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les ducs et les princes portent le titre d'Altesse1 Sérénissime (Serenitas), auquel les ducs d'Allemagne préfèrent celui d'Altesse: ainsi les dues régnants de Saxe, d'Anhalt, de Brunswick et de Nassau ont adopté en 1844 le titre d'Altesse.2

Quant aux États fédéraux et aux républiques, leurs titres sont moins constants. La confédération germanique, dans ses relations diplomatiques, reçoit le titre de Sérénissime Confédération germanique.3 De même les républiques de Pologne, de Venise et de Gênes étaient qualifiées de Sérénissimes Républiques.* Les monarques ont conservé en outre, en suite de leurs anciennes relations avec l'Église, certains titres honorifiques: le roi de France celui de Rex Christianissimus ou de fils premier-né de l'Église; le roi d'Espagne, depuis 1496, celui de Rex Catholicus; celui d'Angleterre depuis 1521 celui de Defensor fidei; celui de Pologne le titre de Rex Orthodoxus; le roi de Portugal, depuis 1748, celui de Rex fidelissimus; le roi de Hongrie, depuis 1758, celui de Rex Apostolicus. Le Pape lui-même se donne le nom de Servus Servorum Dei."

Les monarques jouissent de la prérogative de parler d'euxmêmes au pluriel et d'employer cette formule: Nous par la Gráce de Dieu, formule usitée chez les évêques dès le Ive siècle, et à laquelle ils ajoutaient postérieurement les termes suivants: et apostolicae Sedis gratia. Les princes laïques n'ont commencé à s'en servir qu'au x siècle. Nous en reparlerons dans le Livre III. Quant aux changements de titres, les règles expliquées au § 28 leur sont applicables.

1) Fr. Ch. de Moser, Kleine Schriften. VII, 167 suiv. Heumann, Progr. de tit. Serenissimi. Goetting. 1726.

2) Décret de la Diète fédérale du 16 août 1844, et la brochure intitulée: Prädicatsfrage (par Wahlkampf). Giessen 1845.

3) Klüber, Oeffentliches Recht. § 144.

4) Moser, Vers. I, 241.

3) J. C. Becmann, Syntagma dignitat. I, n. 2 et 3. Moser, Vermischte Schriften. Abh. I, p. 63.

6) Pfeffinger, Vitr. illustr. I, 4. 9. Heumann, Progr. de tit. Dei Gratia. Allendorf 1727. B. Tilesii, Comment. de titulo: Nos Dei Gratia. Regiomont. 1751.

V. Les souverains, tant dans un but de prestige du pouvoir suprême, que pour leur service personnel et pour celui de leur famille, jouissent de la prérogative de tenir une cour, prérogative qui découle d'anciens usages, ainsi que de l'antique droit de créer des charges ministérielles. La cour au moyen âge se composait d'abord d'officiers ministériels, plus tard de grands vassaux. La cour moderne est surtout un produit du règne des ducs de Bourgogne et de Louis XIV.'

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VI. Les souverains, pendant leur séjour dans un pays étranger, sont exempts de la juridiction territoriale (§ 54), par application de cette maxime: „par in parem non habet imperium." Mais il n'est pas défendu d'interdire à un souverain étranger l'entrée ainsi que le séjour dans le territoire, et de prendre à cet effet les mesures de sûreté nécessaires. C'est ainsi, par exemple, que le roi Henri IV interdisait au duc Charles-Émanuel de Savoie le séjour en France. Dans ses

rapports privés en outre, et surtout en ce qui concerne les immeubles possédés, les successions recueillies et les engagements civils, ceux de vasselage ou de service contractés, ou enfin le domicile élu par lui en pays étranger, le souverain est soumis à la juridiction étrangère. Toutefois la personne souveraine étant inséparable de la personne civile, elle ne peut jamais être atteinte directement ou être l'objet d'un acte d'exécution. La soumission volontaire du souverain à la juridiction étrangère ne pourrait guère produire d'effets analogues, car elle impliquerait une renonciation aux droits de souveraineté, et par là même elle léserait la dignité de sa position. Quelques auteurs qui soutiennent la thèse contraire, ont cité il est vrai, à l'appui de leur opinion, trois exemples célèbres, savoir la conduite du roi Henri VII envers Robert, roi de Naples, celle de Charles d'Anjou envers le malheureux Conradin, enfin celle d'Élisabeth

1) Fr. Ch. de Moser, Hofrecht. 1754. C. E. de Malorti, Der Hofmarschall. Hannover 1842.

2) Pour les crimes, v. § 102.

3) d'Aubigné, Histoire univ. III, 5. 5. Stephanus Cassius, De jure et judice legator. II, 18. Pufendorf VIII, 4. 21. Bynkershoek, De jud. legat. III, 3.

envers Marie Stuart.' Mais qu'est-ce que ces exemples, dont au surplus il serait facile de grossir le chiffre, prouvent, sinon que les notions du droit international n'étaient que trop souvent méconnues dans les anciens temps, et qu'il recevait alors des atteintes continuelles? C'est donc par une juste appréciation que le tribunal de première instance de la Seine, dans un jugement en date du 17 avril 1847, a proclamé le principe suivant: ,,Attendu que selon les principes du droit des gens, les tribunaux français n'ont pas juridiction sur les gouvernements étrangers, à moins qu'il ne s'agisse d'une action à l'occasion d'un immeuble possédé par eux en France comme particuliers" etc."

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§ 54. Le souverain étranger, lors de son entrée dans un territoire, y jouit des droits d'hospitalité. Ces droits consistent d'abord dans les cérémonies traditionnelles d'une réception solennelle et d'un traitement conforme à son rang, à moins qu'il n'y ait renoncé par l'adoption de l'incognito, ou par l'entrée au service du pays, ou par l'entrée dans le pays contre la volonté du gouvernement. De là la nécessité d'une demande préalable. Mais le droit le plus éminent consiste dans l'exterritorialité, tant au profit du souverain étranger que de sa suite et des objets destinés à leur usage personnel. Elle comprend en outre son exemption de tous les impôts personnels, la juridiction contentieuse sur ses sujets, bien entendu dans les limites tracées par les lois de son propre pays et dans des cas urgents seulement, et enfin la juridiction gracieuse (volontaire). En effet un souverain étranger ne saurait exercer dans le pays où il séjourne passagèrement, plus de droits sur ses propres sujets qu'il n'en possède chez lui: ce séjour dépend d'une autorisation préalable, qui en même temps en détermine les conditions. Il en résulte que les

1) Zouch, De jure fec. II, 2. 6. V. la loi Clement. 2. De sent. et re judic. Herm. Conring, De finibus imperii german. II, 22. Bynkershoek, De jud. leg. III, § 16. 17.

2) Aff. Solon contre Mehemed Ali. Sirey 1847. Dans le même sens C. roy. Paris 16 janvier 1836 (Sirey 1836, 2. 70. Contra Foelix p. 498). 3) On distingue à cet effet entre l'incognito strict et l'incognito simple sous un nom d'emprunt. Moser, Grundsätze des Völkerrechts in Friedenszeiten. p. 128 suiv. Dresler, De jurib. principis incognito peregrinantis odiosis. Martisb. 1730. Günther I, 478.

autorités du pays peuvent protester contre l'exercice d'une juridiction qui leur déplaît et exiger qu'il y soit sursis instantanément. L'exterritorialité est un produit du droit moderne. Rien de semblable n'existait chez les souverains du moyen âge. L'emprisonnement et les mauvais traitements de princes étrangers étaient alors à l'ordre du jour, et c'est par là qu'on débutait souvent lors d'une déclaration de guerre.' Longtemps même les auteurs ont contesté l'existence de ce droit, qui est néanmoins une conséquence du principe de l'égalité des souverains (§ 53 ci-dessus). Au reste, on est d'accord que l'exterritorialité n'implique en aucune manière un droit d'asile au préjudice du gouvernement étranger.

RAPPORTS INTERNATIONAUX DE LA FAMILLE DU SOUVERAIN.

§ 55. Les membres de famille du chef de l'État jouissent incontestablement, dans les monarchies héréditaires, d'une partie des prérogatives dont celui-ci est investi. Ainsi l'épouse mariée au souverain par mariage égal, partage son rang et ses titres, et les conserve pendant son veuvage, tout en cédant le pas, en ce cas, dans les occasions solennelles, à l'épouse du souverain régnant. Dans les États où les femmes ne sont pas exclues de la succession au trône, les lois constitutionnelles déterminent les droits de l'époux de la souveraine, et servent de base dans les rapports internationaux, à défaut de traités.* 1) Ward, History. I, 279. Pütter, Beitr. zur Völkerrechts-Geschichte.

p. 115.

2) Ainsi par exemple Cocceji, De fundata in territorio et plur. concurr. potestate. II, § 12. Leibnitz, De jure supremat. cap. XXV. Contra J. Tesmar, Tribunal principis peregrinantis. Marp. 1675. Stephan. Cassius, De jure et jud. legator. II, 18. Bynkershoek, De jud. comp. leg. III, 3 seq. Franz Joach. Christ. de Grape, Unters., ob der Souverain eines Staates der Souverainetät dessen unterworfen sei, wo er sich befindet. Frankfurt, Leipzig 1752, et les Auteurs les plus récents. Günther I, 480, laisse encore la question indécise.

3) Moser, Vers. I, p. 316. Staatsr. XX, 352. Klüber, Oeffentl. Recht des deutschen Bundes. § 248. de Neum. in Wolffsfeld, J. principis privat. t. II. tit. 29. § 361.

4) Schwertner, De matrimonio feminae imperantis cum subdito. Lips. 1686. Parthenius, Dissert. II. de marito reginae. Gryphisw. 1707. Moser,

Tous les autres membres de la maison régnante ont droit à des titres et à des honneurs correspondants à leur position, mais qui en général, du moins dans les maisons impériales et celles royales, sont inférieurs à ceux du souverain. Ainsi les princes et les princesses des maisons impériales portent le titre d'Altesse impériale, ceux des maisons royales le titre d'Altesse royale, pourvu qu'ils descendent les uns et les autres d'empereurs ou de rois, ou qu'ils aient acquis ce titre d'une manière expresse. Ceux des maisons grand-ducales et de la maison électorale de Hesse portent le titre d'Altesse, tandis que l'héritier présomptif du trône, qui descend du grand-duc régnant, prend souvent celui de son père ou d'Altesse royale.' Tous les membres des familles ducales et princières, lorsqu'ils sont d'une origine princière, portent le titre d'Altesse sérénissime, mais depuis 1844 les premiers, du moins leurs descendants directs ainsi que leurs héritiers présomptifs, reçoivent également celui d'Altesse.2

Ces titres ne subissent aucune modification par l'usage établi dans plusieurs pays, d'accorder à certains membres des maisons régnantes des titres particuliers, en dehors de ceux auxquels ils peuvent prétendre par leur naissance, usage en vigueur notamment en France et en Angleterre. En Allemagne également les princes puînés portent quelquefois des titres supérieurs de noblesse. Les princesses mariées, suivant leur rang, conservent leurs titres de naissance, auxquels elles ajoutent ceux de leurs époux, en commençant par les plus élevés.*

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Vers. I, 314. Surland, Vom Gemahl einer Königin. Halle 1777. De Steck, Vom Gemahl einer Königin. Berl. 1777.

1) V. plus haut, page 61.

2) Ainsi arrêté par les statuts des maisons ducales de Saxe, du 10 avril 1844, et depuis dans d'autres maisons ducales. Les autres puissances n'ont pas encore reconnu généralement ce titre. Pour la Prusse v. la Circulaire minist. en date du 9 janvier 1845 (de Kamptz, Jahrb. LXV, p. 126). V. aussi p. 117 ci-dessus.

3) Eichhorn, Rechtsgeschichte. II, § 301, not. c. Lünig, Thes. jur. Comitum. p. 390. Huld. ab Eyben. de tit. nobilis. Giess. 1677. § 7. Pfeffinger, Ad Vitriar. I, 17. 3. 6. p. 575. t. II.

4) Ludolf, De jure feminarum illustr. p. 28. Moser, Staatsr. XX, p. 353. Schmid, Beiträge zur Geschichte des Adels. 42. 43. Cocceji, De lege morganatica. III, 12. Ch. Fréd. de Moser, Hofrecht. I, p. 593.

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