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fe à l'utilité publique, que d'en tirer ce qui peut le plus fervir à former le jugement, & c'eft proprement le deffein qu'on s'eft propofé dans cer ouvrage, en y ajoûtant plufieurs nouvelles refléxions qui font venues dans l'efprit en écrivant, & qui en font la plus grande & peut-être la plus confiderable partie.

Car il femble que les Philofophes ordinaires ne fe foient guéres appliqués qu'à donner des regles des bons & des mauvais raisonnemens. Or quoique l'on ne puiffe pas dire que ces regles foient inutiles, puifqu'elles fervent quelquefois à découvrir le deffaut de cerrains argumens embarraffés, & à difpofer fes penfées d'une maniere plus convaincante: néanmoins on ne doit pas auffi croire que cette utilité s'étende bien Toin, la plupart des erreurs des hommes ne confiftant pas à fe laiffer tromper par des mauvaifes confequences, mais à fe laiffer aller à de faux jugemens dont on tire de mauvaises confequences. C'est à quoi ceux qui jufqu'ici ont traité de la Logique ont peu cherché de remedes, & ce qui fait le principal fujet des nouvelles reflexions qu'on trouvera par tout dans ce

livre.

On eft obligé néanmoins de reconnoître que ces refléxions qu'on appelle nouvelles, parcequ'on ne les voit pas dans les Logiques communes, ne font pas toutes de celui qui a travaillé à cet ouvrage, & qu'il en a emprunté quelques-unes des livres d'un celebre Philofophe de ce fiecle, qui a autant de netteté d'efprit, qu'on trouve de confufion dans les autres. On en a auffi tiré quelques autres d'un petit écrit non imprimé, qui avoit été fait par feu L. Defcartes.

Monfieur

Monfieur Pafcal, & qu'il avoit intitulé, De T'efprit Géometrique, & c'est ce qui eft dit dans le chapitre 9. de la premiere partie de la difference des définitions de nom, & des définitions de chofe, & les cinq regles qui font expliquées dans la quatrième partie, que l'on y a beau coup plus étendues qu'elles ne le font dans cet écrit.

Quant à ce qu'on a tiré des livres ordinaires de la Logique, voici ce qu'on y a obfervé.

Premierement, on a eu deffein de renfermer dans celle-ci tout ce qui étoit veritablement utile dans les autres, comme les regles des fi gures, les divifions des termes & des idées, quelques reflexions fur les propofitions. Il y a voit d'autres chofes qu'on jugeoit affez inutiles, comme les categories & les lieux; mais parcequ'elles étoient courtes, faciles & communes en n'a pas cru les devoir omettre, en avertis fant neanmoins du jugement qu'on en doit faire, afin qu'on ne les crût pas plus utiles qu'elles ne font.

On a été plus en doute fur certaines matieres affez épineufes & peu utiles, comme les converfions des propofitions, la démonftration des regles des figures; mais enfin on s'eft refolu de ne les pas retrancher, la difficulté même n'en étant pas entierement inutile. Car il eft vrai que lorfqu'elle ne fe termine à la connoiffance d'aucune verité,on a raifon de dire: Stultum eft difficiles habere nugas: mais on ne la doit pas éviter de même, quand elle mene à quelque chofe de vrai, parcequ'il eft avantageux de s'exercer à entendre les verités difficiles.

Il y a des cftomachs qui ne peuvent digeret,

que les viandes legeres & délicates: & il y a de même des efprits qui ne fe peuvent appliquer à comprendre que les verités faciles & revêtues des ornemens de l'éloquence. L'un & l'autre eft un délicateffe blâmable, ou plutôt une veritable foibleffe. Il faut rendre fon efprit capable de découvrir la verité, lors même qu'elle eft cachée & enveloppée, & de la refpecter fous quelque forme qu'elle paroiffe. Si on ne furmonte cet éloignement & ce dégoût, qu'il eft facile à tout le monde de concevoir de toutes les chofes qui paroiffent un peu fubtiles & Scholaftiques, on étrecit infenfiblement fon efprit, & on le rend incapable de comprendre ce qui ne fe connoît que par l'enchaînement de plufieurs propofitions. Et ainfi quand une verité dépend de trois ou quatre principes qu'il eft neceffaire d'envisager tout à la fois, on s'éblouit, on fe rebute, & l'on fe prive par ce moyen de la connoiffance de plufieurs chofes utiles, ce qui eft un défaut confiderable.

La capacité de l'efprit s'étend & fe refferre par l'accoûtumance, & c'est à quoi fervent principalement les Mathematiques, & generalement toutes les chofes difficiles, comme celles dont nous parlons. Car elles donnent une certaine étendue à l'efprit, & elles l'exercent à s'appliquer davantage & à fe tenir plus ferme dans ce qu'il

connoît.

Ce font les raifons qui ont porté à ne pas omettre ces matieres épineufes, & à les traiter même auffi fubtilement qu'en aucune autre Logique. Ceux qui n'en feront pas fatisfaits s'en peuvent délivrer en ne les lifant pas; car on a eu foin pour cela de les en avertir à la tête même des chapi

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'tres, afin qu'ils n'ayent pas fujet de s'en plaindre, & que s'ils les lifent, ce foit volontairement. On n'a pas cru auffi devoir s'arrêter au dégoût de quelques perfonnes qui ont en horreur certains termes artificiels qu'on a formés pour retenir plus facilement les diverfes manieres de raifonner, comme fi c'étoient des mots de magie, & qui font fouvent des railleries affez froides fur baroco & baralipton, comme tenant du caractere de Pédant; parceque l'on a jugé qu'il y avoit plus de baffeffe dans ces railleries que dans ces mots. La vraie raifon & le bon fens ne permettent pas qu'on traite de ridicule ce qui ne l'eft point. Or il n'y a rien de ridicule dans ces termes, pourvû qu'on n'en faffe pas un trop grand myftere; & que comme ils n'ont été faits que pour foulager la memoire, on ne veuille pas les faire paffer dans l'usage ordinaire, & dire, par exemple, qu'on va faire un argument en bocardo ou en felapton, ce qui feroit en effet trèsridicule.

On abufe quelquefois beaucoup de ce reproche de la pédanterie, & fouvent on y tombe en l'attribuant aux autres. La pédanterie eft un vice d'efprit, & non de profeffion; & il y a des Pédans de toutes robes, de toutes conditions, & de tous états. Relever des chofes baffes & petites, faire une vaine montre de fa fcience, entaffer du Grec & du Latin fans jugement s'échauffer fur l'ordre des mois Attiques, fur les habits des Macedoniens; & fur de femblables difputes de nul ufage: piller un Auteur en lui difant des injures, déchirer outrageufement ceux qui ne font pas de notre fentiment fur l'intelligence d'un paffage de Suetone, ou sur l'é

pour

tymologie d'un mot, comme s'il s'y agiffoit de la Religion & de l'Etat, vouloir faire foulever tout le monde contre un homme qui n'eftime pas affez Ciceron, comme contre un perturbateur du repos public, ainfi que Jules Scaliger a tâché de faire contre Erafme; s'intereffer la reputation d'un ancien Philofophe, comme fi l'on étoit fon proche parent, c'eft proprement ce qu'on peut appeller pedanterie. Mais il n'y en a point à entendre ni à expliquer des mots artis ficiels affez ingenieufement inventés: & qui n'ont. pour but que le foulagement de la memoire, pourvû qu'on en ufe avec les précautions que l'on a marquées.

comme

Il ne refte plus qu'à rendre raison pourquoi on a omis grand nombre de queftions qu'on trouve dans les Logiques ordinaires, celles qu'on traite dans les prolégomenes, l'univerfel à parte rei, les relations & plufieurs autres femblables, & fur cela il fuffiroit prefque de répondre qu'elles appartiennent plutôt à la Metaphyfique qu'à la Logique. Mais il est vrai néanmoins que ce n'eft pas ce qu'on a principalement confideré. Car quand on a jugé qu'une matiere pouvoit être utile pour former le jugement, on a peu regardé à quelle fcience elle appartenoit. L'arrangement de nos diverfes connoiffances eft libre comme celui des lettres d'une imprimerie, chacun a droit d'en former differens ordres felon fon befoin, quoique lorfqu'on en forme, on les doive ranger de la maniere la plus naturelle: il fuffit qu'une matiere nous foit utile pour nous en fervir, & la regarder non comme étrangere, mais comme propre. C'eft pourquoi on trouvera ici quantité de cho

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