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dans l'efprit & dans les fens, & ce feroit une faute égale, de vouloir faire paffer toutes choses ou pour certaines, ou pour incertaines.

La raifon au-contraire nous oblige d'en reconnoître de trois genres..

&

pas

Car il y en a que l'on peut connoître clairement certainement: il y en a que l'on ne connoît à la verité clairement, mais que l'on peut efperer de pouvoir connoître ; & il y en a enfin qu'il eft comme impossible de connoître avec certitude, parceque nous n'avons point de principes qui nous y conduifent, ou parcequ'elles font trop difproportionnées à notre efprit..

ou

Le premier genre comprend tout ce que l'on cone noît par démonftration ou par intelligence.

Le fecond, eft la matiere de l'étude des Philofophes; mais il eft facile qu'ils s'y occupent fort inutilement, s'ils ne favent le diftinguer du troifiéme c'eft à-dire, s'ils ne peuvent, difcerner les choses où l'efprit peut arriver, de celles où il n'eft pas capable d'atteindre.

Le plus grand abregement que l'on puiffe trouver dans l'étude des fciences, eft de ne s'appliquer jamais à la recherche de tout ce qui eft au-deffus de nous, & que nous ne pouvons efperer raisonnablement de pouvoir comprendre. Dece genre font toutes les queftions qui regardent la puiffance de Dieu, qu'il eft ridicule de vouloir renfermer dans les bornes étroites de notre efprit, & generalement tout ce qui tientde l'infini; car notre efprit étant fini, il se perd & s'éblouit dans l'infinité, & demeure accablé fous la multitude des penfées contraires qu'elle fournit :

C'eft une folution très commode & très-cour te pour le tirer d'un grand nombre de queftions,. dont on difputera toûjours tant que l'on en vou

dra difputer, parceque l'on n'arrivera jamais à une connoiffance affez claire pour fixer & arrêter nos efprits. Eft-il poffible qu'une creature ait été créée dans l'éternité: Dieu peut-il faire un corps infini en grandeur, un mouvement infini en vîteffe, un multitude infinie en nombre, un nombre infini eft-il pair ou impair? Y a-t il un infini plus grand que l'autre ? Celui qui dira tout d'un coup, je n'en fai rien, fera auffi avancé en un moment, que celui qui s'appliquera à raisonner vingt ans furces fortes de fujets; & la feule difference qu'il peut y avoir entr'eux eft que celui qui s'efforcera de penetrer ces questions, eft en danger de tomber en un degré plus bas que la fimple ignorance, qui eft de croire favoir ce qu'il ne fait pas.

Il y a de même une infinité de queftions métaphyfiques, qui étant trop vagues, trop abftraites & trop éloignées de principes clairs & connus, ne fe refoudront jamais; & le plus für eft, de s'en délivrer le plutôt qu'on peut, & après avoir apprislegerement que l'on les forme, fe refoudre de bon cœur à les ignorer.

Nefcire quadam magna pars fapientis..

Par ce moyen en fe délivrant des recherches, où il eft comme impoffible de réuffir, on pourra faire: plus de progrès dans celles qui font plus proportionnées à notre efprit.

Mais il faut remarquer qu'il y a des chofes qui font incomprehenfibles dans leur maniere, & qui font certaines dans leur exiftence: On ne peut con cevoir comment elles peuvent être, & il eft certain néanmoins qu'elles font.

Qu'v a-t-il de plus incomprehenfible que l'éternité & qu'y a-t-il en même temps de plus cer-tain en forte que ceux qui par un aveuglement: horrible ont détruit dans leur efprit la connoif

fance de Dieu, font obligés de l'attribuer au plus vil & au plus méprifable de tous les êtres, qui e

la matiere.

Quel moyen de comprendre que le plus petit grain de matiere foit divisible à l'infini, & que l'on ne puffe jamais arriver à une partie fi petite, que non feulement elle n'en enferme plufieurs autres, mais qu'elle n'en enferme une infinité; que le plus petit grain de blé enferme en foi autant de parties, quoiqu'à proportion plus petites, que le monde entier ; que toutes les figures imaginables s'y trouvent actuellement, & qu'il contienne en foi un petit monde avec toutes les parties, un foleil, un ciel, des étoiles, des planettes, une terre dans une jufteffe admirable de proportions; & qu'il n'y ait aucune des parties de ce grain, qui ne contienne encore un monde proportionnel: Quelle peut être la par tie dans ce petit monde, qui répond à la groffeur d'un grain de blé, & quelle effroyable différence doit-il y avoir, afin qu'on puiffe dire veritablement que ce qu'eft un grain de blé à l'égard du monde entier, cette partie l'est à l'égard d'un grain de blé; néanmoins cette partie dont la petiteffe nous eft déja incomprehenfible, contient encore un autre monde proportionel', & ainfi à l'infini, fans qu'on en puiffe trouver aucunequi n'ait autant de parties proportionnelles, que tout le monde, quelque étendue qu'on lui donne.

Toutes ces chofes font inconcevables, & néanmoins il faut neceffairement qu'elles foient, puifque l'on démontre la divifibilité de la matière à P'infini, & que la Géometrie nous en fournit des preuves auffi claires que d'aucune des verités qu'elle nous découvre.

Caz cette science nous fait voir qu'il y a de

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certaines lignes qui n'ont nulle mesure commune & qu'elle appelle pour cette raison incommenfurables, comme la diagonale d'un quarré & les côtés: Or fi cette diagonale & ces côtés étoient compofés d'un certain nombre de parties indivifibles, une de ces parties indivifibles feroit la mefure commune de ces deux lignes, & par conLequent il eft impoffible que ces deux lignes foient compofées d'un certain nombre de parties indivi fibles.

2. On démontre encore dans cette fcience, qu'il eft impoffible qu'un nombre quarré foit double. d'un autre nombre quarré, & que cependant il eft très-poffible qu'un quarré d'étendue foit double d'un autre quarré d'étendue : Or fi ces deux quarrés d'étendue étoient compofés d'un certain nombre de parties finies, le grand quarré contiendroit le double des parties du petit, & tous les deux étant quarrés, il y auroit un quarré de nombre double d'un autre quarré de nombre, ce qui eft impoffible.

Enfia il n'y a rien de plus clair que cette raifon, que deux néants d'étendue ne peuvent former une étendue, & que toute étendue a des parties; or en prenant deux de ces parties qu'on fuppofe indivifibles, je demande fi elles ont de l'étendue, ou fi elles n'en ont point fi elles en ont, elles font donc divifibles, & elles ont plufieurs parties; fi elles n'en ont point, ce font donc des néants d'étendue ; & ainfi il eft impoffible qu'elles puiffent former une étendue.

Il faut renoncer à la certitude humaine, pour douter de la verité de ces démonftrations; mais pour aider à concevoir autant qu'il eft poflible cette divifibilité infinie de la matiere, j'y joindrai encore une preuve qui fait voir en même temps ane divifion à l'infini, & un mouvement qui fe

Falentit à l'infini, fans arriver jamais au repos

Il eft certain que quand en douteroit fi l'étendue fe peut diviser à l'infini, on ne fauroit au-moins douter qu'elle ne fe puiffe augmenter à l'infini, & qu'à un plan de cent mille lieues on ne puiffe en joindre un autre de cent mille lieues, & ainfi à l'infini: or cette augmentation infinie de l'étendue prouve fa divisibilité à l'infini; & pour le comprendre il n'y a qu'à s'imaginer une mer plate, que l'on augmente en lon gueur à l'infini, & un vaiffeau fur le bord de cette mer, qui s'éloigne du port en droite ligne; il eft certain qu'en regardant du port le bas d'un vaiffeau au-travers d'un verre, ou d'un autre corps diaphane, le rayon qui fe terminera an bas de ce vaiffeau paffera par un certain point du ver& que le rayon horifontal paffera par un autre point du verre plus élevé que le premier.. Or à mesure que le vaiffeau s'éloignera, le point du rayon qui fe terminera au-bas du vaiffeau montera toûjours, & divifera infiniment l'efpace qui eft entre ces deux points, & plus le vaiffaeu s'éloignera, plus il montera lentement, fans que jamais il ceffe de monter, ni qu'il puiffe arriver au point du rayon horifontal, parceque ces deux lignes fe coupant dans l'œil, ne feront jamais ni paralleles, ni une même ligne. Ainfi cet exemple nous fournit en même temps la preuve d'une divifion à l'infiai de l'étendue, & d'un ralentiffement à l'infini du mouvement:

re,

C'eft par cette diminution infiaie de l'étendue qui naît de fa divifibilité, qu'on peut prouver ces problêmes qui femblent impoffibles dans lés termes. Trouver un efpace infini égal à un efpace fini, ou qui ne foit que la moitié, le tiers, &c. d'un elpace fini. On les peut réfoudrediverfes manieres; & en voici une affez grol

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