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autour de foi pour fervir de vêtement, ou d'ornement, ou d'armure, comme être habillé, être couronné, être chauffé, être armé.

Voilà les X. Categories d'Ariftote, dont on fait tant de myfteres, quoiqu'à dire le vrai ce foit une chofe de foi très-peu utile, & qui non feulement ne fert gueres à former le jugement, ce qui eft le રે but de la vraie Logique, mais qui fouvent y nuit beaucoup pour deux raifons qu'il eft important de remarquer.

La premiere eft, qu'on regarde ces Categories comme une chofe établie fur la raifon & fur la verité, au-lieu que c'eft une chose toute arbitraire, & qui n'a de fondement que l'imagination d'un homme qui n'a eu aucune autorité de preferire une loi aux autres, qui ont autant de droit que lui d'ar ranger d'une autre forte les objets de leurs penfées, chacun felon fa maniere de philofopher. Et en effet, il y en a qui ont compris en ce diftique tout ce que l'on confidere felon une nouvelle philofophic en toutes les chofes du monde.

Mens, menfura, quies, motus, pofitura, figura i Sunt cum materia cunctarum exordia rerum, C'est-à-dire, que ces gens-là le perfuadent que l'on peut rendre raifon de toute la nature en n'y confiderant que ces fept chofes ou modes. 1. Mens, l'efprit ou la fubftance qui penfe. 2. Materia, le corps ou la fubftance étendue. 3. Menfura, la grandeur ou la petiteffe de chaque partie de la matiere. 4. Pofitura, leur fituation à l'égard les unes des autres. 5. Figura, leur figure. 6. Motus, leur mouvement. 7. Quies, leur repos ou moindre

mouvement.

La feconde raifon qui rend l'étude des Catego ries dangereufe, eft qu'elle accoûtume les hommes à fe payer de mots, à s'imaginer qu'ils favent

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toutes chofes, lorfqu'ils n'en connoiffent que des noms arbitraires, qui n'en forment dans l'efprit aucune idée claire & diftincte, comme on le fera voir en un autre endroit.

On pourroit encore parler ici des attributs des Lulliftes, bonté, puissance, grandeur, &c. Mais c'eft une chofe fi ridicule, que l'imagination qu'ils ont, qu'appliquant ces mots metaphyfiques a tout ce qu'on leur propofe, ils pourront rendre raifon de tout, qu'elle ne merite pas feulement d'être refutée.

Un Auteur de ce tems a dit avec grande raison; que les regles de la Logique d'Ariftote fervoient feulement à prouver સે un autre ce que l'on favoit déja; mais que l'art de Lulle ne fervoit qu'à faire difcourir fans jugement de ce qu'on ne favoit pas. L'ignorance vaut beaucoup mieux que cetté Fauffe fcience, qui fait que l'on s'imagine favoir ce qu'on ne fait point. Car, comme faint Augufftin a très-judicieusement remarqué dans le livre de l'Utilité de la creance, cette difpofition d'efprit eft très-blâmable pour deux raifons. L'une, que celui qui s'eft fauffement perfuadé qu'il connoît La verité fe rend par là incapable de s'en faire inftruire: L'autre, que cette préfomption & cette temerité eft une marque d'un efprit qui n'eft pas bien fait: Opinari, duas ob res turpissimum eßt: quod difcere non poteft qui fibi jam fe fcire perfuafit: & per fe ipfa temeritas non benè affecti animi fignum eft. Car le mot Opinari dans la pureté de la langue Latine, fignifie la difpofition d'un efprit qui confent trop legerement à des chofes incertai nes, & qui croit ainfi favoir ce qu'il ne fait pas. C'eftpourquoi tous les Philofophes foutenoient fapientem nihil opinari; & Ciceron en se blåmant lui-même de ce vice, dit qu'il étoit magnus api

nater.

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Des idées des chofes, & des idées des fignes.

Q

Uand on confidere un objet en lui-même & dans fon propre être, fans porter la vue de l'elprit à ce qu'il peut reprefenter, l'idée qu'on en a eft une idée de chofe, comme l'idée de la terre, du foleil. Mais quand on ne regarde un certain objet que comme en reprefentant un autre, l'idée qu'on en a eft une idée de figne, & ce premier objet s'appelle figne. C'eft ainfi qu'on regarde d'òr dinaire les cartes & les tableaux. Ainfi le figne enferme deux idées, l'une de la chofe qui reprefente, l'autre de la chofe reprefentée; & la nature con fifte à exciter la feconde par la premiere.

On peut faire diverfes divifions des fignes, mais nous nous contenterons ici de trois qui font de plus grande utilité.

Premierement il y a des fignes certains qui s'ap pellent en Grec rexungia, comme la refpiration Î'est de la vie des animaux. Et il y en a qui ne font que probables, & qui font appellés en Grec nued, comme la pâleur n'eft qu'un figne pro bable de groffeffe dans les femmes.

La plupart des jugemens temeraires viennent de ce que l'on confond ces deux efpeces de fignes; & que l'on attribue un effet à une certaine caufe, quoiqu'il puiffe auffi naître d'autres caufes, & qu'ainfi il ne foit qu'un figne probable de cette caufe.

2. Il y a des fignes joints aux chofes, comme l'air du vifage, qui eft figne des mouvemens de l'ame, eft joint à ces mouvemens qu'il fignifie; les fymptomes, fignes de maladies, font joints &

ces maladies; & pour me fervir d'exemples plus grands: Comme l'arche, figne de l'Eglife, étoit jointe à Noé & à les enfans qui étoient la veritable Eglife de ce temps-là : Ainfi nos temples materiels, fignes des fidelles, font fouvent joints aux fidelles: ainfi la colombe, figure du Saint - Esprit, étoit jointe au Saint-Efprit: Ainfi le lavement du Batêfigure de la regeneration spirituelle, eft jointe à cette regeneration.

me,

Il y a auffi des fignes feparés des chofes comme les facrifices de l'ancienne loi, figne de JesusCHRIS Timmolé, étoient feparés de ce qu'ils reprefentoient.

Cette divifion des fignes donne lieu d'établir ces maximes.

1. Qu'on ne peut jamais conclure précisément ni de la présence du figne à la présence de la chofe fignifiée, puifqu'il y a des fignes de chofes abfentes, ni de la préfence du figne à l'absence de la chofe fignifiée, puifqu'il y a des fignes de chofes préfentes. C'est donc par la nature particuliere du figne qu'il en faut juger.

2. Que quoiqu'une chofe dans un état ne puiffe être figne d'elle-même dans ce même état, puifque tout figne demande une diftinction entre la chofe reprefentante, & celle qui eft reprefentée, neanmoins il eft très-poffible qu'une chose dans un certain état fe reprefente dans un autre état, comme il eft très-poffible qu'un homme dans fa chambre fe reprefente prêchant; & qu'ainfi la feule diftinction d'état fuffit entre la chofe figurante & la chofe figurée, c'eft-à-dire, qu'une même chose peut être dans un certain état chose figurante, & dans un autre chofe figurée.

3. Qu'il eft très-poffible qu'une même chose cache & découvre une autre chofe en mêmetemps, & qu'ainfi ceux qui ont dit que rien ne

paroît

paroit par ce qui le cache, ont avancé une maxime très-peu folide. Car la même chose pouvant être en même-temps & chofe & figne, peut cacher comme chofe, ce qu'elle découvre comme figne. Ainfi la cendre chaude cache le feu comme chofe, & le découvre comme figne. Ainfi les formes empruntées par les Anges les couvroient comme chofes, & les découvroient comme fignes. Ainfi les fymboles Euchariftiques cachent le corps de JESUS-CHRIST comme chofe, & le découvrent comme symbole.

4. L'on peut conclure que la nature du figne confiftant à exciter dans les fens par l'idée de la chofe figurante celle de la chofe figurée, tant que cet effet fubfifte, c'est-à-dire,tant que cette double idée eft excitée, le figne fubfifte, quand même cette chofe feroit détruite en fa propre nature. Ainfi il n'importe que les couleurs de l'arc-en-ciel que Dieu a prifes pour figne qu'il ne détruiroit plus le genre humain par un déluge, foient réelles & veritables, pourvû que nos fens ayent toujours la même impreffion, & qu'ils fe fervent de cette impreffion pour concevoir la promeffe de Dieu.

Il n'importe de même que le pain de l'Eucha→ riftie fubfifte en fa propre nature, pourvû qu'il s'excite toujours dans nos fens l'image d'un pain qui nous ferve à concevoir de quelle forte le corps de JESUS-CHRIST eft la nourriture de nos ames, & comment les fidelles font unis entr'eux.

La troifiéme divifion des fignes eft, qu'il y en a de naturels qui ne dépendent pas de la fantaisie des hommes, comme une image qui paroît dans un miroir eft un figne naturel de celui qu'elle repréfente, & qu'il y en a d'autres qui ne font que d'inf titution & d'établiffement, foit qu'ils ayent quelque rapport éloigné avec la chofe figurée, foit qu'ils n'en ayent point du tout. Ainfi les mots

B

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