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fois plus claire que celle-là, & à qui fervit-elle jamais pour expliquer aucune des proprietés du

mouvement ?

Les 4. celebres définitions de ces quatre premieres qualités, le fec, l'humide, le chaud, le froid, ne font pas meilleures.

Le fec, dit-il, eft ce qui eft facilement retent dans fes bornes, & difficilement dans celles d'un autre corps: quod fuo termino facilè continetur, difficulter alieno.

Et l'humide au-contraire, ce qui eft facilement retenu dans les bornes d'un autre corps : & difficilement dans les fiennes : quod fuo termino diffiaulter continetur,facil: alieno.

Mais premierement ces deux définitions conviennent mieux aux corps durs & aux corps liquides, qu'aux corps fecs & aux corps hu mides. Car on dit qu'un air eft fec, & qu'an autre air eft humide, quoiqu'il foit toujours facilement retenu dans les bornes d'un autre corps, parcequ'il eft toûjours liquide. Et de plus on ne voit pas comment Ariftote a pu dire que le feu, c'eft-à-dire, la fame étoit feche felon cette définition, puifqu'elle s'accommode facilement aux bornes de notre corps; d'où vient auffi que Virgile appelle le feu liquide

liquidi fimul ignis. Et c'eft une vaine fubtilité de dire avec Campanelle, que le feu étant enfermé, aut rumpit, aut rumpitur: car ce n'eft point à caufe de fa prétendue fechereffe, mais parceque fa propie fumée l'étouffe s'il n'a de l'air. C'eft pourquoi il s'accommodera fort bien aux bornes d'un autre corps, pourvû qu'il ait quelque ouverture par où il puiffe chaffer ce qui s'en exhale fans ceffe,

Pour le chaud, il le définit: ce qui raffemble: les corps femblables, & definit les diffemblables;

quod congregat homogenea,

genea.

difgregat hetero

Et le froid ce qui raffemble les corps diffemblables, & défuni: les femblables: quod congregat heterogenea, & difgregat homogenea. C'est ce qui convient quelquefois au chaud & au froid, mais non pas toujours, & ce qui de plus ne fert de rien à nous faire entendre la vraie cause qui fait que nous appellons un corps chaud & un autre froid. De forte que le Chancelier Bacon avoit raifon de dire, que ces définitions étoient femblables à celles qu'on feroit d'un homme en le définiffant un animal qui fait des fout ers,

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qui laboure les vignes. Le même Philofophe définit la nature: Principium motus & quietis in eo in quo eft: Le principe du mouvement & du repos en ce en quoi elle eft. Ce qui n'eft fondé que fur une imagination qu'il a eue, que les corps naturels étoient en cela differens des corps artificiels, que les naturels avoient en eux le principe de leur mouvement & que les artificiels' ne l'avoient que de dehors. Au-lieu qu'il eft évident & certain que nul corps ne fe peut donner le mouve→ ment à foi-même, parceque la matiere étant de foi-même indifferente au mouvement & au repos, ne peut être déterminée à l'un ou à l'autreque par une caufe étrangere; ce qui ne pouvant aller à l'infini, il faut néceffairement que ce foit Dieu qui ait imprimé le mouvement dans la matiere, & que ce foit lui qui l'y conferve.

La celebre définition de l'ame paroît encore plus défectueufe: Altus primus corporis naturalis organici potentiâ vitam habentis. L'acte premier du corps naturel organique, qui a la vie en puiffanee. On ne fait ce qu'il a voulu définir. Car r. fi c'est Fame, entant qu'elle eft commune aux hommes & aux bêtes, c'est une chimere qu'il a défini„ n'y

ayant rien de commun entre ces deuxchoses. 2. Il a expliqué un terme obfcur par quatre ou cinq plus obfcurs. Et pour ne parler que du mot de vie, l'idée qu'on a de la vie n'eft pas moins confufe que celle qu'on a de l'ame, ces deux termes étant également ambigus & équivoques.

Voilà quelques regles de la divifion & de la dé◄ finition. Mais quoiqu'il n'y ait rien de plus important dans les fciences que de bien diviser & de bien définir, il n'eft pas neceffaire d'en rien dire ici davantage, parceque cela dépend beaucoup plus de la connoiffance de la matiere que F'on traite, que des regles de la Logique.

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CHAPITRE XVII.

De la converfion des propofitions: où l'on explique plus à fond la nature de Paffimation de la negation, dont cette converfion dépend. Et pre mierement de la nature de l'a affirmation.

Les Chapitres fuivans font un peu difficiles à com prendre, & ne font neceffaires que pour la fpeculation. C'est pourquoi ceux qui ne voudront pas fe fatiguer F'efprit à des chofes peu utiles pour la pratique, les peuvent paffer.

'Ai refervé jufques-ici à parler de la converfion des propofitions, parceque de là dépendent les fondemens de toute l'argumentation dont nous devons traiter dans la partie fuivante; & ainfi il a été bon que cette mat re ne fût pas éloignée de ce que nous avons à dire du raifonnement, quoique pour la bien traiter il faille reprendre quelque chofe de ce que nous avons dit de l'affirmation ou de la negation &expliquer à fond la nature de l'une & de l'autre.

Il eft certain que nous ne faurions exprimer une propofition aux autres, que nous ne nous fervions de deux idées, l'une pour le fujet, & l'autre pour l'attribut, & d'un autre mot qui marque l'union que notre efprit y conçoit.

Cette union ne fe peut mieux exprimer que par les paroles mêmes dont on fe fert pour affirmer, en difant qu'une chose est une autre chofe.

Et de la il eft clair que la nature de l'affirma tion eft d'unir & d'identifier, pour le dire ainsi, le fujet avec l'attribut, puifque c'eft ce qui eft fignifié par le mot est.

Et il s'enfuit auffi qu'il eft de la nature de l'affirmation, de mettre l'attribut dans tout ce qui eft exprimé dans le fujet felon l'étendue qu'il a dans la propofition; comme quand je dis que tout homme eft animal, je veux dire & je fignifie que tout ce qui eft homme eft auffi animal ; & ainfi je conçois l'animal dans tous les

hommes.

Que fi je dis feulement, quelque homme eft jufte, je ne mets pas jufte dans tous les hommes, mais feulement dans quelque homme.

Mais il faut pareillement confiderer ici ce que nous avons déja dit, qu'il faut diftinguer dans les idées la comprehenfion de l'extenfion, & que la comprehenfion marque les attributs contenus dans une idée, & l'extenfion, les fujets que con tiennent cette idée.

Car il s'enfuit de-là qu'une idée eft toûjours affirmée felon fa comprehenfion, parcequ'en lui Stant quelqu'un de fes attributs effenciels, on la détruit, & on l'anéantit entierement, & ce n'eft plus la même idée. Et par confequent quand elle eft affirmée, elle l'eft toûjours felon tour a qu'elle comprend en foi. Ainfi quand je dis

qu'un rectangle est un parallelograme, j'affirme du rectangle tout ce qui eft compris dans l'idée du parallelograme. Car s'il y avoit quelque partie de cette idée qui ne convînt pas au rectangle, il s'enfuivroit que l'idée entiere ne lui conviendroit pas, mais feulement une partie de cette idée. Et ainfi le mot de Parallelograme, qui fignific l'idée totale, devroit être nié & non affirmé du rectangle. On verra que c'eft le principe de tous les argumens affirmatifs.

Et il s'enfuit au-contraire que l'idée de l'attribut n'eft pas prife felon toute fon extenfion, à moins que fon extenfion ne fût pas plus grande que celle du fujet.

Car fi je dis que tous les impudiques feront damnés, je ne dis pas qu'ils feront eux feuls tous les damnés, mais qu'ils feront du nombre des damnés.

Ainfi l'affirmation mettant l'idée de l'attribut dans le fujet, c'eft proprement le fujet qui détermine l'extenfion de l'attribut dans la propofition affirmative, & l'identité qu'elle marque regarde l'attribut comme refferré dans une étendue égale à celle du fujet, & non pas dans toute fa generalité, s'il en a une plus grande que le fujet. Car il eft vrai que les lions font tous animaux, c'est-àdire, que chacun des lions enferme l'idée d'animal; mais il n'eft pas vrai qu'ils foient tous les

animaux.

J'ai dit que l'attribut n'eft pas pris dans toute fa generalité, s'il en a une plus grande que le fujet. Car n'étant reftreint que par le fujet, fi le fujet eft auffi general que cet attribut,il eft clair qu'alors l'attribut demeurera dans toute fa generalité, puifqu'il en aura autant que le fujet, & que nous fuppofons que par fa nature il n'en peut avoir davantage.

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