu'en fignification & en figure.

CHAPITRE X V.

De deux fortes de propofitions qui font de grand ufage dans les fciences; la Divifion & la Definition. Et premierement de la divifion..

Left neceffaire de dire quelque chofe en parti qui

grand ufage dans les fciences, la Divifion & la Définition.

La Division eft le partage d'un tout en ce qu'il

contient.

Mais comme il y a deux fortes de tout, il y a auffi de deux fortes de divifions. Il y a un tout

compofé de plufieurs parties réellement diftinctes, appellé en Latin totum, & dont les parties font appellées, parties integrantes. La divifion de ce tout s'appelle proprement partition. Comme quand on divife une maifon en fes appartemens, une ville en fes quartiers, un Royaume ou un Etat en fes Provinces, l'homme en corps & en ame, le corps en fes membres. La feule regle de cette divifion, eft de faire des dénombremens bien exacts & aufquels if ne manque rien.

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L'autre tout eft appellé en Latin omne, & fes parties parties fubjectives, ou inferieures; parce que ce tout eft un terme commun, & fes parties font les fujets compris dans fon étendue, comme le mot d'animal, eft un tout de cette nature dont les inferieurs comme homme & bête, qui font compris dans fon étendue, font les parties fubjectives. Cette divifion retient proprement le nom de divifion; & on en peut remarquer de quatre fortes.

La 1. eft quand on divife le genre par fes efpeces. Toute fubftance eft corps ou efprit: Tout animal eft homme ou bête.

La 2. eft quand on divife le genre par ses differences: Tout animal eft raisonnable ou privé de raison: Tout nombre est pair ou impair: Toute propofition eft vraie ou fauffe: Toute ligne eft droite ou courbe.

La 3. quand on divife un fujet commun par les accidens oppofés dont il eft capable, ou felon fes divers inferieurs, ou en divers tems, comme : Tout aftre eft lumineux par foi-même, ou feulement par refléxion: Tout corps eft en mouvement ou en repos: Tous les Françots font nobles ou roturiers: Tout homme eft fain ou malade : Tous les peuples fe fervent pour s'exprimer, ou de la parole feulement, ou de l'écriture outre la parole.

La 4. d'un accident en fes divers fujets, comme la divifion des biens en ceux de l'efprit & du

corps.

d'en avoir.

Les regles de la divifion font, 1. Qu'elle foit entiere, c'est-à-dire, que les membres de la divifion comprennent toute l'étendue du terme que l'on divife; comme pair & impair, comprennent toute l'étendue du terme de nombre, n'y en ayant point qui ne foit pair ou impair. Il n'y a prefque rien qui faffe faire tant de faux raifonnemens, que le défaut d'attention à cette regle; & ce qui trompe eft, qu'il y a fouvent des termes qui paroiffent tellement oppofés, qu'ils femblent ne point fouffrir de milieu, qui ne laiffene pas Ainfi entre ignorant & favant, il y a une certaine mediocrité de favoir qui tire un homme du rang des ignorans, & qui ne le met pas encore au rang des favans: Entre vicieux & vertueux il y a auffi un certain état dont on peut dire ce que Tacite dit de Galba, magis extra vitia quam cum virtutibus: car il y a des gens qui n'ayant point de vices groffiers, ne font pas appellés vicieux, & qui ne faifant point de bien, ne peuvent point être appellés vertueux, quoique devant Dieu ce foit un grand vice que de n'avoir point de vertu. Entre fain & malade il y a l'état d'un homme indifpofé ou convalefcent. Entre le jour & la nuit ila le crepufcule. Entre les vices oppofés il y a le milieu de la vertu, comme la pieté entre l'impieté & la fuperftition. Et quelquefois ce milieu eft double, comme entre l'avarice & la prodigalité, il y a la liberalité, & une épargne louable: entre la timidité qui craint tout, & la temerité qui ne craint rien, il y a la generofité qui ne s'étonne point des perils, & une précaution raifonnable, qui fait éviter ceux aufquels il n'eft pas propos de s'expofer.

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