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CHAPITRE VII.

Suite du même sujet. Examen du Système des points fondamentaux.

Si nous n'avions montré comment la Réforme, après avoir épuisé tous les autres moyens de défense, fut contrainte, par sa nature même, de se réfugier dans le système des points fondamentaux, on auroit pu ne voir dans ce système qu'une opinion arbitraire, et l'on eût difficilement compris quels motifs déterminèrent les protestans à embrasser une doctrine, non-seulement absurde en soi, mais de plus, incompatible avec leurs maximes; une doctrine enfin qui ne peut être vraie, à moins que le Christianisme ne soit faux, et qui aboutit inévitablement à la tolérance de l'athéisme.

Et pour justifier d'abord le reproche d'inconséquence que j'adresse aux réformés, souvenonsnous que l'Ecriture est, suivant eux, l'unique règle de foi. Ils doivent donc prouver que l'Ecriture établit clairement la distinction des points fondamentaux et non fondamentaux, et spécifie non moins clairement ce qui est fondamental et ce qui

ne l'est pas. Or, c'est ce qu'ils n'ont jamais pu faire, quoiqu'on les en ait maintes fois pressés. Jamais ils n'ont produit un seul texte qui, dans son sens naturel et vrai, favorisât, même indirectement, leur bizarre doctrine. Au contraire, l'Ecriture est pleine de passages qui la condamnent. Quand Jésus-Christ 'envoie ses apôtres annoncer le Christianisme aux nations, leur dit-il : Apprenez aux hommes à discerner soigneusement les dogmes fondamentaux de ceux qui ne le sont pas, à ne point confondre les articles de foi qu'ils sont absolument obligés de croire, avec les articles qu'ils peuvent nier sans s'exclure du salut? Non, Jésus-Christ ne dit nulle part rien de semblable. Et que dit-il done? « Allez, >> instruisez toutes les nations..... leur enseignant » à garder tout ce que je vous ai ordonné (1) », tout sans exception, omnia quæcumque ou comme s'exprime un autre écrivain sacré : « Allez » par tout l'univers; prêchez l'Evangile à toute » créature: quiconque croira sera sauvé, et qui ne » croira pas sera condamné (2) ». Donc il faut

(1) Euntes ergo docete omnes gentes..... docentes eos servare omnia quæcumque mandavi vobis. Matth. xxvIII, 19, 20.

(2) Euntes in mundum universum prædicate Evangelium omni creaturæ. Qui crediderit et baptizatus fuerit, salvus erit: qui verò non crediderit, condemnabitur. Marc. xxvi, 15, 16.

croire, au moins implicitement, toutes les vérités révélées, puisque l'Evangile, ou la parole de JésusChrist, les comprend toutes; il faut les croire, ou être condamné, ce qui fait dire à saint Paul, que l'hérétique se condamne lui-même (1), përce qu'il reconnoît l'autorité des Livres divins où sa condamnation est écrite. Or, un système de foi auquel l'Ecriture est opposée, ou seulement qui n'est pas clairement établi dans l'Ecriture, est incompatible avec le principe selon lequel on ne doit admettre d'autre règle de foi que l'Ecriture. Les protestans ne peuvent donc adopter le système des points fondamentaux, sans renoncer à leurs maximes, ou sans se contredire grossièrement.

J'ajoute que ce système ne sauroit être vrai, à moins que le Christianisme ne soit faux. Car premièrement, comme on vient de le voir, JésusChrist a enseigné une doctrine contraire, d'où il suit qu'il s'est trompé ou nous a trompés, qu'il étoit par conséquent ou un fanatique ou un impos

teur.

Secondement, ses disciples, fidèles exécuteurs des ordres qu'ils avoient reçus de lui, ne souffrirent jamais qu'on portât la plus légère atteinte aux dogmes révélés. Saint Paul déclare que la foi

(1) Ep. ad Tit. 111, 11.

est une, comme Dieu même est un (1); qu'ainsi l'on ne peut y rien ajouter, en rien retrancher sans l'anéantir, et en conséquence il frappe d'anathème quiconque osera prêcher un autre Evangile ou une autre foi que lui (2), ordonne d'éviter l'homme hérétique, enseigne que tous les novateurs, en se flattant d'une fausse science, sont déchus de la foi (3), et comprend formellement, parmi les crimes qui excluent du royaume de Dieu, les schismes et les hérésies, sectæ (4). Saint Pierre les appelle toutes, en général, des sectes de perdition, et regarde ceux qui les introduisent comme "des blasphémateurs (5). « Quiconque se retire, dit saint » Jean, et ne persévère point dans la doctrine de Jésus-Christ, n'a point de Dieu (6) ». On l'entend l'Apôtre ne met point de différence entre nier Dieu, et nier un seul article de la doctrine de Jésus-Christ; car on chercheroit en vain dans ses paroles une distinction, une restriction. « Si quelqu'un, poursuit-il, vient à vous et n'ap>> porte pas cette doctrine », que va-t-il dire? Vous

>>

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»

(1) Ep. ad Ephes. iv, 5.
(2) Ep. ad Galat, 1, 8.
(3) Ep. II ad Timoth. 11, 17.

(4) Ep. ad Galat. v, 20.

(5) 1I Ep. 11, 1, 10.

(6) II© Ep. 9.

examinerez si les vérités qu'il rejette sont ou non fondamentales; et s'il n'attaque pas le fondement, vous lui accorderez la tolérance, vous l'admettrez, comme un membre de la véritable Eglise, dans votre communion? Voilà la réponse des protes→ tans, et voici celle de l'Apôtre : « Ne le recevez

point dans votre maison, ne lui donnez point » le salut; car quiconque lui donne le salut participe à son péché, operibus ejus malignis (1) ». Telle est la tolérance des apôtres, telle est leur doctrine. Or, cette doctrine est fausse, si le système des points fondamentaux est vrai; donc ce système et le Christianisme, tel que l'enseignoient les apôtres, ne sauroient subsister ensemble.

Troisièmement, tous les Pères, tous les conciles, tous les chrétiens, soit catholiques, soit hérétiques, ont ignoré, jusqu'à la naissance de la Réforme, la distinction de dogmes fondamentaux et non fondamentaux; ils ont cru qu'il n'y avoit qu'une seule foi par laquelle on pût être sauvé, qu'une seule Eglise qui professât cette foi (2), excluant du salut toutes les sectes séparées de cette unique

(1) II Ep. S. Joan. x, 11.

(2) Voyez le Traité de l'Unité de l'Eglise, par Nicole ; le Ve Avertissement de Bossuet aux Protestans; Wallembourg, de Controv. Tract. 3.

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