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est descendu pour être utile. C'est à M. Fourier qu'est dû cet ingénieux instrument qui, mesurant la conductibilité des diverses substances selon leur ordre de superposition, pourrait rendre tant de services à l'hygiène et à l'industrie; comme ce sont quelques formules du calcul des probabilités qui ont fondé la statistique (1), et fixé les règles des compagnies d'assurance (2).

N'avez-vous pas entendu quelquefois accuser la géométrie comme la métaphysique, et leur demander pourquoi tant d'efforts sur des abstractions qui fuient toute borne? Pourquoi! Il faut répondre d'abord pour la gloire de l'esprit humain, afin que l'esprit humain ait un puissant exercice et qu'il déploie toute sa grandeur et son amour désintéressé de la vérité dans des luttes sans fin, loin de la sphère des passions vulgaires. Le triomphe de la haute géométrie, comme celui de la haute métaphysique, est précisément dans leur apparente inutilité, je dis apparente, car sans la connaissance de l'humanité, n'espérez pas la conduire; comme sans l'analyse n'espérez pas comprendre la nature ni la tourner à votre usage. Les nombres gouvernent le monde, a dit Pythagore : sans eux, le monde est inintelligible; car sans eux, il n'y a point de lois générales, il n'y a plus que des faits isolés sans lien et sans lumière, incapables de fonder aucune

(1) Principes mathématiques de la population.
(2) Rapport sur les Tontines et les Caisses d'assurances.

science ni par conséquent aucun art véritable. Ne dédaignez donc pas ces abstractions, comme on les appelle; car il ne faut qu'un moment, une heureuse application pour les rendre fécondes et en tirer des trésors pour la société tout entière. Non-seulement la dignité de l'esprit humain, mais la puissance matérielle de l'homme, son industrie, les arts qui embellissent la vie, et ceux mêmes qui la défendent, le bonheur des particuliers comme la fortune des empires, sont engagés dans la culture ou dans l'abandon de cette noble science; et il a fallu, dans une nation, une civilisation très-avancée et du caractère le plus élevé, pour que cette nation ait possédé à la fois trois hommes comme Lagrange, Laplace et Fourier. Ces trois grands hommes à jamais inséparables, ouvrent magnifiquement le XIXe siècle. Tandis que Lagrange semait à pleines mains les calculs dans les champs de l'infini, Laplace assurait au système du monde d'inébranlables bases, Fourier découvrait les lois de la propagation de la chaleur dans toutes les régions du ciel et de la terre, il déterminait l'état primitif et déroulait la plus antique histoire et les changements intérieurs de ce monde que nous habitons, et dont plus tard M. Cuvier devait décrire les changements extérieurs et les dernières révolutions dans le règne de la nature animale. Puisse ce XIXe siècle ne pas finir sans produire encore un autre travail qu'amènent et préparent tous ces travaux, et pour lequel tant de matériaux s'amassent, une histoire de l'homme!

DISCOURS ADRESSÉ AU ROI

LE 1er MAI 1841,

AU NOM DE L'INSTITUT.

SIRE,

L'Institut présente à Votre Majesté les vœux reconnaissants des lettres, des sciences et des arts. Vous ne vous bornez point à leur prodiguer en toute occasion les plus flatteuses récompenses; vous faites mieux, vous les honorez, et c'est, avant tout, l'honneur qui inspire les grandes pensées et qui vivifie l'esprit humain.

Elle appartient au règne de Votre Majesté, cette loi qui de la qualité de membre de l'Institut fait un titre pour être appelé par vous dans les conseils de ce grand corps où toutes les illustrations se donnent la main.

Le génie de la victoire avait eu peur de l'Académie des sciences morales et politiques : il l'avait rayée de l'Institut. Vous, roi constitutionnel, placé au-dessus de tous les ombrages par la conscience de la force que vous puisez dans le vœu national, dans le bon sens

populaire et dans une expérience chèrement acquise, vous avez rappelé de l'exil des études généreuses; vous avez eu confiance en elles, et, par un juste retour, elles poursuivent paisiblement, et non sans quelque gloire, la carrière que vous leur avez ouverte.

Dociles à votre voix, les arts sous nos yeux renouvellent Paris, et y sèment de toutes parts les monuments utiles en respectant ceux des vieux âges. Il ne manquait plus à cette grande cité, pour jouir avec sécurité des trésors de magnificence que chaque jour répand dans son sein, il ne lui manquait qu'un rempart inviolable; elle va le devoir à votre courageuse et patriotique persévérance.

Jouissez, sire, du fruit de vos travaux ! Aujourd'hui plus que jamais, témoin de l'universelle allégresse qui éclate autour du berceau de votre petit-fils, appuyé sur le noble prince qui, plus d'une fois, a si bien porté le drapeau de la France, vous pouvez contempler d'un œil satisfait l'avenir de votre race et celui de la patrie.

SEANCE PUBLIQUE ANNUELLE

DES CINQ ACADÉMIES

DU LUNDI 3 MAI 1841.

DISCOURS D'OUVERTURE

DU PRÉSIDENT.

MESSIEURS,

Cette séance annuelle des cinq académies de l'Institut est comme le symbole de l'unité de ce grand corps. Cette unité n'est pas le fruit de circonstances passagères, c'est la conquête sérieuse et durable de plusieurs siècles: elle s'est formée peu à peu, comme celle de la France, avec le progrès de la puissance publique et par l'instinct heureux du génie français. Dans la plupart des pays de l'Europe, les individus, les communes, les provinces semblent se complaire à vivre d'une vie qui leur soit propre; en France, une généreuse

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