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La 2. regle qui eft une fuite de la premiere, eft que les membres de la divifion foient oppofés, comme pair, impair; raisonnable, privé de raifon. Mais il faut remarquer ce qu'on a déja dit dans la 1. partie, qu'il n'eft pas neceffaire que toutes les differences qui font fes membres oppolés foient pofitives; mais qu'il fuffit que l'une le foit, & que l'autre foit le genre feul avec la negation de Pautre difference. Et c'eft même par là qu'on fait que les membres font plus certainement oppofés. Ainfi la difference de la bête d'avec l'homme n'eft que la privation de la raifon, qui n'eft rien de pofitif: l'imparité n'est que la negation de la divifibilité en deux parties égales. Le nombre premier n'a rien que n'ait le nombre compofé; l'un & l'autre ayant l'unité pour mefure, celui qu'on appelle premier n'étant different du compofé qu'en ce qu'il n'a point d'autre mefure que l'unité.

Néanmoins il faut avouer que c'est le meilleur d'exprimer les differences oppofées par des termes pofitifs quand cela se peut; parceque cela fait mieux entendre la nature des membres de la divifion. C'eftpourquoi la divifion de la substance en celle qui penfe, & celle qui eft étendue, eft beaucoup meilleure que la commune, en celle qui eft materielle, & celle qui eft immaterielle, oubien, en celle qui eft corporelle, & celle qui n'eft pas corporelle, parceque les mots d'immaterielle & d'incorporelle ne nous donnent qu'une idée fort imparfaite & fort confufe de ce qui fe comprend beaucoup mieux par les mots de substance qui penfe.

La troifiéme regle qui eft une fuite de la seconde, eft que l'un des membres ne foit pas tellement enfermé dans l'autre, que l'autre en puiffe Être affirmé, quoiqu'il puiffe quelquefois y être

enfermé en une autre maniere. Car la ligne eft enfermée dans la furface comme le terme de la furface, & la furface dans le folide comme le terme du folide. Mais cela n'empêche pas que l'étendue ne fe divife en lignes, furface & folide, parcequ'on ne peut pas dire que la ligne foit furface, ni la furface folide. On ne peut pas au-contraire divifer le nombre en pair, impair & quarré, parceque tout nombre quarré étant pair ou im pair, il eft enfermé dans les deux premiers mem

bres.

On ne doit pas auffi divifer les opinions en vraies, fauffes & probables; parce que toute opinion probable eft vraie ou fauffe. Mais on peut les divifer premierement en vraies & en fauffes & puis divifer les unes & les autres en certaines & en probables.

Ramus & fes partifans fe font fort tourmentés pour montrer que toutes les divifions ne doivent avoir que deux membres. Tant qu'on le peut faire commodément, c'eft le meilleur; mais la clarté & la facilité étant ce qu'on doit le plus confiderer dans les fciences, on ne doit point rejetter les divifions en trois membres, & plus encore quand elles font plus naturelles, & qu'on auroit befoin de fubdivifions forcées pour les faire tou jours en deux membres. Car alors au lieu de fou lager l'efprit, qui eft le principalfruit de la divifion, on l'accable par un grand nombre de subdivifions, qu'il eft bien plus facile de retenir

que fi tout-d'un coup on avoit fait plus de membres à ce que l'on divife. Par exemple, n'eft-ib pas plus court, plus fimple, & plus naturel de dire: Foute étendue eft ou ligne ou surface, ow folide: que de dire comme Ramus, magnitudo eft linea vel lineatum : Lineatum eft superficies, veli plidum.

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Enfin on peut remarquer que c'eft un égal đéfaut de ne faire pas affez & de faire trop de divisions, l'un n'éclaire pas affez l'esprit, & l'autre le diffipe trop. Craffot qui eft un Philofophe cftimable entre les interpretes d'Ariftote, a nui à son livre par le tropgrand nombre de divifions. On retombe par là dans la confufion que l'on prétend éviter. Confusum eft quidquid in pulverem fectum eft.

CHAPITRE XVI.

De la définition qu'on appelle définition de chose.

N

au

Ous avons parlé fort au long dans la premiere partie des définitions de nom, & nous avons montré qu'il ne les falloit pas confondre avec les définitious des chofes, parceque les définitions de noms font arbitraires, lieu que les définitions des chofes ne dépendent point de nous, mais de ce qui eft enfermé dans la veritable idée d'une chofe; & ne doivent point être prifes pour principes; mais être confiderées comme des propofitions qui doivent fouvent être confirmées par raifon, & qui peuvent être combattues. Ce n'est donc que de cette derniere forte de définition que nous parlons en ce lieu.

Il y en a de deux fortes: l'une plus exacte qui retient le nom de définition: l'autre moins exacte qu'on appelle description.

La plus exacte eft celle qui explique la nature d'une chofe fes attributs effenciels, dont ceux par qui font communs s'appellent genre, & ceux qui font propres, difference.

Aina on définit l'homme un animal raifon

mable; l'efprit une fubftance qui penfe; le corps une fubftance étendue ; Dieu, l'être parfait. Il faut, autant que l'on peut, que ce qu'on met pour genre dans la définition foit le genre prochain du défini, & non pas feulement le genre éloigné.

On définit auffi quelquefois par les parties integrantes, comme lorfqu'on dit que l'homme eft une chofe compofée d'un efprit & d'un corps. Mais alors même il y a quelque chofe qui tient lieu de genre, comme le mot de chofe compofée, & le refte tient lieu de difference.

La définition moins exacte qu'on appelle defcription, eft celle qui donne quelque connoiffance d'une chofe par les accidens qui lui font propres, & qui la détermine affez pour en donner quelque idée qui la difcerne des autres.

C'eft en cette maniere qu'on décrit les herbes, fes fruits, les animaux par leur figure, par leur grandeur, par leur couleur, & autres femblables accidens. C'eft de cette nature que font les defcriptions des Poëtes & des Orateurs.

Il y a auffi des définitions ou descriptions qui fe font par les causes, par la matiere, par la forme, par la fin &c. comme fi on définit une horloge, une machine de fer compofée de diverfes roues, dont le mouvement reglé eft propre à mar quer les heures.

Il y a trois chofes neceffaires à une bonne définition: Qu'elle foit univerfelle; qu'elle foit pro pre, qu'elle foit claire.

1. Il faut qu'une définition foit univerfelle c'est-à-dire, qu'elle comprenne tout le défini, C'est pourquoi la définition commune du temps que c'est la mesure du mouvement, n'eft peutêtre pas bonne, parcequ'il y a grande apparence que le temps ne mefure pas moins le repos que le

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mouvement, puifqu'on dit auffi-bien qu'une cho fe a été tant de temps en repos, comme on dit qu'elle s'eft remuée pendant tant de temps: de forte qu'il femble que le temps ne foit autre chofe que la durée de la creature, en quelque état qu'el le foit.

2. Il faut qu'une définition foit propre, c'est-àdire qu'elle ne convienne qu'au défini C'eft pourquoi la définition commune des élemens, un corps fimple corruptible, ne femble pas bonne. Car les corps celeftes n'étant pas moins fimples que les élemens par le propre aveu des ces Philofophes, on n'a aucune raifon de croire qu'il ne fe faffe pas dans les cieux des alterations femblables à celles qui fe font fur la terre, puifque fans parler des Cometes qu'on fait maintenant n'être point formées des exhalaifons de la terre comme Ariftote fe l'étoit imaginé on a dé couvert des taches dans le Soleil, qui s'y forment, & qui s'y diffipent de la même forte que nos nuages, quoique ce foient de bien plus grands corps.

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3. Il faut qu'une définition foit claire, c'eftà-dire, qu'elle nous ferve à avoir une idée plus claire & plus diftinéte de la chofe qu'on définit, & qu'elle nous en faffe autant qu'il fe peut, comprendre la nature: de forte qu'elle. nous puiffe aider à rendre raifon de fes princi pales propriétés. C'eft ce qu'on doit principaTement confiderer dans les définitions, & c'eft ce qui manque à une grande partie des définitions. d'Ariftote.

Car qui eft celui qui a mieux compris la nature du mouvement par cette définition: Actus entis in potentia quatenus in potentia, l'acte d'un être en puiffance entant qu'il eft en puiffance? L'idée que la nature nous en fournit n'eft-elle pas cent

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