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le, eft de très-grande étendue, & donne lieu de reconnoître une grande partie des égaremens des hommes.

Il n'y a rien de plus confiderable dans la Metaphyfique que l'origine de nos idées; la sepa~ ration des idées fpirituelles & des images corporelles; la diftinction de l'ame & du corps, & les preuves de fon immortalité fondées fur cette diftinction. Et c'est ce que l'on verra affez amplement traité dans la premiere, & dans la quatrième partie.

On trouvera même en divers lieux la plus grande partie des principes generaux de la Phyfique, qu'il eft très-facile d'allier, & l'on pourra tirer affez de lumiere de ce que l'on a dit de la pefanteur, des qualités fenfibles, des actions des fens, des facultés attractives, des vertus occultes, des formes substancielles, pour fe détromper d'une infinité de fauffes idées que les préjugés de notre enfance ont laiffées dans notre efprit.

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Ce n'eft pas qu'on fe puiffe difpenfer d'étudier toutes ces chofes avec plus de foin dans les livres qui en traitent expreffément; mais on a confideré qu'il y avoit plufieurs perfonnes qui ne fe deftinant pas à la Theologie pour laquelle il eft neceffaire de favoir exactement la Philofophie de l'Ecole, qui en eft comme la langue, fe peuvent contenter d'une connoiffance plus generale de ces fciences. Or encore qu'ils ne puiffent pas trouver dans ce livre-ci tout ce qu'ils en doivent apprendre on peut dire néanmoins avec verité, qu'ils y trouveront prefque tout ce qu'ils en doivent re-

tenir.

ils'

Ce que l'on objecte, qu'il y a quelques uns de ces exemples qui ne font pas affez pro portionnés à l'intelligence de ceux qui commencent, n'eft veritable qu'à l'égard des exemples de Géometrie. Car pour les autres peuvent être entendus de tous ceux qui ont quelque ouverture d'efprit, quoiqu'ils n'ayent jamais rien appris de Philofophie: Et peut-être même qu'ils feront plus intelligibles à ceux qui n'ont point encore aucuns préjugés, qu'à ceux qui auront l'efprit rempli des maximes de la Philofophie commune.

Pour les exemples de Géometrie, il eft vrai qu'ils ne feront pas compris de tout le monde; mais ce n'eft pas un grand inconvenient : car on' ne croit pas qu'on en trouve guéres que dans des difcours exprès & détachés que l'on peut facilement paffer, ou dans des chofes affez claires par elles-mêmes, ou affez éclaircies par d'autres exemples, pour n'avoir pas befoin de ceux de Géometrie.

Si l'on examine de plus les endroits où l'on s'en eft fervi, on reconnoîtra qu'il étoit difficile d'en trouver d'autres qui y fuffent auffi propres, n'y ayant guéres que cette fcience qui puiffe four-nir des idées bien nettes & des propofitions inconteftables.

On a dir, par exemple, en parlant des proprie tés reciproques, que c'en étoit une des triangles rectangles, que le quarré de l'hypotenufe eft égal au qnarré des côtés; cela eft clair & certain à tous ceux qui l'entendent, & ceux qui ne l'entendent pas, le peuvent fuppofer, & ne laiffent pas de comprendre la chofe à laquelle on applique cet: exemple.

Mais fi l'on eût voulu fe fervir de celui qu'on apporte d'ordinaire, qui eft la rifibilité que l'on dit être une proprieté de l'homme, on eût avancé une chofe & affez obfcure & très-conteltable; car fi l'on entend par le mot de risibilité le pouvoir de faire une certaine grimace qu'on fait en riant, on ne voit pas pourquoi on ne pourroit pas dreffer des bêtes à faire cette grimace, & peut-être même qu'il y en a qui la font. Que ft on enferme dans ce mot non- feulement le changement que le ris fait dans le vifage, mais auffi la penfée qui l'accompagne & qui le produit, & qu'ainfi l'on entende par rifibilité le pouvoir de rire en penfant; toutes les actions des hommes deviendront des proprietés reciproques en cette maniere, n'y en ayant point qui ne foient propres à l'homme feal, fi on les joint avec la penfée: Ainfi l'on dira que c'eft ane proprieté de l'homme de marcher, "de boire, de manger, parcequ'il n'y a que l'homme qui marche, qui boive, & qui mange en penfant pourvû qu'on l'entende de cette forte, nous ne manquerons pas d'exemples de proprietés, mais encore ne feront-ils pas certains dans l'efprit de ceux qui attribuent des penfées aux bêtes, & qui pourront bien auffi leur attri buer le ris avec la penfée; au-lieu que celui dont on s'eft fervi eft certain dans l'efprit de tout le monde.

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On a voulu montrer de même en un endroit, qu'il y avoit des chofes corporelles que l'on concevoit d'une maniere fpirituelle & fans fe les imaginer; & fur cela on a rapporté l'exemple d'une figure de mille angles que l'on conçoit nettement par l'efprit, quoiqu'on ne s'en puiffe former

d'image diftincte qui en reprefente les proprietés. Et l'on a dit en paffant qu'une des proprietés de cette figure étoit que tous fes angles étoient égaux à 1996. angles droits. Il eft vifible que cet exemple prouve fort bien ce qu'on vouloit faire voir en cet endroit.

Il ne refte plus qu'à fatisfaire à une plainte plus odieufe que quelques perfonnes font, de ce qu'on a tiré d'Ariftote des exemples de définitions défectueufes & de mauvais raifonnemens, ce qui feur paroît naître d'un defir fecret de rabaiffer ce Philofophe.

Mais ils n'auroient jamais formé un jugement' fi peu équitable, s'ils avoient affez confideré les vraies regles que l'on doit garder en citant des exemples de fautes qui font celles qu'on a eu en vue en citant Ariftote.

Premierement, l'experience fait voir que la plupart de ceux qu'on propofe d'ordinaire font peu utiles, & demeurent peu dans l'efprit; parcequ'ils font formés à plaifir, & qu'ils font fr vifibles & fi groffiers, que l'on juge comme impoffible d'y tomber. Il eft donc plus avantageux, pour faire retenir ce qu'on dit de ces défauts, & pour les faire éviter, de' choifir des exemples réels tirés de quelque Auteur confiderable, dont la réputation excite davantage à fe garder de ces fortes de furprifes dont on voit que les plus grands hommes font capables.

De plus, comme on doit avoir pour but de rendre tout ce qu'on écrit auffi utile qu'il le peut être, il faut tâcher de choisir des exemples de fautes qu'il foit bon de ne pas ignorer, car ce feroit fort inutilement qu'on fe charge

roit la memoire de toutes les réveries de Flud, de Vanhelmont & de Paracelfe. Il eft donc meilleur de chercher de ces exemples dans des Auteurs fi celebres, qu'on foit même en quelque forte obligé d'en connoître jufques aux défauts:

Or tout cela fe rencontre parfaitement dans Ariftote. Car rien ne peut porter plus puiffamment à éviter une faute, que de faire voir qu'un' fi grand efprit y eft tombé. Et fa Philofophie eft devenue fi celebre par le grand nombre de perfonnes de merite qui l'ont embraffée, que c'eft une neceffité de favoir même ce qu'il pourroit y avoir de défectueux. Ainfi comme l'on jugeoit très utile que ceux qui liroient ce livre appriffent en paffant divers points de cette philofophie, & que neanmoins il n'eft jamais utile de fe tromper, on les a rapportées pour les faire' connoître, & l'on a marqué en paffant le défaut qu'on y trouvoit, pour empêcher qu'on ne s'y trompât.

mais au

Ce n'eft donc pas pour rabaiffer Ariftote, contraire pour l'honorer autant que l'on peut en des chofes où l'on n'eft pas de fon fentiment, l'on a que tiré ces exemples de fes livres : & il eft vifible d'ailleurs, que les points où on l'a repris font de très – peu d'importance, & ne touchent point le fond de la philofophie, l'on n'a eu nulle intention d'at

taquer.

, que

Que fi l'on n'a pas rapporté de même plu fieurs chofes excellentes que l'on trouve partour dans les livres d'Ariftote, c'eft qu'elles ne fe font pas préfentées dans la fuite du difcours; mais fi on en eût trouvé l'occafion on l'eût

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