S'il y a donc une grammaire pour le langage humain en général, il faudra qu'elle puisse s'appliquer aux différentes espèces de signes dont il se compose, et non pas à une espèce seulement. Quels sont les principes de cette grammaire ? Il semble évident que ce seront ceux qu'on reconnoîtra communs aux différentes espèces de signes, aux signes gesticulés comme aux signes phonétiques. Or le principe fondamental de tout genre de langage, c'est l'imita tion, comme nous avons tâché de le démontrer dans notre Essai. Ce principe s'applique aux signes que nous faisons pour le sens de la vue comme à ceux que nous faisons pour le sens de l'ouïe. Car les uns et les autres sont l'expression du rapport que nous établissons entre notre pensée et l'action corporelle par laquelle la pensée se manifeste. Ce que ces deux espèces de signes ont de commun, c'est qu'ils sont également fugitifs et qu'ils ne subsistent pas, après avoir été employés. Mais le principe de l'imitation s'applique encore au langage qui se compose de signes fixes, c'est-à-dire, au langage peint, au langage écrit. La première écriture a été une écriture d'images; c'est l'écriture qu'on appelle hieroglyphique ou idéographique. « Le principe des langues, dit Champollion le jeune, comme celui des écritures véritablement idéographiques, est un et identique, c'est l'imitation; et ce principe, donné par la nature, est appliqué d'une manière plus ou moins directe, et dans langues parlées, et dans les écritures ideographiques. Il est presque superflu de faire observer qu'en partant du principe fondamental de l'imitation, on ne diviseroit pas la grammaire générale comme l'a fait M. Burggraff ou comme on peut l'avoir fait avant lui. Et ce n'est nullement par forme de critique que nous présentons cette réflexion. M. Burggraff, écrivant surtout pour les jeunes gens, s'est prudemment renfermé dans des limites plus étroites; et nous sommes persuadés que son livre leur sera infiniment utile. PROJET DE LOI SUR LES FONDATIONS DE BOURSES D'ÉTUDE EN BELGIQUE. Ce projet comprend un grand nombre de dispositions destinées à régir les libéralités, qui seront faites en faveur de l'instruction. La principale mesure qu'il renferme, est celle qui soumet à son empire les fondations anciennes. Cette nouvelle loi sera donc une loi rétroactive; c'est ce caractère qui lui donne sa plus grande importance. Le projet de loi distingue les fondations en faveur de l'enseignement et les fondations en faveur des boursiers. Quant aux premières, il ne permet que celles qui sont faites au profit des établissements de l'Etat, des provinces ou des communes. Or ces établissements, érigés et soutenus par les deniers publics, sont ceux qui ont le moins besoin de donations volontaires. Les universités de l'Etat, les athénées ne sont pas dans une situation à attendre les générosités des particuliers. Quant à l'enseignement primaire, il y a encore beaucoup à faire malgré tous les progrès qui se sont accomplis; et la disposition qui ne permet les fondations qu'en faveur des établissements publics, n'est pas de nature à favoriser la multiplication des écoles par le moyen de dons volontaires. Le système du projet de loi demande au disposant le sacrifice de ses opinions propres et de ses volontés particulières; il ne lui laisse que la faculté de se persuader que la conviction la plus sage, la volonté la meilleure seront celles que la majorité fera prévaloir au sein des établissements soumis à la direction des pouvoirs publics. Ainsi un fondateur sera persuadé, comme M. Guizot, que l'instruction populaire, pour être efficace et salutaire, doit être religieuse; il lui sera défendu de prendre des dispositions pour faire prévaloir cette opinion; quels que soient les termes de sa libéralité, il sera censé n'avoir voulu que favoriser l'instruction en général et on ne lui laissera d'autre consolation que de se persuader que l'autorité communale est plus compétente que lui en matière d'enseignement. Il est évident que les fondateurs seront rarement disposés à accepter ce rôle modeste. D'après le projet de loi, les libéralités au profit des études supérieures sont réputées faites en faveur de l'Etat, à qui incombe l'organisation du haut enseignement, à l'exclusion de la province ou de la commune. Cette partie du projet de loi a soulevé des critiques au point de vue des intérêts de l'université de Bruxelles. Cette université reçoit des subsides de la province et de la commune; dès lors on voudroit que la province ou la commune pût recevoir des dons ou legs en faveur de l'enseignement supérieur. D'après le projet de loi, l'Etat seul est en droit d'accepter des fondations pour les études universitaires. On voudroit que ceux qui, à l'exemple de M. Verhaegen, sont disposés à faire des libéralités à l'université de Bruxelles, trouvassent un moyen facile d'atteindre leur but, en instituant la ville de Bruxelles héritière. Le projet de loi que nous examinons permet la fondation des bourses; c'est-à-dire qu'elle laisse aux citoyens la faculté de faire des libéralités au profit des jeunes gens qui se destinent aux études. Elle institue dans chaque province une commission de sept membres nommés par la députation permanente. Cette commission est chargée non-seulement de l'administration des biens des fondations destinées aux études, mais aussi de la collation c'est-à-dire de la désignation de ceux qui jouiront des produits de la bourse. Cependant on permet aux fondateurs de se réserver soit à eux-mêmes soit à un, deux ou trois de leurs plus proches parents mâles, le droit de collation. On leur permet aussi d'obliger le boursier à suivre les cours d'un établissement organisé par la loi. Sauf cette exception au profit des établissements publics, le boursier aura la liberté de choisir entre les établissements du pays. L'administration des biens est la partie la moins importante des fondations de bourses; il y a plusieurs moyens d'assurer la régularité de cette gestion de biens matériels, de prévenir les négligences, les détournements, les abus, et parmi ces moyens il n'en est pas qui ait sur les autres une supériorité bien marquée. Que l'on confie l'administration des biens de bourses à neuf commissions provinciales, que l'on compose ces commissions d'une manière ou d'une autre,ce sont là des mesures accessoires qui ne sont pas de nature à gêner considérablement la volonté des fondateurs. La chose principale en cette matière, c'est le droit de collation. En vain ou proclamera pompeusement la liberté des boursiers; dans la pratique, cette liberté sera singulièrement dépendante de la volonté des collateurs. Ceux-ci pourront toujours par leurs choix favoriser les établissements qui ont leurs sympathies; c'est pourquoi on eût dû chercher à composer les commissions provinciales de manière à en écarter toute influence politique; le droit de collation ne doit pas être exercé au profit exclusif du parti dominant. Le moyen d'éviter que le choix des boursiers ne fût dicté par les partis, étoit-il de confier la nomination des commissions provinciales à un corps politique, dont les membres dépendent de l'élection et sont impliqués dans les luttes des partis? En 1849, M. de Haussy, ministre de la justice, avoit insti.. tué une commission dite des fondations; cette commission se composoit de MM. de Luesemans, Orts, Tielemans, Paquet. van Hoogten, Leclerc et Liedts; dans de nombreuses séances, la commission examina les différentes questions relatives aux bourses d'études. Elle adopta en principe l'institution de commissions provinciales pour l'administration des fondations d'instruction supérieure, moyenne et artistique; elle proposa comme membres de ces commissions le président de la cour d'appel ou du tribunal, le bourgmestre du chef-lieu, le curé primaire de la localité, un membre du corps professoral à désigner par le gouvernement, le directeur du domaine et de l'enregistrement et trois notables désignés par la députation permanente; de plus, elle permettoit au fondateur d'adjoindre à cette commission des administrateurs spéciaux. Il est évident que des commissions qui seroient ainsi composées, présenteroient plus de garanties d'impartialité, de neutralité entre les établissements d'instruction que des commissions constituées par la députation permanente seule; cependant la commission des fondations laissoit en outre aux disposants le droit de choisir les collateurs. Le projet de loi exige que tous les fondateurs aient une entière confiance dans les choix des députations permanentes; ils doivent être persuadés qu'elles ne serviront jamais les intérêts d'un parti; il leur est interdit de choisir d'autres collateurs, si ce n'est dans leur famille. Après avoir fixé les règles auxquelles seront assujétis les libéralités en faveur de l'instruction, et déterminé l'ensemble des conditions permises aux disposants, le projet de loi décide que toute institution en faveur d'établissements autres que ceux de l'état, des provinces ou des communes, toute désignation de collateur autre que les parents, toute indication d'établissements privés à suivre par des boursiers, et en général toute condition illégale sera nulle conformément à la disposition de l'article 900 du code civil, mais n'annulera pas la libéralité. En vain le fondateur aura formellement stipulé que, si sa volonté n'est pas respectée, il révoque sa libéralité; celle-ci restera intacte; il sera censé avoir voulu favoriser l'instruction publique en général, ses gratifiés à l'exclusion des institutions privées qu'il vue; des collateurs qu'il a voulu exclure distribu bourses au profit d'études qu'il n'a pas voulu favori Tel est l'ensemble du système que la loi en disc établir, en matière de fondations en faveur de l'ins Un article de cette loi lui donne un effet rétroacti met les bourses anciennes au nouveau régime qu adopté. Ainsi les collateurs et administrateurs inst les libéralités antérieures, seront supprimés et remp les commissions choisies par les députations perman Les partisans de ce système ont tâché de prouver droits de collation et d'administration des bourses sont des droits politiques; dès lors on ne peut leu quer la disposition de droit civil, qui enlève aux effet rétroactif. Nous ne voulons pas nous engager difficultés de cette question juridique, qui exige I nuances bien délicates. Il est certain que le princip non-rétroactivité des lois est une règle de justice, q fondement dans le droit naturel; ce n'est pas une in de droit positif. Si donc le législateur peut consacre tière politique des dispositions rétroactives, il reste dans chaque cas particulier la question de savoi juste et convenable de sa part d'user de ce droit. Les fondations existantes remontent pour la plu siècles passés. Elles ont été faites sous l'empire d'u lation qui permettoit aux fondateurs de bourses de les administrateurs et les collateurs, afin que leurs fussent distribués conformément à l'esprit qui les a pirés, et suivant les volontés particulières qui avo sidé aux actes de libéralité. Les bourses d'études rurent dans la tourmente révolutionnaire. La que savoir si leurs biens furent nationalisés, est contr ce qui est certain, c'est que le roi Guillaume, pa rêtés du 29 décembre 1818 et 2 décembre 1823, série de mesures, afin que désormais les bourses fus ministrées et affectées à leur but conformément à l des fondateurs. Ces arrêtés ordonnent d'observer sc sement les dispositions des actes de libéralité; ils rét les droits de collation conférés par les fondateurs ; crivent différentes mesures en vue de prévenir les a |