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1. Traités d'amitié ou d'alliance.

§ 92. Parmi les traités d'amitié ou d'alliance dans l'acception la plus large, on comprend les suivants:1

I. Les traités qui stipulent seulement des rapports pacifiques et d'amitié, et qui comportent l'obligation expresse ou tacite d'une justice réciproque (dikéodosie), conformément aux principes internationaux.

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Tels étaient, chez les peuples de l'ancien monde, les traités par lesquels on s'engageait simplement à s'abstenir envers ses alliés de toute espèce d'offenses, et, en cas de lésion, à leur accorder une satisfaction. La jurisprudence moderne comprend dans cette catégorie les traités de reconnaissance qui ont pour objet l'admission de nouveaux corps politiques dans la famille des nations, ou celle de nouveaux titres, pour servir de base à leurs rapports futurs. Nous citons comme exemples d'un caractère spécial la Sainte-Alliance3 et la déclaration du Congrès d'Aix-la-Chapelle, indiquées ci-dessus, p. 12. 13.

1) Püttmann, De obligatione foederum. Lips. 1753.

2) Comme chez les Grecs les ovμßola nɛgì τov μǹ åðıxɛîv. V. Heffter, Athen. Gerichtsverf. p. 89 suiv. et les notes; et son Prolus. acad. de antiquo jure gent. p. 7 suiv. Des traités semblables forment le premier pas vers des rapports internationaux, et ne se rencontrent plus sous cette forme générale. V. aussi Vattel II, 12, § 171.

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3) Art. I. Les trois monarques contractants demeureront unis par les liens d'une fraternité véritable et indissoluble, et se considérant comme compatriotes, ils se prêteront en toute occasion et en tout lieu assistance, aide et secours; se regardant envers leurs sujets et armées comme pères de famille, ils les dirigeront dans le même esprit de fraternité, pour protéger la religion, la paix et la justice." Art. 2. „En conséquence le seul principe en vigueur soit „entre les dits gouvernements," soit „ entre leurs sujets" sera celui de se rendre réciproquement service, de se témoigner par une bienveillance inaltérable l'affection mutuelle dont ils doivent être animés, de ne se considérer que comme membres d'une même nation chrétienne etc." Des stipulations semblables ne peuvent avoir d'autres conséquences légales que celle d'exclure toutes hostilités autant que possible, et en cas de dissentiment d'opinion, de faire admettre des observations amicales et des négociations, de ne consentir à aucune intervention illicite et de se prêter mutuellement assistance.

II. Traités par lesquels on règle les conditions du commerce réciproque, ou par lesquels on s'accorde certaines faveurs ou certains droits communs.

A cette catégorie appartiennent, dans l'ancien monde, les concessions du droit de cité et de ,, connubium" entre des peuples alliés,' ainsi que les traités de commerce et de navigation de l'ancien monde, comme du monde moderne,2 traités qui quelquefois ont continué à subsister pendant la guerre même éclatée entre les puissances contractantes. Ensuite les conventions qui, dans le but de faciliter le commerce international, établissent un système uniforme de monnaies, de mesures et de poids. III. Traités ou alliances relatifs à la conduite politique à observer à l'égard de tierces puissances. Ils peuvent avoir pour but:

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le maintien de la paix vis-à-vis des parties belligérantes, ou le rétablissement de la paix entre elles, en vertu d'un droit d'intervention;

le maintien de la neutralité dans la prévision d'une guerre imminente;

la protection de certaines frontières (traités de barrière); les moyens de défense concertés dans la prévision d'attaques illicites (alliances défensives);

une guerre offensive entreprise pour la défense de droits légitimes (alliance offensive).

Les engagements sont bilatéraux ou unilatéraux; ils sont égaux ou inégaux, sans que la validité des traités en dépende en aucune façon (§ 83 in fine). Ils ne s'appliquent qu'aux cas

1) Des exemples de l'histoire grecque et romaine se trouvent dans Barbeyrac, Supplém. au Corps univ. I, p. 282. 286. 288. 300. 355 et dans Heffter, Prolus. academ. p. 8 et 9.

2) V. sur l'importance politique et les différentes espèces de ces traités: Mably, Droit public de l'Europe. II, 12, p. 287. éd. 1761. Bouchaud, Théorie des traités de commerce. Paris 1777. de Steck, Versuch über Handels- und Schifffahrtsverträge. Halle 1782. Klüber, Droit des gens. § 152. Saalfeld, Europ. Völkerr. § 95. Lampredi, Remarques historiques. Londres et Paris 1788. t. II. de Kamptz, Lit. § 255 suiv. et B. de Miltitz, Manuel des Consuls.

3) V. surtout Vattel III, chap. 6 et Klüber § 149.

expressément stipulés (casus foederis), qui tantôt n'ont en vue que certaines éventualités ou certains événements, tantôt sont d'une portée plus étendue. Les bénéfices et les pertes se partagent à raison des ressources mises à la disposition de l'oeuvre commune, et, en cas de doute, par moitié entre les parties contractantes. Si toutefois l'alliance a pour but l'intérêt exclusif d'une seule partie, elle jouit seule des profits, de même qu'elle supporte en entier les pertes. Les profits obtenus accessoirement se partagent entre les alliés, en cas d'action commune, pro rata; en cas d'action isolée, ils appartiennent à une seule partie qui supporte aussi les pertes, sauf stipulation contraire.

IV. Traités qui ont pour objet le maintien d'un certain état de choses légal ou de la possession.

Ici l'on rencontre d'abord les traités de protection librement consentis, par lesquels un État se met sous la protection d'un autre, avec les effets expliqués au § 22 ci-dessus;

ensuite ceux de garantie, par lesquels une partie promet à l'autre la conservation ou l'acquisition de certains droits ou choses, ou bien d'une universalité de biens et de choses. Ils ont pour effet de mettre à la disposition de l'allié, sur sa réquisition, toutes les forces de la partie obligée, autant que l'exige la défense des droits garantis contre des prétentions et des attaques injustes. Néanmoins l'État garant ne répond pas du préjudice souffert par son allié malgré ses efforts, à moins qu'il n'ait promis également de le garantir en cas d'éviction.*

Il est inutile d'ajouter qu'un traité peut réunir en même temps les traits caractéristiques de plusieurs des catégories indiquées ci-dessus; le traité de famille des Bourbons du 15 août 1761, en fournit un exemple remarquable.3

1) V. Vattel, à l'endroit cité § 88 et Wheaton, Intern. Law. III, 2, § 13 suiv. On applique les règles générales de l'interprétation des traités. Nous y reviendrons dans le livre II, chap. 2, en traitant du droit de guerre. 2) Grotius II, 12. 24. Pufendorf V, 8. 2. Püttmann, à l'endroit cité § 21.

3) Neyron, Essai historique et politique sur les Garanties. Götting. 1777. Moser, Vers. V, p. 455, et surtout Günther II, p. 243 suiv. 4) Wheaton, Intern. Law. § 10. de Neumann § 259. 5) de Martens, Recueil. I, p. 16. éd. 2.

2. Traités fédéraux (Confédérations).

§ 93. Les traités d'union fédérale ou Confédérations contiennent cette particularité qu'ils se proposent non seulement les intérêts spéciaux de différents États, mais aussi un but commun, qui doit être atteint par des institutions communes et permanentes, but qu'à la vérité les intérêts individuels font souvent perdre de vue. Leur efficacité s'étend aux affaires extérieures comme aux intérieures dans le domaine tout entier des intérêts moraux et internationaux. Leur légitimité repose sur la nature sociale de l'espèce humaine, sur l'obligation de l'État de favoriser le bien-être de ses membres par le développement et l'association la plus complète des forces physiques et morales.1 Aussi ces unions, pour être valables, n'ont-elles nullement besoin d'être reconnues par les États étrangers: la Confédération, qui n'est pour ainsi dire qu'une conséquence des États reconnus déjà dont elle se compose, existe par elle-même: de tierces puissances ne peuvent refuser de recevoir ses représentants communs, ses déclarations communes sans commettre d'offenses, et le droit international regarderait un refus de ce genre comme non avenu.

A cette catégorie appartiennent les Confédérations d'États proprement dites, plus ou moins étendues (§ 21), la Confédération douanière allemande et toute autre union fondée en vue de l'adoption d'un système commercial et industriel commun, soutenu par des mesures communes. La volonté expresse des souverains contractants forme la loi fondamentale de ces unions: à son défaut on a recours aux principes généraux de droit international, notamment au principe suprême de la justice, à savoir l'égalité et la suppression des inégalités, ainsi qu'aux règles sociales qui en découlent. Ce sont surtout les sui

vantes:

Les droits et les obligations des membres fédéraux sont égaux. La part de chacun dans les profits et les charges de l'union se détermine à raison des ressources et des forces par lui apportées.

1) Suivant l'ancien proverbe: „Ubi societas ibi et jus est." V. Cocceji ad Proleg. Grotius § VIII.

La majorité ne peut introduire aucun changement dans la constitution fédérale dès qu'un seul membre s'y oppose. Mais aucun ne peut empêcher non plus par son opposition l'exécution constitutionnelle des principes fédéraux, tant que l'union subsiste. Plusieurs membres de l'union peuvent aussi, sans violation de leurs devoirs, concerter entre eux et mettre à exécution des mesures qui ne sont pas contraires à la constitution fédérale et ne portent aucun préjudice aux autres membres. Tel est le sens de la maxime applicable également aux associations politiques: ,in re pari potiorem esse prohibentis causam."

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Dans les cas mêmes où l'on applique le principe de la majorité des voix, les résolutions par elle décrétées ne peuvent obliger les membres qu'autant qu'elles sont comprises dans les devoirs fédéraux. A plus forte raison elle ne peut, sans le consentement libre des co-intéressés, prendre des résolutions relatives aux rapports internationaux et indépendants de l'union. Ces derniers sont compris sous la dénomination de „jura singulorum,“ dont la définition, depuis la paix de Westphalie (Instr. Osnabr. V, 52) surtout, a toujours présenté des difficultés sérieuses."

EFFETS GÉNÉRAUX DES TRAITÉS.3

§ 94. Tous les traités internationaux sont des contrats „bonae fidei." Ils obligent non seulement à tout ce qui a été stipulé expressément, mais aussi à ce qui convient le mieux à la matière du contrat et à la commune intention des parties contractantes (esprit des conventions).* Les engagements contractés par le souverain au nom de l'État, dans l'exer

1) L. 28. D. communi divid. V. Ludolph. Hugo, De statu regionum German. (Fritsch, Exercit. juris. t. III, p. 1 suiv.) chap. 6. § 17. Il dit toutefois, avec l'opinion commune, ce qui suit: Quando aliquid commune est ut universis, id ratum est, quod major pars statuerit; quando vero commune est ut singulis tunc potior est causa prohibentis. Gail, De pignor. chap. 20; Anton Faber in Cod. III, 26, defin. I, n. 7.

2) Ab Ickstadt, Opusc. t. II, 1-5. Une définition semblable a été faite pour la Confédération german. par l'Acte final de 1820, art. 15. V. Klüber, Oeffentliches Recht des deutschen Bundes. § 129.

3) Neyron, De vi foederum inter gentes. Goetting. 1778.

4) V. Code Nap. art. 1156-1158.

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