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qui font comprifes fous le nom general de mathematiques; mais on prétend feulement qu'on y pourroit encore ajoûter quelque chofe qui les rendroit plus parfaites, & que quoique la principale chofe qu'ils ayent dû y confiderer, eft de ne rien avancer que de veritable, il auroit été néanmoins à fouhaiter qu'ils euffent eu plus. d'attention à la maniere la plus naturelle de faire entrer la verité dans l'efprit.

Car ils ont beau dire qu'ils ne fe foucient pas du vrai ordre, ni de prouver par des voies naturelles ou éloignées, pourvû qu'ils faffent ce qu'ils prétendent, qui eft de convaincre; ils ne peuvent pas changer par-là la nature de notre efprit, ni faire que nous n'ayions une connoiffance beaucoup plus nette, plus entiere, & plus parfaite des chofes que nous favons par leurs vraies caufes & leurs vrais principes, que de celles qu'on ne nous a prouvées que par des voies obliques & étrangeres.

Et il eft de même indubitable qu'on apprend avec une facilité, incomparablement plus grande, & qu'on retient beaucoup mieux ce qu'on enfeigne dans le vrai ordre, parceque les idées qui ont une fuite naturelle s'arrangent bien mieur dans notre memoire, & fe reveillent bien plus aifément les unes les autres.

On peut dire même que ce qu'on a fû une fois pour en avoir penetré la vraie raison, ne fe retient pas par memoire, mais par jugement; & que cela devient tellement propre. qu'on ne le peut oublier: au-lieu que ce qu'on ne fait que par des démonstrations qui ne font point fondées fur des raisons naturelles, s'échappe aisément, & fe retrouve difficilement quand il nous eft une fois forti de la memoire, parceque notre efprit ne nous fournis point de voie pour le retrouver.

Il faut donc demeurer d'accord qu'il eft en foi beaucoup mieux de garder cet ordre, que de ne le point garder. Mais tout ce que pourroient dire des perfonnes équitables, eft qu'il faut negliger unt petit inconvenient lorfqu'on ne peut l'éviter fans tomber dans un plus grand : Qu'ainfi c'eft un inconvenient de ne pas toujours garder le vrai ordre; mais qu'il vaut mieux néanmoins ne le pas garder, que de manquer à prouver invinciblement ce que l'on avance, & s'expofer à tomber dans quelque erreur & quelque paralogifme, en recherchant. de certaines preuves qui peuvent être plus naturelles, mais qui ne font pas fi convaincantes, ni fi exemptes de tout foupçon de tromperie.

Cette réponse eft très-raifonnable. Et j'avoue qu'il faux préferer à toutes chofes l'affurance de ne fe point tromper, & qu'il faut negliger le vrai ordre fi on ne le peut fuivre fans perdre beaucoup de la force des démonftrations, & s'expofer à l'erreur. Mais je ne demeure pas d'accord qu'il foit impoffible d'obferver l'un & l'autre, & je m'imagine, qu'on pourroit faire des élemens de Geometrie, où toutes chofes feroient traitées dans leur ordre naturel, toutes les propo fitions prouvées par des voies très-fimples & trèsnaturelles, & où tout néanmoins feroit très-clairement démontré. ( C'eft ce qu'on a depuis executé dans les NOUVEAUX ELEMENS D. E GEOMETRIE, & particulietement dans la nouvelle édition qui vient de paroître. ).

CHAPITRE

X I.

La méthode des Sciences reduite à huit regles

principales.

N peut conclure de tout ce que nous venons de dire, que pour avoir une méthode qui foit encore plus parfaite que celle qui eft en ufage par mi les Geometres, on doit ajoûter deux ou trois regles aux cinq que nous avons propofées dans le Chapitre II. De forte que toutes ces regles fe peuvent reduire à huit.

Dont les deux premieres regardent les idées, & fe peuvent rapporter à la premiere partie de cette Logique.

La 3. & la 4. regardent les axiomes, & le peuvent rapporter à la 2. partie.

La 5. & la 6. regardent les raifonnemens, & fe peuvent rapporter à la 3. partie.

Et les deux derniers regardent l'ordre, & fe peuvent rapporter à la 4 partie.

Deux regles touchant les définitions.

r. Ne laiffer aucun des termes un peu obscurs ou équivoques fans le définir.

2. Nemployer dans les définitions des terque mer parfaitement connus, ou déja expliqués. Deux regles pour les axiomes.

3. Ne demander en axiome que des chofes parfaitement évidentes.

4. Recevoir pour évident ce qui n'a besoin que d'un peu d'attention pour être reconnu veritable. Deux regles pour les démonstrations.

5. Prouver toutes les propofitions un peu obfcu res, en n'employant à leur preuve que les définitions qui auront précedé, & les axiomes qui au

ront été accordés, ou les propofitions qui auront déja été démontrées.

6. N'abufer jamais de l'équivoque des termes, en manquant de fubftituer mentalement les définitions> qui les reftreignent & qui les expliquent.

Deux règles pour la methode.

7. Traiter les chofes, autant qu'il fse peut dans leur ordre naturel " en commençant par les plus generales & les plus fimples, & expliquant tout ce qui appartient à la nature du paffer aux efpeces particulieres.

genre, avant que

8. Divifer, autant qu'il fe peut, chaque genre en toutes fes efpeces, chaque tout en toutes fes ties, & chaque difficulté en tous fes cas.

par

J'ai ajouté à ces deux regles, autant qu'il fe peut, parcequ'il eft vrai qu'il arrive beaucoup de rencontres où on ne peut pas les obferver à la rigueur, foit à caufe des bornes de l'efprit humain foit à caufe de celles qu'on a été obligé donner chaque fcience..

Ce qui fait qu'on y traite fouvent d'une efpece,' fans qu'on y puiffe traiter tout ce appartient au genre: comme on traite du cercle dans la Geomé→ Frie commune, fans rien dire en particulier de la ligne courbe qui en eft le genre, qu'on fe contente feulement de définir.

On ne peut pas auffi expliquer d'un genre tout ce qui s'en pourroit dire, parceque cela feroit fou-vent trop long, mais il fuffit d'en dire tout ce qu'on en veut dire avant que paffer aux efpeces.

Mais croi qu'une fcience ne peut être traitée parfaitement, qu'on n'ait grand égard à ces deux dernieres regles, auffi-bien, qu'aux autres, & qu'on ne fe refolve à ne s'en difpenfer que par ne ceffité, ou pour une grande utilité.

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CHAPITRE XII.

De ce que nous connoiffons par la foi, foit humaine, foit divine.

Test Cie que humanes purement humaines, Out ce que nous avons dit jufqu'ici regarde, & les connoiffances qui font fondées fur l'évidence de la raifon. Mais avant que de finir il eft bon de parler d'une autre forte de connoiffance, qui fouvent n'eft pas moins certaine ni moins évidente en fa manière, qui eft celle que nous tirons de l'autorité.

Car il y a deux voies generales qui nous font. croire qu'une chofe eft vraie. La premiere eft la connoiffance que nous en avons par nous-mêmes, pour en avoir reconnu & recherché la verité, soit par nos fens, foit par notre raifon : ce qui fe peut appeller generalement raifon, parceque les fens mêmes dépendent du jugement de la raifon: ou Science, prenant ici ce nom plus generalement qu'on ne le prend dans les écoles, pour toute connoiffance d'un objet tiré de l'objet même.

L'autre voie eft l'autorité des perfonnes dignes de creance, qui nous affûrent qu'une telle chofe eft, quoique par nous-mêmes nous n'en fachions rien; ce qui s'appelle foi, on creance, felon cette parole de faint Auguftin; Quod fcimus, debemus rationi; quod credimus, autoritati.

Mais comme cette autorité peut être de deux fortes, de Dieu ou des hommes, il y a aufli deux fortes de foi, divine & humaine.

La foi divine ne peut être fujette à erreur, parceque Dieu ne peut ni nous tromper, ni êtte trompé

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