Images de page
PDF
ePub

» désolés? Pourquoi passer et repasser sans cesse > dans ces voies rudes et laborieuses? Le repos » n'est pas où vous le cherchez. Vous cherchez la >> vie heureuse; elle n'est pas là: comment la vie » heureuse seroit-elle là où il n'existe pas niême » de vie (1) » ?

Celui qui parle ainsi s'abusa comme vous; comme vous il parcourut long-temps, avec une fatigue incroyable, les sombres labyrinthes d'une philosophie menteuse, et mangea le pain amer de l'erreur, à la sueur de son front. Mais las d'errer tristement loin de la vérité, loin de Dieu, il revint à lui, et goûta la paix. Imitez son exemple, et vous recueillerez le même fruit. C'étoit après avoir connu les biens de la terre et ceux du ciel, que ces mots touchans s'épanchoient de son cœur: « Qui développera les replis d'une vaine et fausse sagesse? Qui fouillera jusqu'au fond de ses entrailles ténébreuses, où se cachent tant de secrets hon» teux? Je ne veux pas même y porter mes regards. C'est vous, c'est vous seules que je veux, » justice, o innocence, qu'environne une pure » et brillante lumière, et qui rassasiez complé>>tement nos insatiables désirs. En vous on trouve » un repos profond, une vie pleine d'un calme immense. Celui qui entre en vous entre dans la

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

(1) August. Confess. liv. IV, ch. x11, no. 1 et 2.

[ocr errors][merged small]
[ocr errors]
[ocr errors]

plénitude de la joie, et se désaltère délicieuse»ment à la source même du souverain bien. Hélas! » dans les jours de ma jeunesse, glissant sur la pente des plaisirs, je m'éloignai de vous rapide-» ment, o vérité immuable! et aussitôt, errant au hasard, je me devins à moi-même une région d'indigence et de douleur ( 1 ). Quel autre sort » devois-je attendre? Vous nous avez faits pour » vous, o mon Dieu! et notre cœur est éter» nellement agité, jusqu'à ce qu'il se repose en » vous (2) »

>>

[ocr errors]
[ocr errors]

(1) Aug. Confess. liv. II, ch. x. (2) Ibid. liv. I, ch. 1. n° 1.

CHAPITRE X.

Importance de la Religion, par rapport à la

société.

ON ne s'attend sûrement pas que je m'arrête à prouver la nécessité politique de la Religion. Une vérité de fait, aussi ancienne que le monde, cesset-elle d'être incontestable, parce qu'après six mille ans de consentement unanime, il plaît à quelques insensés d'opposer leurs paradoxes à l'expérience des siècles, et leurs assertions au témoignage du genre humain? « On bâtiroit plutôt une ville dans » les airs, dit le sage Plutarque, que de constituer » un Etat en ôtant la croyance des dieux (1)». Mais sans mettre en doute un instant la nécessité des croyances religieuses, on peut chercher la raison de cette nécessité, et c'est ce que je me propose dans ce chapitre, où j'essaierai de montrer que la philosophie, destructive du bonheur de l'homme et de l'homme même, est également destructive du bonheur des peuples et des peuples mêmes; et

(1) Contrà Coloten. Plut. Oper. p. 1125.

que la Religion, qui seule conserve l'homme et le conduit au bonheur, en l'établissant dans un état conforme à sa nature, seule aussi conserve les peuples et les conduit au bonheur, en les établissant dans un état conforme à la nature de la société.

Une des plus dangereuses folies de notre siècle, est de s'imaginer que l'on constitue un État, ou qu'on forme une société du jour au lendemain, comme on élève une manufacture. On ne fait point les sociétés; la nature et le temps les font de concert; et voilà pourquoi il est si difficile qu'elles renaissent, lorsque l'homme les a détruites, la même action qui a détruit s'opposant à l'action réparatrice du temps et de la nature. On veut tout créer instantanément, tout créer d'imagination, et fondre, en quelque sorte, la société d'un seul jet, d'après un modèle idéal, comme on jette une statue en bronze. L'on substitue en tout les combinaisons arbitraires de l'esprit aux rapports nécessaires, aux lois simples et fécondes qui s'établissent d'ellesmêmes, quand on n'y met pas obstacle, comme les conditions indispensables de l'existence. Lorsqu'épris de théories chimériques, on a commencé à renverser, on ne doutoit de rien, parce qu'on ne savoit rien; ensuite on croit tout savoir, parce qu'on a beaucoup agi, beaucoup souffert, et qu'après avoir disséqué des peuples tout vivans pour cher

cher dans leurs entrailles les mystères de l'organi sation sociale, la science doit être complète, et la société parfaitement connue. Dans cette confiance, rien n'arrête, rien n'embarrasse; on constitue ét l'on constitue encore; on écrit sur un morceau de papier qu'on est une monarchie, une république, en attendant qu'en réalité on soit quelque chose, qu'on soit un peuple, une nation. C'est un problème encore indécis, de savoir combien de temps un assemblage d'êtres humains peut subsister en cet état. Mais il y a une loi immuable contre laquelle rien ne prévaut. Toute société qui, étant sortie des voies de la nature, s'obstine à n'y point rentrer, ne se renouvelle que par la dissolution, et ne recouvre sa vigueur qu'en perdant tout, et souvent jusqu'au nom même de nation. Il faut, ainsi que l'homme, qu'elle traverse le tombeau pour arriver à la vie une seconde fois.

Cela est sans exception; et il est triste de penser que ce qu'on appelle les lumières, c'est-à-dire le mépris du bon sens, et une curiosité démesurée de connoître pleinement ce qu'on doit croire for tement, un orgueilleux désir de juger ce qu'on doit respecter, produit infailliblement ce résultat. La Religion et la politique embrassant les plus hauts intérêts des hommes, ils y portent leurs passions d'abord, et ensuite leur raison avec plus de danger; car les passions, toujours mises en jeu par ce qui

« PrécédentContinuer »