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On peut voir en fecond lieu, que puifque la difference conftitue l'efpece, & la diftingue des autres efpeces, elle doit avoir la même étendue que l'efpece, & ainfi qu'il faut qu'elles fe puiffent dire réciproquement l'une de l'autre, comme tout ce qui penfe eft efprit, & tout ce qui eft efprit penfe.

Néanmoins il arrive affez fouvent que l'on ne voit dans certaines chofes aucun attribut qui foit tel, qu'il convienne à toute une efpece, & qu'il ne convienne qu'à cette efpece; & alors on joint plufieurs attributs enfemble, dont, l'affemblage ne fe trouvant pas dans cette efpece, en constitue La difference. Ainfi les Platoniciens prenant les démons pour des animaux raifonnables auffi-bien que l'homme, ne trouvoient pas que la difference de raisonnable fût reciproque à l'homme; c'eft pourquoi ils y en jajoûtoient un autre, comme mortel, qui n'eft pas non plus reciproque à l'homme, puifqu'elle convient aux bêtes; mais toutes deux ensemble ne conviennent qu'à l'homme, C'est ce que nous faifons dans l'idée que nous nous formons de la plupart des animaux.

Enfin, il faut remarquer qu'il n'eft pas toûjours neceffaire que les deux differences qui partagent un genre foient toutes deux pofitives; mais que c'eft affez qu'il y en ait une, comme deux hommes font diftingués l'un de l'autre, fi l'un a une charge que l'autre n'a pas, quoique celui qui n'a pas de charge n'ait rien que l'autre n'ait. C'eft ainfi que l'homme eft diftingué des bêtes en general, en ce que l'homme eft un animal qui a un efprit, animal mente preditum, & que la bête eft un pur animal, animal merum. Car l'idée de la bête en general n'enferme rien de pofitif qui ne foit dans l'homme; mais on y joint feulement jla negation de ce qui eft en l'homme

favoir l'efprit. De forte que toute la difference qu'il y a entre l'idée d'animal & celle de bête, eft que l'idée d'animal n'enferme pas la pensée dans fa comprehenfion, mais ne l'exclut pas auffi & l'enferme même dans fon étendue, pa cequ'elle convient à un animal qui pense; aulieu l'idée de bête l'exclut dans fa compre que henfion, & ainfi ne peut convenir à l'animal qui penfe.

Du Propre.

Quand nous avons trouvé la difference qui conftitue une efpece, c'eft-à-dire, fon principal attribut effenciel qui la diftingue de toutes les autres efpeces, fi confiderant plus particulierement

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nature, nous y trouvons encore quelque attribut qui foit neceffairement lié avec ce premier attri but, & qui par confequent convienne à toute cette efpece & à cette feule efpece; omni & foli, nous Pappellons proprieté ; & étant fignifié par un terme connotatif, nous l'attribuons à l'efpece comme fon propre; & parcequ'il convient auffi à tous les inferieurs de l'efpece, & que la feule idée que nous en avons une fois formée préfenter cette proprieté par-tout où elle fe trouve, on en a fait le quatriéine des termes communs & univerfaux.

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Exemple. Avoir un angle droit eft la différence effencielle du triangle rectangle. Et parceque c'est une dépendance neceffaire de l'angle droit que le quarré du côté qui le foûtient foit égal aux quar rés des deux côtés qui le comprennent, l'égalité de ces quarrés eft confiderée comme la propriété du triangle rectangle, qui convient à tous les triangles rectangles, & qui ne convient qu'à eux feuls.

Néanmoins on a quelquefois étendu plus loin Ce nom de propre, & on en a fait quatre efpeces

I.

La 1. eft celle que nous venons d'expliquer, quod convenit omni, & soli, & femper; comme c'eft le propre de tout cercle, du feul cercle, & toûjours, que les lignes tirées du centre à la circonference foient égales.

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La 2. quod convenit omni, fed non foli, comme on dit qu'il eft propre à l'étendu d'être divisible parceque toute étendue peut être divifée, quoique La durée, le nombre, & la force le puiffent être auffi.

La 3. eft, quod convenit foli, fed non omni, comme il ne convient qu'à l'homme d'être medecin ou philofophe, quoique tous les hommes net le foient pas.

La 4.quod convenit omni & foli, fed non femper; dont on rapporte pour exemple, le changement de la couleur du poil en blanc, canefcere; ce qui convient à tous les hommes & aux feuls hommes, mais feulement dans la vieilleffe.

De l'Accident.

Nous avons déja dit dans le chapitre fecond,. qu'on appelloit mode ce qui ne pouvoit exister naturellement que par la fubftance, & ce qui n'étoit point néceffairement lié avec l'idée d'une chofe en forte qu'on peut bien concevoir la chofe fans concevoir le mode, comme on peut bien concevoir un homme fans le concevoir prudent; mais on ne peut concevoir la prudence, fans concevoir ou un homme, ou une autre nature intelligente qui foit prudente.

Or quand on joint une idée confufe & indéterminée de fubftance avec une idée diftincte de quelque mode, cette idée eft capable de repréfenter toutes les chofes où fera ce mode, comme l'idée de prudent tous les hommes prudens, l'idée de Tond tous les corps ronds; & alors cette idée exprimée par un terme connotatif,prudent, rond,

et ce qui fait le cinquiéme univerfel qu'on appelle accident, parcequ'il n'eft pas effenciel à la chofe à qui on l'attribue. Car s'il l'étoit, il seroit différent ou propre.

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Mais il faut remarquer ici, comme l'on a déja dit, que quand on confidere deux substances enfemble on peut en confiderer une comme mode de l'autre. Ainfi un homme habilé peut être con fidéré comme un tout compofé de cet homme & de fes habits; mais être habillé au regard de cet homme, eft feulement un mode ou une façon d'être, fous laquelle on le confidere, quoique fes habits foient des fubftances. C'eft pourquoi être habillé n'eft qu'un cinquiéme univerfel.

En voilà plus qu'il n'en faut touchant les cinq Univerfaux qu'on traite dans l'école avec tant d'étendue. Car il fert de très-peu de favoir qu'il y a des Genres, des Efpéces, des Differences, des. Propres, & des Accidens; mais l'importance eft de reconnoître les vrais. s.genres des chofes, les vraies efpeces de chaque genre, leurs vraies differences, leurs vraies proprietés, & les accidens qui Feur conviennent. Et c'eft à quoi nous pourrons donner quelque lumiere dans les chapitres fuivans, aprés avoir dit auparavant quelque chofe des termes complexes.

CHAPITRE VITI

Des termes complexes, & de leur universalité on particularité.

Njoint quelquefois à un terme divers autres termes qui compofent dans notre efprit une idée totale, de laquelle il arrive fouvent qu'on peut affirmer ou nier, ce qu'on ne pourroit pas affirmer ou nier de chacun de ces termes étant fé

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parés: par exemple, ce font des termes complexes un homme prudent,un corps transparent, Alexan dre fils de Philippe.

Cette addition fe fait quelquefois par le pronor relatif, comme fi je dis: un corps qui eft tranfparent, Alexandre qui eft fils de Philippe, le Pape qui eft Vicaire de Jefus-Chrift.

Et on peut dire mê ne que fi ce relatif n'est pas toûjours exprimé, il eft toûjours en quelque forte fous-entendu, parcequ'il fe peut exprimer fi l'on veut fans changer la propofition.

Car c'eft la même chofe de dire, un corps tranfparent, ou un corps qui eft tranfparent.

Ce qu'il y a de plus remarquable dans ces termes complexes, est que l'addition que l'on fait à un terme eft de deux fortes : l'une qu'on peut appeller explication, & l'autre détermination.

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Cette addition fe peut appeller feulement ex plication, quand elle ne fait que déveloper ou ce qui étoit enfermé dans la compaéhenfion de l'idée du premier terme, ou du-moins ce qui lui convient comme un de fes accidens pourvû qu'il lui convienne generalement & dans toute fon étendue; comme fi je dis; l'homme qui eft un animal doué de raifón, ou l'homme qui defire naturellement d'être heureux, ou l'homme qui eft mortel. Ces additions ne font que des explicarions, parcequ'elles ne changent point-du-tout l'idée du mot d'homme, & ne la reftreignent point: à ne fignifier qu'une partie des hommes: mais marquent feulement ce qui convient à tous les hommes.

Toutes les additions qu'on ajoûte aux noms qui marquent diftinctement un individù, font de cette forte; comme quand on dit, Paris qui eft la plus grand ville de l'Europe: Jules Cefar qui a été le plus grand capitaine du monde: Ariftote

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