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adjectifs formés des noms de fubftance de leur rapport, on en fait de nouveaux fubftantifs; ainfi après avoir formé du mot substantif homme l'adjectif Lumain, on forme de l'adjectif humain le fubftantif humanité.

Il y a des noms qui paffent pour fubftantifs en Grammaire, qui font de veritables adjectifs, comme Roi, Phil fophe, Medecin, puifqu'ils marquent une maniere d'être ou mode dans un fujet. Mais la raifon pourquoi il paffent pour fubftantifs, c'eft que comme ils ne conviennent qu'à un feul fujet, on fous-entend toûjours cet unique fujer fans qu'il foit befoin de l'exprimer.

Par la même raison, ces mots, le rouge, le blanc, &c. font veritables adjectifs, parce que le rapport eft marqué; mais la raifon pourquoi on n'exprime pas le fubftantif auquel ils fe rapportent, c'est que c'eft un fubftantif general qui comprend tous les fujets de ces modes, & qui eft par-là unique dans cetre generalité. Ainfi le rouge, c'eft toute chofe rouge, le blanc, toute chose blanche: ou, comme l'on dit en Geometrie, c'eft une chofe rouge quelconque.

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Les adjectifs ont donc effenciellement deux fiifications; l'une diftincte qui eft celle du mode ou maniere; l'autre confufe, qui eft celle du fujez. Mais quoique la fignification du mode foit plus diftincte, elle eft pourtant indirecte; & aucontraire celle du fujet, quoique confufe, eft directe. Le mot de blinc, candidum, fignifie directement, mais confufément, le fujet, & indirectement, quoique distinctement la blancheur. DES PRONOMS.

L'ufage des Pronoms eft de tenir la place des Noms & de donner moyen d'en éviter la repetition qui eft ennuyeufe. Mais il ne faut pas s'imaginer qu'en tenant la place des Noms ils faf

Lent

fent entierement le même effet fur l'efprit. Cela n'eft nullement vrai, au-contraire ils ne remedient au dégoût de la repetition que parcequ'ils ne reprefentent les Noms que d'une maniere confule. Les noms découvrent en quelque forte les chofes à l'efprit, & les Pronoms les préfentent comme voilées, quoique l'efprit fente pourtant que c'est la même chofe que celle qui eft fignifiée par les noms. C'eft pourquoi il n'y a point d'inconvenient que le Nom & le Pronom foient joints ensemble: Tu Phadria, Ecce ego

Joannes.

DES DIVERS SORTES DE PRONOMS.

Comme les hommes ont reconnu qu'il étoit fouvent inutile & de mauvaise grace de fe nommer foi-même, ils ont introduit le Pronom de la premiere perfonne pour mettre en la place de celui qui parle: Ego, moi, je.

Pour n'être pas obligés de nommer celui à qui on parle; ils ont trouvé bon de le marquer par un mot qu'ils ont appellé Pronom de la 2.

fonne, toi ou vous.

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Et pour n'être pas obligés de repeter les Noms des autres perfonnes & des autres chofes dont on parle, ils ont inventé les Pronoms de la troifiéme perfonne, ille, illa, illud, entre lefquels il y en a qui marquent, comme au doigt, là chose dont on parle, & qu'à caufe de cela on nomme démonftratifs, bie, ifte, celui-ci, celu là.

Il y en a auffi un qu'on nomme reciproque, parcequ'il marque un rapport d'une chofe à foimême. C'eft le Pronom fui, fibi, fe: Caton s'eft tué.

Tous les Pronoms ont cela de commun, comme nous avons déja dit, qu'ils marquent confu fément le Nom dont ils tiennent la place. Mais ily a cela de particulier dans le Neutre de cet

E

Pronoms illud, hoc, lorfqu'il eft mis abfolument 1 c'est-à-dire, fans nom exprimé, qu'au-lieu que les autres genres, bic, bac, ille, illa, fe peuvent rapporter & fe rapportent prefque toujours à des idées diftinctes qu'ils ne marquent neanmoins que confufément ; illum expirantem flammas, c'està-dire, illum Ajacem: His ego nec metas rerum, nec tempora ponam, c'est-à-dire, Romanis. Le Neutre au-contraire le rapporte toujours à un nom general & confus: hoc erat in votis, c'est-àdire, hac res, hoc negotium erat in votis: hoc erat alma parens, &c. Ainfi il y a une double confufion dans le Neutre, favoir celle du Pronom, dont la fignification eft toûjours confufe, & celle du mot negotium, chofe, qui eft encore aussi nerale & auffi confufe.

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DU PRONOM RELATIF. Il y a encore un autre Pronom qu'on appelle relatif, qui, qua, quod, qui, lequel, laquelle. Ce Pronom relatif a quelque chofe de commun avec les autres Pronoms, & quelque chofe de propre.

Ce qu'il a de commun, eft qu'il se met au lieu du nom, & en excite une idée confufe.

Ce qu'il a de propre, eft que la propofition dans laquelle il entre, peut faire partie du fujet ou de l'attribut d'une propofition, & former ainfi une de ces propofitions ajoûtées ou incidentes, dont nous parlerons plus bas avec plus d'étendue, Dieu qui eft bon, le monde qui eft vifible.

Je fuppofe ici qu'on entend ces termes de fujet & d'attribut des propofitions, quoiqu'on ne les ait pas encore expliquées expreffément, parcequ'ils font fi communs, qu'on les entend or dinairement avant que d'avoir étudié la Logi→ que: Ceux qui ne les entendroient pas, n'au

ront qu'à recourir au lieu où l'on en marque le fens.

On peut refoudre par là cette queftion, quel eft le fens précis du mot que lorfqu'il fuit un Verbe, & qu'il femble ne fe rapporter à rien. Jean répondit qu'il n'étoit pas le Chrift. Pilate dit qu'il ne trouvoit point de crime en Jefus Chr ft.

Il y en a qui en veulent faire un Adverbe aussibien que du mot quod, que les Latins prennent quelquefois au même fens qu'a notre que François, quoique rarement: Non tibi objicio quod hominem fpoliafti, dit Ciceron.

Mais la verité eft que les mots que, quod ne font autre chofe que le Pronom relatif, & qu'ils

en confervent le fens.

Ainfi dans ce te propofition, Jean répondit qu'il n'étoit pas le Christ, ce que conferve l'ufage de lier une autre propofition, savoir, n'étoit pas le Chrift, avec l'attribut enfermé dans le mot de répondit, qui fignifie fuit refpon

dens.

L'autre usage, qui eft de tenir la place du nom & de s'y rapporter, y paroît à la verité beaucoup moins; ce qui a fait dire à quelques perfonnes habiles, que ce que en étoit entierement privé dans cette occafion. On pourroit dire neanmoins qu'il le retient aussi. Car en difant que Jean répondit: on entend qu'il fit une réponse & c'eft à cette idée confufe de réponse que fe rapporte ce que. De même quand Ciceron dit: Non tibi objicio quod hominem fpoliafti; le quod fe rapporte à l'idée confufe de chose objectée, formée par le mot d'objicio. Et cette chofe objectée conçûe d'abord confufément, eft enfuite particula rifée par la propofition incidente, liée par le quod, Quod hominem foliafti.

On peut remarquer la même chofe dans ces

le

que.

queftions: Je fuppose que vous ferez fage. Je vous dis que vous avez tort: Ce terme, je dis, fait concevoir d'abord confufément une chose dite; & c'eft à cette chofe dite que fe rapporte Je dis que, c'est-à-dire, Je dis une chofe qui eft. Et qui dit de même, Je Suppose, donne l'idée confufe d'une choje futpofée. Car je fuppofe, vent dire, je fais une fuppofition; c'est à cette idée de chofe fuppofée que fe rapporte le que. Je fuppofe que, c'est-à-dire, Je fais une fuppofition qui eft.

On peut mettre au rang des Pronoms l'article Grec, rè, lorfqu'au-lieu d'être avant le nom, ou le met après. T, rò içi Ti Câμa us TÒ ÚTIę ¿uã, didior, dit faint Luc. Car ce rò, le, reprefente à l'efprit le corps Cua d'une maniere confufe. Ainfi il a la fonction de Pronom..

Et la feule difference qu'il y a entre l'article employé à cet ufage & le Pronom relatif, eft que quoique l'article tienne la place du Nom, il joint pourtant l'attribut qui le fuit au nom, qui précede dans une même propofition; mais le relatif fait avec l'attribut fuivant une propofition à part, quoique jointe à la premiere, didóra, quod datur, c'est-à-dire, quod eft da um.

On peut juger par cet ufage de l'article, qu'il y a peu de folidité dans la remarque qui a été faite depuis par un Miniftre fur la maniere dont on doit traduire ces paroles de l'Evangile de faint Luc que nous venons de rapporter, parceque dans le Texte Grec il y a non un Pronom relatif, mais un article: C'est mon corps donné pour vous, & non qui eft donné pour vous, ro ὑπὲς ὑμῶν διδόμθμον, & non ὁ ὑπὲς ὑμῶν διδόν ται ; il prétend que c'eft une neceffité abfolue, pour exprimer la force de cet article, de traduire

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