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violations de leurs droits fondamentaux, soit politiques soit civils, de s'accorder mutuellement une réparation suffisante. Autrement si une demande semblable et bien établie pouvait être arbitrairement repoussée, le droit lui-même serait dépourvu de toute réalité ou raison d'être. Il est vrai, ainsi que nous l'avons déjà observé plusieurs fois, qu'une obligation commune à tous les États de réparer les offenses commises entre eux, ne peut être soutenue qu'à l'égard de ces droits primordiaux auxquels on attribue partout la même valeur et la même nécessité; — non pas de ces rapports accidentels auxquels les lois particulières des différents États seulement donnent leurs formes et leur signification, peu importe d'ailleurs l'analogie1 qu'elles présentent à ce sujet.

VIOLATIONS DU DROIT INTERNATIONAL RÉPRIMÉES PARTOUT.

§ 104. Toute négation réelle et absolue des droits des hommes et des nations, tout attentat d'un caractère général ou spécial dirigé contre eux, lorsqu'il s'est manifesté par des actes extérieurs et par des moyens propres, constitue une violation du droit international, une offense envers tous les États qui obéissent aux mêmes lois morales, de nature à être réprimée par leurs efforts communs. Parmi ces violations on comprend notamment les cas suivants :

une tentative sérieuse d'établir un empire universel sur les ruines des États particuliers ou sur le territoire commun à tous, la haute mer (§ 16. 29 in fine, 74 ci-dessus): des violations des droits sacrés d'ambassadeurs, dont le maintien est une base essentielle des rapports internationaux;" le refus de faire droit à des prétentions universellement admises; l'adoption de principes contraires aux droits de tous et mis en avant vis-à-vis d'un seul État;*

3

1) V. § 32 ci-dessus, ainsi que la proposition contenue dans la note 4 du § 39.

2) Lors de violations semblables tous les membres du corps diplomatique prennent fait et cause pour le membre offensé, soit spontanément, soit après y avoir été invités. Des exemples dans Ch. de Martens, Causes célèbres. I, p. 83. 220.

3) Vattel II, § 70.
4) Vattel II, § 53.

les empêchements et troubles apportés au commerce libre des nations sur la haute mer et sur les routes de terre généralement accessibles.

La piraterie est une espèce particulière qui consiste dans l'arrestation et dans la prise violente de navires et des biens qui s'y trouvent, dans un but de lucre et sans justifier d'une commission délivrée à cet effet par un gouvernement responsable. Elle est regardée comme un acte d'hostilité flagrante contre l'humanité entière, dès qu'elle a reçu un commencement d'exécution ou dès qu'elle a été constatée d'une manière suffisante. Les pirates qui sont surpris en flagrant délit et qui ont fait usage de leurs armes, encourent la peine capitale et sont justiciables d'après les lois de l'État par lequel ils ont été arrêtés.2

Les navires et les sujets des États barbaresques et d'autres pays ottomans, ne sont pas compris dans cette catégorie: par suite de leurs rapports avec la sublime Porte, on s'est mis à leur égard sur un pied de défense, ou l'on s'est assuré leur amitié par des traités et des dons (§ 7 ci-dessus). Nous espérons que les tristes temps de connivence avec ces pirates sont passés.

En supposant que l'abolition de l'esclavage des nègres fût un principe adopté par toutes les nations Européennes, et qu'il eût cessé de jouir de toute protection, le transport maritime des noirs deviendrait un crime attentatoire aux droits communs de l'humanité. En attendant ce résultat, les nations qui ont proscrit l'esclavage, ne peuvent qu'offrir un asile aux esclaves réfugiés sur leurs territoires, en refusant leur extradition à des maîtrés dénaturés et en leur restituant un bien dont ils ne pouvaient être dépouillés.

1) Sur la définition de la piraterie v. Wheaton, Intern. Law. II, 2. § 16. Wildman I, p. 201. Riquelme I, p. 237. Loi française du 10 avril 1825. V. Ortolan, Règl. internat. I, p. 250 suiv.

2) Déjà dans le monde ancien la peine capitale était la peine régulièrement prononcée. Cicéron, Verrines. V, 26. Au moyen âge on noyait les pirates. Leibnit., Cod. jur. gent., document 124. Sauf le cas d'attaque, les sujets d'un État n'ont pas le droit de procéder à l'exécution de pirates. Loccenius, De jure marit. II, 3. 9. Valin (ordonn. de 1681) III, 9. 3. p. 236. Ortolan I, p. 254.

LIVRE DEUXIÈME.

DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE.

Chapitre Ier.

DES CONTESTATIONS INTERNATIONALES ET DES
MOYENS DE LES VIDER.

LEURS CAUSES.

§ 105. Les contestations naissent en général entre les nations des prétentions hostiles dont la solution n'est pas de la compétence des tribunaux ordinaires ou éprouve des difficultés suscitées arbitrairement par les parties en litige. Elles ont tantôt pour objet des réclamations réciproques de souverains, tantôt des prétentions formées par des particuliers contre un gouvernement ou contre des sujets étrangers. A cet effet l'État, défenseur des intérêts violés de ses sujets qu'il représente naturellement, doit en poursuivre la réparation auprès du gouvernement intéressé. Mais s'il peut intervenir ainsi en faveur de ses regnicoles, il ne jouit pas d'une faculté semblable à l'égard des sujets étrangers. Il ne pourra intervenir régulièrement en leur faveur que dans les cas indiqués aux §§ 45 et suiv.

DIFFÉRENTS MODES DONT PEUVENT ÊTRE TERMINÉES
LES CONTESTATIONS.

§ 106. Les contestations internationales sont privées en général de toute autre garantie que celle que donnent la force de la vérité et la puissance matérielle des parties en litige. Elles n'ont d'autre „forum" que la bonne foi et l'opinion publique. C'est donc aux parties elles-mêmes à s'entendre sur le mode le plus convenable pour le règlement de leurs différends,

et si elles n'y réussissent pas, à aviser aux moyens les plus propres pour soutenir ou pour faire triompher leurs prétentions respectives. Le dernier ou le moyen extrême, propre à sauvegarder des droits méconnus ou violés, c'est la force et la légitime défense. Tantôt d'un caractère purement passif, elle cherchera à repousser l'agression; tantôt, agressive à son tour, elle s'efforcera d'obtenir la réparation refusée. Dans le premier cas elle se contentera de repousser l'attaque et d'en empêcher le retour, dans le second elle ne déposera les armes qu'après avoir obtenu une pleine satisfaction. Pour atteindre ses fins plus sûrement, il lui est permis de détruire l'ennemi; mais c'est une extrémité qu'il ne faut jamais regarder comme le but direct de la guerre. Elle doit s'appuyer en même temps sur des causes légitimes, et, sous aucun prétexte, elle ne pourra dépasser son but. Autrement la défense cesse d'être juste et légitime, lorsque surtout, au lieu de formuler ses griefs et de les justifier, elle recourt immédiatement à l'emploi de la force, sans qu'il existe aucun péril imminent. Car c'est la nécessité seule qui est

son excuse.

TENTATIVES AMIABLES.

§ 107. Comme des moyens propres à convaincre la partie adverse de ses torts et à l'amener à la conciliation, auxquels il faut recourir dès qu'il n'existe aucun danger imminent, on regarde les modes suivants:

premièrement, des négociations diplomatiques entamées avec
la partie adverse ou avec une puissance tierce qui peut
réussir à faire entendre sa voix médiatrice dans le litige.
A cet effet les pièces et les titres de nature à éclaircir
les débats, lui seront communiqués ;
secondement, un appel directement fait à l'opinion publique,
à laquelle sont livrés les documents et les pièces justi-
ficatives qui concernent le litige, après que les négocia-
tions n'ont abouti à aucun résultat satisfaisant et qu'elles
ont été rompues;

1) V. l'article de Wurm dans le Staats- Lexicon, t. XII, p. 111 suiv.

troisièmement, l'acceptation des bons offices d'une tierce puissance intervenante.

Cette dernière espèce est plus étendue que les deux autres. Car l'intervention d'une puissance médiatrice fait de plein droit suspendre les hostilités, tant que ses fonctions ne sont pas terminées. De simples offices d'amitié au contraire n'ont qu'une importance purement morale.

Lorsque les droits d'une partie ne sont nullement menacés d'une manière sérieuse, une protestation ou de simples réserves suffiront pour garantir contre toute fausse interprétation ses actes ou le silence gardé par elle, pourvu qu'ils ne soient pas en opposition avec la situation réelle des choses ou avec les propres actes de la partie (protestatio facto contraria).

MOYENS D'ENTENTE PARTICULIERS SUR CERTAINS POINTS
LITIGIEUX.

§ 108. Lorsque certains rapports, quoique établis d'une manière générale, ont cependant besoin d'être fixés d'une manière définitive, comme par exemple, lorsqu'il s'agit de la délimitation des terres restées dans l'indivision, il faudra, dès que les parties ne peuvent se mettre d'accord sur leur partage, recourir à la voie impartiale du sort ou de l'arbitrage. Le sort surtout se prête parfaitement à certaines éventualités, soit que, par la division de l'objet litigieux, il en attribue leur part aux divers intéressés, soit qu'à un état de choses incertain et contesté il fasse succéder une situation définitive ou seulement temporaire. Souvent on l'a employé pour mettre un terme aux contestations nées du partage des souverainetés ou des questions de préséance. Tout ici dépend naturellement des conventions des parties. Même le duel, qui n'est autre chose que le sort des armes, a été quelquefois proposé, mais rarement accepté à ce titre, et sans que par là on ait réussi toujours à terminer le litige.2 Rien

1) V. Ch. Fr. de Moser, dans: Schott, Jurist. Wochenblatt. Jahrg. III, p. 615 suiv.

2) V. des exemples empruntés à l'histoire ancienne dans Pet. Müller, De duellis principum. Jenae 1702. Ward, Enquiry. II, p. 216 suiv. On se rappelle le cartel que le roi Gustave IV de Suède envoya à l'empereur

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