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ou compofées qu'elle enferme toute la conclufion. On les peut reduire à trois genres, les conditionels, Les disjonctifs, & les copulatifs.

Les fyllogifmes conditionels.

Les fyllogifmes conditionels font ceux où la majeure eft une prepofition conditionelle qui contient toute la conclufion, comme :

S'il y a un Dieu, il le faut aimer:
Or il y a un Dieu;

Donc il le faut aimer.

La majeure a deux parties; la 1. s'appelle l'anrecedent, s'il y a un Dieu, la 2. le confequent, il le faut aimer.

Ce fyllogifme peut être de deux fortes, parceque de la même majeure, on peut former deux conclufions.

La 1. eft, quand ayant affirmé le confequent dans la majeure, on affirme l'antecedent dans la mineure, felon cette regle, en posant l'antecedent, on tofe le confequent.

Si la matiere ne se peut mouvoir d'elle même, il faut que le premier mouvement lu: ait été donné de Dieu.

Or la matiere ne se peut mouvrir d'elle-même ; Il faut donc que le premier mouvement lui ait été donné de Dieu.

La 2. forte, quand on ôte le confequent pour Ster l'antecedent, felon cette regle: Otantie confequent, on ôte l'antecedent.

Si quelqu'un des élus perit, Dieu fse trompe
Mais Dieu ne se tromp point:

Donc aucun des élus ne perit.

C'est le raisonnement de faint Auguftin: Horum fi quifquam perit, fallitur Den: Sed nemo corum perit, quia non fallitur Deus.

Les argumens conditionels font vicieux en deux manieres. L'une eft quand la majeure est une con

L

ditionelle déraisonnable, & dont la confequence eft contre les regles; comme fi je concluois le general du particulier, en difant: Si nous nous trompons en quelque chofe, nous nous trompons en tout.

Mais cette fauffeté dans la majeure de ces fyllogifmes en regarde plutôt la matiere que la forme; ainfi on ne les confidere comme vicieux felon la forme, que quand on tire une mauvaise conclufion de la majeure, vraie ou fauffe, raifonnable, ou déraisonnable: Ce qui fe fait de deux fortes.

La 1. lorfqu'on infere l'antecedent du confequent, comme fi on difoit :

Si les Chinois font Mahometans,ilsfont infidelles. Or ils font infidelles;

Donc Is font Mahometans.

La 2. forte d'argumens conditionels qui font faux, eft quand de la negation de l'antecedent on infere la negation du confequent, comme dans le même exemple.

Si les Chinois font Mahometans, ils font infilelles.

Or ils ne font pas Mahometans;

Donc ils ne font pas infidelles.

Il y a neanmoins de ces argumens conditionels qui femblent avoir ce fecond défaut, qui ne laiffent pas d'être fort bons, parcequ'il y a une exclufion fous-entendue dans la majeure, quoique non exprimée. Exemple : Ciceron ayant publié une loi contre ceux qui acheteroient les fuffrages; & Muréna étant accufé de les avoir achetés; Ciceron qui plaidoit pour lui fe juftifie par cet argument, du reproche que lui faifoit Caton d'agir dans cette défense contre fa loi: Etenim fi largitionem factam effe confiterer, idque rectè factum effe defenderem facerem improbè, etiam

fi alius legem tuliffet; cùm verò nihil commiffum contra legem effe defendam, quid eft quod meam deffenfionem latio legis impediat Il femble que cet argument foit femblable à celui d'un blafphemateur, qui diroit pour s'excu fer: Si je niois qu'il y eût un Dieu, je ferois un méchant; mais quoique je blasphéme, je ne nie pas qu'il y ait un Dieu; Donc je ne suis pas un méchant. Cet argument ne vaudroit rien parcequ'il y a d'autres crimes que l'atheifme qui rendent un homme méchant; mais ce qui fait que celui de Ciceron eft bon, quoique Ramus l'ait propofé pour exemple d'un mauvais raifonnument, c'eft qu'il enferme dans le fens une particule exclufive, & qu'il le faut reduire à

ces termes :

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Ce feroit alors feulement qu'on me pourroit reprocher avce raison d'agir contre ma loi, fi j'avouois que Murena eût acheté les fuffrages, & que je ne laissasse pas de juftifier son

action.

Mais je prétends qu'il n'a point acheté les Suffrages.

Et par confequent je ne fais rien contre ma loi.

Il faut dire la même chofe de ce raifonnement de Venus dans Virgile en parlant à Jupiter:

Si fine pace tua, atque invito numine Troës
Italiam petiere, luant peccata, neque illos
Juveris auxilio, fin tot refonsa sequuti,
Que fuperi manesque dibant: cur nunc tua
quifquam

Flectere juffa poteft, aut cur nova condere fata.
Car ces vers le redu fent à ce raifonnement :
Si les Troyens étoient venus en Italie contre le
gré des dieux, ils feroient puniffables:

Mais ils n'y font pas venus contre le gré des dieux;

Donc ils ne font pas punissables.

Il faut donc y fuppléer quelque chofe; autrement il feroit femblable à celui-ci, qui certainement ne conclut pas ;

Si Jud is étoit entré dans l'Apoftolat fans voca
tion, il auroit dû ê re rejetté de Dieu.
Mais il n'y eft pas entré fans vocation;
Donc il n'a pas dû être rejetté de Dieu.

Mais ce qui fait que celui de Venus dans Virgile n'eft pas vicieux, c'eft qu'il faut confiderer la majeure comme étant exclufive dans le fens, de même que s'il y avoit :

Ce feroit alors feulement que les Troyens fevoient puniffables, & ind gnes du fecours des dieux, s'ils étoient venus en Italie contre leur gré :

Mais ils n'y font pas venus contre leur gré;
Donc, &c.

Ou-bien il faut dire, ce qui eft la même chofe, que l'affirmative, fi fine pace tua, &c. enferme dans le fens cette negative:

que

Si les Troyens ne font venus dans l'Italie par l'ordre des dieux, il n'est pas jufte que les dieux les abandonnent.

Or ils n'y font venus que par l'ordre des dieux; Donc, &c.

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Des fyllogifmes disjonctifs.

On appelle fyllogifmes disjonctifs, ceux dont la premiere propofition eft disjonctive; c'est-àdire, dont les parties font jointes par vel, ou comme celui-ci de Ciceron:

Ceux qui ont tué Cefar font parricides, ou d fenfeurs de la liberté:

Or ils ne font point parricides;

Donc ils font d fenfeurs de la libertée

Il y en a de deux fortes. La i. quand on ôte une partie pour garder l'autre ; comme dans celui que nous venons de propofer, ou dans celui-ci :

Tous les méchans doivent être punis en ce monde ou en l'autre :

Or il y a des méchans qui ne font point punis en ce monde ;

Donc ils le feront en l'autre.

Il y a quelquefois trois membres dans cette forte de fyllogifmes, & alors on en ôte deux pour en garder un; comme dans cet argument de faint Auguftin dans fon livre du Mensonge chap. 8. Aut non eft credendum bonis, aut credendum eft eis quos credimus debere aliquando mentiri, aut non eft credendum bonos aliquando mentiri. Horum primum perniciofum eft ; secundum ftultum: Reftat ergo ut numquam mentiantur boni.

La feconde forte, mais moins naturelle, eft quand on prend une des parties pour ôter l'autre, comme fi on disoit:

S. Bernard témoignant que Dieu avoit confirmé par d s miracles fa prédication de la croifa de, étoit un faint ou un impofteur. ·

Or c'étoit un faint;

Donc ce n'étoit pas un impofteur.

Ces fyllogifmes disjonctifs ne font gueres faux, que par la fauffe:é de la majeure, dans laquelle la divifion n'eft pas exacte, le trouvant un milieu entre les membres oppofés, comme je difois :

Il faut obéir aux Princes en ce qu'ils commandent contre la loi de Dieu, on se revolter

contre eux :

Or il ne faut pas leur obéir en ce qui eft con

tre la loi de Dieu.

Donc il faut fe revolter contre eux.

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