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lieu, qui eft le fujet de la majeure, en eft l'attribut Or le fujet de la majeure n'eft pas ce qui a des parties, mais mais, ce qui n'a point de parties. Et ainfi le fens de la mineure eft: Noftre ame eft une chofe qui n'a point de parties; ce qui eft une prom pofition affirmative d'un attribut négatif.

Ces mêmes perfonnes prouvent encore que les argumens négatifs font quelquefois concluans, par ces exemples: Jean n'eft point raisonnable = Donc il n'eft point homme. Nul animal ne voità ·Donc nul homme ne voit. Mais ils devoient confiderer que ces exemples ne font que des entymê mes, & que nul entymême ne conclut qu'en vertu d'une propofition fous-entendue, & qui par confequent doit être dans l'efprit, quoiqu'elle ne foit pas exprimée. Or dans l'un & l'autre de ces exemples, la propofition fous-entendue eft neceffairement affirmative. Dans le 1. celle-ci : Tout bomme cft raisonnable. Jean w'eft point raisonnnable: Donc Jean n'eft point homme. Et dans Pautre: Tout homme eft animal: Nul animal ne voit: Donc nul homme ne voit. Or on ne peut pas dire que ces fyllogifmes foient de pures néga tives. Et par confequent les entymêmes qui neconcluent que parcequ'ils enferment ces fyllogifmes entiers dans l'efprit de celui qui les fait, ne peuvent être rapportés en exemple pour faire voir qu'il y a quelquefois des argumens de pures néga ves qui concluent.

CHAPITRE X.

Principe general par lequel, fans aucune redu tion aux figures & aux modes; on peut juger de la bonté ou du défaut de tout fyllogifme.

N

cieux,

en

Ous avons vu comme on peut juger fi les argumens complêxes font concluans ou viles réduifant à la forme des argumens plus communs, pour en juger enfuite par les regles communes. Mais comme il n'y a point d'apparence que notre efprit ait besoin de cette réduction pour faire ce jugement, cela a fait penfer qu'il falloit qu'il y eût des regles plus generales fur lesquelles mêmes les communes fuffent appuyées, par où l'on reconnût plus facilement la bonté ou le défaut de toutes fortes de fyllogifmes. Et voici ce qui en eft venu dans l'efprit.

Lorfqu'on veut prouver une propofition dont la verité ne paroît pas évidemment, il femble que tout ce qu'on a à faire foit de trouver une propofition plus connue qui confirme celle-là, laquelle pour cette raifon on peut appeler la pro pofition contenante: Mais parcequ'elle ne la peut pas contenir expreffément & dans les mêmes termes, puifque fi cela étoit, elle n'en feroft point differente, & ainfi elle ne ferviroit de rien pour la rendre plus claire; il eft neceffaire qu'il y ait encore une autre propofition qui faffe voir que celle que nous avons appelée contenante, contient en effet celle que l'on veut prouver. Et celle-là fe peut appeller applicative."

Dans les fyllogifines affirmatifs il eft souvent ndifferent laquelle des deux on appelle contemante, parcequ'elles contiennent toutes deux em

quelque forte la conclufion, & qu'elles fervent mutuellement à faire voir que l'autre la con

tient.

Par exemple, fi je doute fi un homme vicieux eft malheureux, & que je raisonne ainfi : Tout esclave de fes paffions eft malheureux : Tout vicieux eft ejclave de fes paffions; Donc tout vicieux eft malheureux.

Quelque propofition que vous preniez, vous pourrez dire qu'elle contient la conclufion, & que l'autre la fait voir. Car la majeure la contient, parcequ'esclave de fes paffions contient fous foi vicieux: c'est-à-dire, que vicieux eft enfermé dans fon étendue, & eft un de fes fujets, comme la mineure le fait voir. Et la mineure la contient auffi, parcequ'efclave de fes passions, comprend dans fon idée celle de malheureux, comme la majeure le fait voir.

Néanmoins comme la majeure eft prefque toujours plus generale, on la regarde d'ordinaire comme la propofition contenante, & la mineure comme explicative.

Pour les fyllogifmes negatifs, comme il n'y a qu'une propofition negative; & que la negation n'eft proprement enfermée que dans la negation, il femble qu'on doive toujours prendre la propofition negative pour la contenante, & l'affirmative pour l'applicative feulement, foit que la negative foit la majeure, comme en Celirent, Ferio, Cefare, Feftino: foit que ce foit la mineure comme en Cameftres & Baroce.

Car fi je prouve par cet argument, que nul avare n'eft heureux :

Tout heureux eft content:

Nul avare n'eft content;

Donc nilavare n'eft heureux.

Il eft plus naturel de dire que la mineure, qui

eft negative, contient la conclufion qui eft au negative; & que la majeure eft pour montrer qu'elle la contient : car cette mineure, nul avøre n'eft content, feparant totalement content d'avec avare, en fepare auffi heureux, puifque felon la majeure, heureux eft totalement enfermé dans l'étendue de content.

Il n'eft pas difficile de montrer que toutes les regles que nous avons données ne fervent qu'à faire voir que la conclufion eft contenue dans l'une des premieres propofitions, & que l'autre le fait voir; & que les argumens ne font vicieux que quand on manque à obferver cela, & qu'il font toujours bons quand on l'obferve. Car toutes ces regles fe reduifent à deux principales, qui font le fondement des autres. L'une, que nul ter me ne peut être plus general dans la conclufion que dans les prémiffes. Or cela dépend vifiblement de ce principe general que les prémiffes doivent contenir la conclufion. Ce qui ne pourroit pas être,

le même terme étant dans les prémiffes & dans la conclufion, il avoit moins d'étendue dans les prémiffes que dans la conclufion. Car le moins general ne contient pas le plus general, quelque homme ne contient pas tout homme.

L'autre regle generale eft, que le moyen doit être pris au-moins une fois universellement. Ce qui dépend encore de ce principe, que la conlufion doit être contenue dans les prémiffes. Car fuppofons que nous ayions à prouver que quel que ami de Dieu est pauvre, & que nous nous fervions pour cela de cette propofition; quelque faint eft pauvre; je dis qu'on ne verra jamais évidemment que cette propofition contient la conclufion, & que par une autre propofition, où le moyen qui eft faint, foit pris univerfellement. Car il est vifible qu'afin que cette propo

fition, quelque faint ef pauvre, contienne la conclufion, quelque ami de Dieu eft pauvre ; il faut & il fuffit que le terme quelque faint contienne le terme, quelque ami de Dieu, puifque pour l'autre elles l'ont commun. Or un terme particulier n'a point d'étendue déterminée, il ne contient certainement que ce qu'il enferme dans fa comprehenfion & dans fon idée.

Et par confequent, afin que le terme quelque faint, contienne le terme quelque ami de Dien; il faut qu'ami de Dieu foit contenu dans la com prehenfion de l'idée de faint.

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Or tout ce qui eft contenu dans la comprehenfion d'une idée en peut être univerfellement affirmé, tout ce qui eft enfermé dans la comprehenfion de l'idée de triangle, peut être affirmé de tout triangle: tout ce qui eft enfermé dans l'idée d'homme peut être affirmé de tout homme. Et par confequent, afin qu'ami de Dieu foit enfermé dans l'idée de faint, il faut que tout faint foit ami de Dieu. D'où il s'enfuit que cette conclufion,quelque ami de Dieu eft pauvre, ne peut être contenue dans cette propofition quelque faint eft pauvre, où le moyen faint est pris particulierement, qu'en vertu d'une propofition où il foit pris univerfellement, puifqu'elle doit faire voir qu'un ami de Dieu eft contenu dans la comprehenfion de l'idée de faint. C'est ce qu'on ne peut montrer qu'en affirmant ami de Dieu de faint pris univerfellement, tout faint eft ami de Dieu. Et par confequent nulle des prémiffes ne contiendroit la conclufion, fi le moyen étant pris particulierement dans l'une des propo fitions, il n'étoit pris univerfellement dans l'au we. Ce qu'il falloit démontrer.

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