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contre, qu'il eft certain que pour trouver une genealogie inconnue, il faut remonter du fils au pere; au-lieu que pour l'expliquer après l'avoir trouvée, la maniere la plus ordinaire eft de commencer par le tronc pour en faire voir les descendans; qui eft auffi ce qu'on fait d'ordinaire dans les fciences, ou après s'être fervi de l'analyfe pour trouver quelque verité, on fe fert de l'autre mé thode pour expliquer ce qu'on a trouvé.

On peut comprendre par là ce que c'est que l'analyse des Geometres. Car voici en quoi elle confifte. Une queftion leur ayant été propofée dont ils ignorent la verité ou la fauffeté fi c'eft un théorême, la poffibilité ou l'impoffibilité fi c'est un problême, ils fuppofent que cela eft comme il eft propofé; & examinant ce qui s'enfuit de là, s'ils arrivent dans cet examen à quelque verité claire dont ce qui leur eft propofé foit une fuite neceffaire, ils en concluent que ce qui leur eft propofé eft vrai: & reprenant enfuite par où ils avoient fini, ils le démontrent par l'autre méthode qu'on appelle de compofition. Mais s'ils tom bent par une fuite neceffaire de ce qui leur eft propofé dans quelque abfurdité ou impoffibilité; ils! en concluent que ce qu'on leur avoit propofé eft faux & impoffible.

Voilà ce qu'on peut dire generalement de l'analyfe, qui confifte plus dans le jugement & dans l'adreffe de l'efprit, que dans des regles particu lieres. Ces 4. néanmoins que Monfieur Defcartes propofe dans fa Méthode, peuvent être utiles pour le garder de l'erreur en voulant rechercher la verité dans les fciences humaines, quoiqu'à dire vrai elles foient generales pour toutes fortes de methodes, & non particulieres pour la feule analyse.

La 1. eft de ne recevoir jamais aucune chofe

pour vraie qu'on ne la connoiffe évidemment être telle, c'est-à-dire, d'éviter foigneusement la pré cipitation la prévention; & de ne comprendre rien de plus en fes jugemens, que ce qui se préfente fi clairement à l'esprit, qu'on n'ait aucune occafion de le mettre en doute.

La 2. de divifer chacune des difficultés qu'on examine, en autant de parcelles qu'il se peut &qu'il eft requis pour les refoudre.

La 3. de conduire par ordre fes pensées, en com◄ mençant par les objets les plus fimples & les plus aifés à connoître, pour monter peu-à-peu comme par degrés juqu'à la connoiffance des plus com→ pofés, & fuppofant même de l'ordre entre ceux qui ne se précedent point naturellement les uns les

autres.

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La 4. de faire par tout des dénombremens fi entiers, des revûes fi generales, qu'on se puisse affûrer de ne rien omettre.

Il eft vrai qu'il y a beaucoup de difficulté à obferver ces regles, mais il eft toûjours avantageux de les avoir dans l'efprit, & de les garder autant que l'on peut lorfqu'on veut trouver la verité par la voie de la raifon, & autant que notre esprit eft capable de la connoître.

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De la methode de compofition, particulierement de celle qu'obfervent ls Geometres.

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Credent nous a que nous avons dit dans le chapitre précedent nous a déja donné quelque idée de la methode de compofition, qui eft la plus importante; en ce que c'eft celle dont on fe fert pour expliquer toutes les fciences.

Cette methode confifte principalement à com

mencer par les chofes les plus generales & les plus fimples, pour paffer aux moins generales & plus compofées. On évite par là les redites, puifque fi on traitoit les efpeces avant le genre, comme il eft impoffible de bien connoître une efpece fans en connoître le genre, il faudroit expliquer plufieurs fois la nature du genre dans l'explica tion de chaque efpece.

Il y a encore beaucoup de chofes à observer pour rendre cette methode parfaite & entieremeut propre à la fin qu'elle fe doit propofer, qui eft de nous donner une connoiffance claire & distincte de la verité. Mais parceque les préceptes generaux font plus difficiles à comprendre quand ils font feparés de toute matiere, nous confide rerons la methode que fuivent les Geometres comme étant celle qu'on a toujours jugée la plus propre pour perfuader la verité, & en convaincre. entierement l'efprit. Et nous ferons voir premierement ce qu'elle a de bon, & en fecond lieu ce qu'elle femble avoir de défectueux.

Les Geometres ayant pour but de n'avancer rien que de convaincant, ils ont cru y pouvoir ar. river en obfervant trois chofes en general.

*La 1. eft de ne laiffer aucune ambiguité dans les termes, à quoi ils ont pourvû par les définitions des mots dont nous avons parlé dans la premiere partie.

·La 2. eft, de n'établir leurs raisonnemens que fur des princices clairs & évidens, & qui ne puiffent être conteftés par aucune perfonne d'efprit. Ce qui fait qu'avant toutes chofes ils pofent les axiomes qu'ils demandent qu'on leur accorde, comme étant fi clairs qu'on les obfcurciroit en les voulant prouver.

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La 3. eft, de prouver démonftrativement toutes les conclufions qu'ils avancent, en ne fe fervant

que

des définitions qui font pofées, des principes. qui leur ont été accordés comme étant très-évidens,ou des propofitions qu'ils en ont déja tirées par la force du raisonnement, & qui leur deviennent après autant de principes.

Ainfi l'on peut reduire à ces trois chefs, tout ce que les Geometres obfervent pour convaincre l'efprit, & renfermer le tout en ces cinq regles trèsimportantes.

Regles neceffaires.

Pour les définitions.

1. Ne laiffer aucun des termes un peu obscurs ou équivoques fans le définir.

2. N'employer dans les definitions que des termes parfaitement connus, on déja expliqués.

Pour les Axiomes.

3. Ne demander en axiómes

faitement évidentes.

que des chofes par

Pour les démonftrations.

4. Prouver toutes les propofitions un peu obfcures, en n'employant à leur preuve que des d fisitions qui auront précedé, ou les axiômes qui auront éré accordés, ou les propofitions qui auront déja été démontrées, ou la conflruction de la chife même dont il s'agira, lorsqu'il y aura quelque operation à faire.

5. N'abufer jamais de l'équivoque des termes, en manquant d'y fubftituer mentalement les dé finitions qui les reftre gnent, & qui les expliquent.

Voilà ce que les Geometres ont jugé neceffaire pour rendre les preuves convaincantes & invincibles. Et il faut avouer que l'attention à obferver ces regles eft fuffifante pour éviter de faire de faux raifonnemens, en traitant les fciences, ce qui fans doute eft le principal, tout le reste se pouvant dire utile plutôt que neceffaire.

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Explication plus particuliere de cas regles & premierement de celles qui regardent les définitions.

Voique nous ayons déja parlé dans la pre miere partie de l'utilir des définitions des termes, neanmoins cela eft fi important que l'on ne peut trop l'avoir dans l'efprit; puifque par là on demêle une infinité de difputes, qui n'ont fou vent pour fujet que l'ambiguité des termes, que P'un prend en un fens, & l'autre en un autre, de forte que de tres grandes contellations cefferoient en un moment fi l'un ou l'autre des difputans avoit foin de marquer nettement & en peu de paroles ce qu'il entend par les termes qui font le fujet de la difpute.

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Ciceron a remarqué que la plupart des difputes entre les Philofophes anciens, & fur-tout entre les Stoïciens & les Academiciens, n'étoient fondées, que fur cette ambiguité de paroles les Stoïciens ayant pris plaifir pour le relever, de prendre les termes de la Morale en d'autres fens que les autres. Ce qui faifoit croire que leur Morale étoit bien plus fevere & bien parfaite, quoiqu'en effet cette prétendue perfection ne fût. que dans les mots, & non dans les chofes, le fage des Soïciens ne prenant pas moins tous les plaifirs de la vie que les Philofophes des autres fectes qui paroiffoient moins rigoureux, & n'évitant pas avec moins de foin les maux & les incommodités; avec cette feule difference, qu'au-lieu que les autres Philofophes fes fervoient des mots ordinaires de biens & de

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