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6. Donc fi toute matiere eft une substance, Quelque fubftance ne pense point. Felapton. 7. Donc fi quelque matiere eft caufe de plufieurs effets qui paroiffent très-merveilleux,

Tout ce qui est caufe des effets merveilleux ne penfe pas. Ferifon.

De ces conditionnelles il n'y a que la s. qui en- ferme la majeure outre la conclufion : toutes les autres renferment la mineure.

Le plus grand ufage de ces fortes de raifonnemens, eft d'obliger celui à qui on veut perfuader une chofe, de reconnoître premierement la bonté d'une confequence qu'il peut accorder, fans s'engager encore à rien, parcequ'on ne la lui propofe que conditionnellement, & feparée de la verité materielle, pour parler ainsi, de ce qu'elle

contient.

Et par là on le difpofe à recevoir plus facilement la conclufion abfolue qu'on en tire; ou en mettant l'antecedent pour mettre le confequent; ou en ôtant le confequent pour ôter l'antecedent.

Ainfi une perfonne m'ayant avoué, que nulle matiere ne penfe : J'en conclurai; Donc fi l'ame des bêtes penfe, il faut qu'elle foit diftincte de la

matiere.

Et comme il ne pourra pas me nier cette conclufion conditionelle, j'en pourrai tirer l'une ou Fautre de ces deux confequences abfolues,

Or l'ame des bêtes pense,

Donc elle eft diftincte a la matiere.

Ou bien au contraire.

Or l'ame des bêtes n'est pas diftincte dola mair

tiere,

Donc elle ne pense point.

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On voit par , qu'il faut 4: propofitions afin que ces fortes de raifonnemens foient achevés, & qu'ils établiffent quelque chofe abfolument; &

néanmoins on ne les doit pas mettre au rang des fyllogifmes qu'on appelle compofés, parceque ces 4. propofitions ne contiennent rien davantage dans le fens que ces trois propofitions d'un fyl logifme commun.

Nulle matiere ne pense:

Toute ame de bête est matiere ;
Done nulle ame de beste ne pense.

CHAPITRE XIV.

Des Enthymemes & des fentences Enthymemas

tiques.

Na déja dit que l'Enthymême étoit un fylgifme parfait dans l'efprit, mais imparfait dans l'expreffion, parcequ'on y fupprimoit quel qu'une des propofitions, comme trop claire & trop connue, & comme étant facilement fuppléée par l'efprit de ceux à qui on parle. Cette maniere d'argument eft fi commune dans les difcours & dans les écrits, qu'il eft rare au-contraire que l'on y exprime toutes les propofitions, parcequ'il y en a d'ordinaire une affez claire pour être fuppofée; & que la nature de l'efprit humain eft d'aimer mieux que l'on lui laiffe quelque chofe à fuppléer; que non pas qu'on s'imagine qu'il ait befoin d'être inftruit de tout.

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Ainfi cette fuppreffion flatte la vanité de ceux à qui on parle, en fe remettant de quelque chofe à leur intelligence & en abregeant le difcours, elle le rend plus fort & plus vif. 11 eft certain, par exemple, que fi de ce vers de la Medée d'Ovide, qui contient un enthimême trèsélegant.

*Core piece eft perdue, & il n'en reste que ce Versi par Quintilien. 1.8. chap. 5, Barnef. in Eurigid,

Servare potui, perdere an poffim rogas; Je t'ai pu conferver, je te pourrois donc perdre? 1

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On en avoit fait un argument en forme, en cette maniere: Celui qui peut conferver peut perdre: Or je t'ai pu conferver; donc je te pourrai perdre. Toute la grace en feroit ôtée; la raison en eft, que comme une des principales beautés d'un difCours eft d'être plein de fens-, & de donner occa fion à l'efprit de former une penfée plus étendue que n'eft l'expreffion; c'en eft au-contraire un des plus grands défauts d'être vuide de fens, & de renfermer peu de penfées; ce qui eft prefque inévitable dans les fyllogifmes philofophiques. Car l'efprit allant plus vite que la langue, & une des propofitions fuffifant pour en faire concevoir deux; l'expreffion de la feconde devient inutile ne contenant aucun nouveau fens. C'eft ce qui rend ces fortes d'argumens f rares dans la vie des hommes, parceque fans même 7 faire refléxion ou s'éloigne de ce qui ennuye, & l'on fe reduit à ce qui eft précisement neceffaire pour se faire en

tendre.

Les enthymêmes font donc la maniere ordinai re dont les hommes expriment leurs raisonne mens, en fupprimant la propofition qu'ils jugent devoir être facilement fuppléée ; & cette propofition, eft tantôt la majeure; tantôt la mineure, & quelquefois la conclufion; quoiqu'alors cela ne s'appelle pas proprement enthymême, tout l'ar-gument étant contenu en quelque forte dans les deux premieres propofitions.

Il arrive auffi quelquefois que l'on renferme les deux propofitions de l'enthymême dans une feule propofition, qu'Ariftote appelle pour ce fujet, fentence enthymematique, & dont il rappor te cet exemple.

Αθανατοι ἔργω μὴ φύλατε θνητός, αν

Mortel, ne garde pas une brine immortele. L'argument entier feroit: Celui qui eft mortel e doit pas conferver une haine immortelle. Or vous eftes mort. l. Donc, &c. & l'enthymême parfait feroit: Vous eftes mortel: que votre baine ne foit donc pas immortelle.

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CHAPITRE X V.

Des fyllogifmes composés de plus de trois
propofitions.

Ous avons déja dit que les fyllogifmes compofés de plus de trois propofitions, s'appellent generalement Sorites.

On en peut diftinguer de trois fortes fortes. 1. Les gradations dont il n'eft point neceffaire de rien dire davantage, que ce qui en a été dit au 1. chapitre de cette troifiéme partie.

2. Les dilemmes dont nous traiterons dans le chapitre fuivant.

3. Ceux que les Grecs ont appellé épicheremes, qui comprennent la preuve, ou de quelqu'une des deux premieres propofitions, ou de toutes les deux. Et ce font de ceux-là dont nous parlerons dans ce chapitre.

Comme l'on eft fouvent obligé de fupprimer dans les difcours certaines propofitions trop clai res; il eft auffi souvent neceffaire quand on en avance de douteuses, d'y joindre au même temps. des preuves pour empêcher l'impatience de ceux qui on parle qui fe bleffent quelquefois lorfqu'on prétend les perfuader par des raifons qur lear paroiffent fauffes ou douteufes; car quoique Fop y remedie dans la füite; nenmoins il eft dan

gereux de produire même pour un peu de temps. ce dégoût dans leur efprit: & ainfi il vaut beaucoup mieux que les preuves fuivent immediatement ces propofitions douteuses que non pas qu'elles en foient feparées. Cette feparation produit encore un autre inconvenient bien incom mode, c'eft qu'on eft obligé de repeter la propofition que l'on veut prouver. C'est pourquoi aulieu que la methode de l'Ecole eft, de pro pofer l'argument entier, & enfuite de prouver la propofition qui reçoit difficulté ; celle que Pon fuit dans les difcours ordinaires, eft de joindre aux propofitions douteufes, les preuves qui les établiffent. Ce qui fait une efpece d'argu ment compofé de plufieurs propofitions: Car à la majeure on joint les preuves de la majeure, à la mineure les preuves de la mineure, & enfuite on conclut.

L'on peut reduire ainfi toute l'Oraison pour Mifon à un argument compofé, dont la majeure eft, qu'il eft permis de tuer celui qui nous dreffe des embûches. Les preuves de cette majeure se tirent de la loi naturelle, du droit des gens, des axemples. La mineure eft, que Clodius a dreffé des embûches à Milon, & les preuves de la mineure font l'équipage de Clodius, fa fuite, &c. La con-clufion eft, qu'il a donc été permis à Milon de le

tuer.

Le peché originel fe prouveroit par les miferes des enfans, felon la methode dialectique en cette

maniere.

Les enfans ne fauroient être miferables qu'en punition de quelque peché qu'ils tirent de leur naiffance. Or ils font miferables, donc c'est à cau-fe du peché originel. Enfuite il faudroit prouver la majeure & la mineure; la majeure par cet argument disjonctif: la mifere des enfans ne peut

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