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usage de mesures semblables d'une manière soit directe soit indirecte, par exemple, en délivrant des commissions ou des lettres de marque à leurs sujets, ainsi que cela se pratiquait autrefois en France, en Angleterre, dans les Pays-Bas et ailleurs, pratique qui a cessé de nos jours.'

Des puissances tierces au contraire ne sont tenues en aucune manière de donner suite aux réclamations qui leur sont adressées à ce sujet par les parties intéressées. Elles ne peuvent faire usage d'actes de représailles dans l'intérêt de l'une des parties, qu'autant que les traités leur imposent un devoir d'intervention. Ce devoir se manifeste surtout avec une certaine force dans le sein des États fédératifs, et l'article 37 de l'acte final de Vienne l'a consacré expressément au profit de la Diète germanique. En Suisse il a été reconnu également, qu'un Canton a le pouvoir d'exercer des représailles dans l'intérêt d'un autre Canton. Il y a encore un cas où une tierce puissance peut intervenir légalement dans une guerre engagée: c'est lorsque l'intervention aura pour but de mettre un terme aux violations du droit international, à des procédés contraires à l'humanité et à la justice. En ce cas les États ne font que remplir une mission qui leur est tracée naturellement. Organes suprêmes et multiples de l'humanité, ils sont appelés à en faire respecter les lois partout où elles sont violées.

APPLICATION DE MESURES DE RIGUEUR OU DE RÉTORSION.3

§ 111. Quelquefois un gouvernement, sans porter atteinte. aux stipulations des traités existants, se livre pourtant envers

Quaest. jur. I, 24. Oke Manning, Law of nations p. 107. Wurm à l'endroit cité p. 125. Wildman p. 195.

1) V. de Martens, Pütter et Wheaton aux l'endroit cités.

2) de Martens, Völkerr. § 256 (261). Bynkershoek (de foro legator. chap. 22) admet la faculté d'un gouvernement d'exercer des actes de représailles dans l'intérêt d'un autre; contra Oke Manning p. 111 et Wildman t. I, p. 193.

3) V. les ouvrages indiqués par d'Ompteda § 287. de Kamptz § 269. Moser, Vers. VIII, p. 485. Vattel II, § 341. de Martens, Völkerr. § 250. Mittermaier, Deutsches Privatr. § 110. Wurm à l'endroit cité p. 111. 116.

un autre ou envers ses sujets à des actes contraires à l'équité. Telle sera une inégalité de traitement de sujets étrangers. L'inégalité consistera tantôt dans leur exclusion absolue de certains avantages accordés aux nationaux, tantôt dans des faveurs accordées à ceux-ci au détriment des premiers. Quelquefois elle résultera également, même par rapport aux nationaux, de l'application de certains principes contraires à ceux reçus chez les autres nations et de nature à produire pour celles-ci des conséquences matérielles fâcheuses. Dans ces différents cas ce n'est pas à des représailles, mais à la voie de rétorsion qu'on aura recours; c'est-à-dire, dans un esprit d'égalité et afin d'obtenir le redressement de ces iniquités, on emploie envers la puissance qui s'en est rendue coupable, des mesures analogues, jusqu'à ce qu'elle consente à y renoncer. Ce qui distingue la rétorsion (retorsio juris) de représailles, c'est que celle-là a pour but de faire cesser des actes d'iniquité (jus iniquum), tandis que celles-ci ont pour objet de faire obtenir une réparation des lésions commises. Elle s'appuie sur cette maxime: „quod quisque in alterum statuerit ut ipse eodem jure utatur." C'est par là qu'elle fait ressentir à la partie adverse le caractère égoïste et exclusif de ses procédés."

La rétorsion peut avoir lieu non seulement dans les cas où un gouvernement a déjà fait l'application d'un principe préjudiciable à un autre dans certaines espèces, mais aussi dès le moment où il l'a proclamé. Néanmoins une simple divergence de dispositions dans les lois de deux pays, lorsqu'elles ont pour effet d'exclure les sujets étrangers de certains avantages dont ils jouissent dans leur propre pays, ne suffira jamais pour justifier des mesures de rétorsion. Il faudra seulement que ces dispositions ne soient pas dirigées spécialement ou d'une manière expresse contre les sujets étrangers. Ainsi il est évident que les dispositions d'un code qui établissent des modes ou des ordres de successions particuliers, différents de ceux sanctionnés dans d'autres codes, ne suffiront jamais pour motiver des mesures semblables.

1) Wurm insiste avec raison sur cette dernière espèce de rétorsion. 2) J. Gothofr. Bauer, Opusc. t. I, p. 157 seq.

D'ailleurs la rétorsion est une mesure essentiellement politique, dont les particuliers ne peuvent faire usage qu'en vertu d'une autorisation de leur gouvernement, rendue dans les formes légales, qui détermine en même temps le mode et les conditions de la rétorsion, ainsi que les personnes qui sont appelées à en profiter. Les règles particulières à cette matière sont du domaine du droit public interne.

Si les circonstances ne permettent pas d'appliquer à un gouvernement étranger des mesures identiques sur les mêmes objets, la rétorsion s'effectuera par voie d'analogie et selon les circonstances données. Ainsi, par exemple, si le commerce d'un certain pays venait à être frappé dans un autre de droits exorbitants ou qu'il y éprouvât des difficultés sérieuses, le gouvernement lésé y répondrait en imposant les produits similiaires de droits analogues.

EMBARGO ET BLOCUS.

§ 112. Les états maritimes ont encore introduit l'usage de simples mesures d'embargo et de blocus.

L'embargo („embargar" en espagnol, arrêter) est un acte conservatoire ou préparatoire qui consiste à faire arrêter provisoirement les navires trouvés dans les ports ou dans les mers intérieures d'un territoire, dans le but d'en empêcher la sortie. Invention d'origine britannique, elle a passé successivement dans les lois des autres nations.2

Appliquée avant le commencement d'un état de guerre, cette mesure n'est appelée qu'après la déclaration de la guerre à prendre un caractère définitif et à produire les effets que nous retracerons au chapitre suivant. Quelquefois encore l'embargo est un simple acte de sûreté intérieure ordonné par un gouver1) Dav. Gr. Struben, Rechtl. Bedenken. V, no. 47 (éd. Spangenberg t. II, p. 321).

2) Les ouvrages relatifs à cette matière sont indiqués par de Kamptz § 276. V. notamment de Réal, Science du gouvern. V, p. 630. Jouffroy, Droit maritime. p. 31. Nau, Völkerseerecht (1802). § 258 suiv. M. Poehls, Seerecht. IV, § 526. Karseboom, De navium detentione, quae vulgo dicitur Embargo. Amsterd. 1840.

3) Wheaton IV, 1. § 4.

nement, notamment dans le but d'empêcher que certaines nouvelles sur la situation du pays ne soient portées au dehors; ou bien encore pour faciliter des recherches de police ou judiciaires. Un gouvernement peut en outre, en cas de nécessité urgente, s'emparer de navires étrangers, de leurs équipages et de leurs cargaisons pour en faire usage, pourvu qu'il ne s'agisse pas d'un but hostile à leur nation, et sous réserve d'une pleine indemnité (§ 150 in fine). Enfin des représailles peuvent se produire sous la forme d'un embargo. Il suffit toutefois que cet acte préventif ne soit pas suivi d'une déclaration de guerre, pour que le préjudice résultant de la détention arbitraire doive être réparé.'

Le blocus ou l'emploi de forces régulières suffisant pour empêcher toute communication d'une côte, d'un ou de plusieurs ports avec le dehors, peut avoir en vue des fins différentes. Quelquefois c'est un acte de coërcition qui accompagne l'ouverture des hostilités, ainsi que nous l'expliquerons au chapitre suivant (§ 121). D'autres fois il précède une déclaration de guerre régulière, comme mesure de représailles destinée à prévenir le danger d'une violation de l'état de paix, qui résulterait par exemple du départ d'une escadre, de l'introduction de troupes dans une place forte au moment même où le gouvernement suspect a été mis en demeure de s'expliquer sur ses véritables intentions. L'histoire la plus récente est féconde en exemples de cette espèce de blocus tout nouveau, qu'on emploie sans déclaration de guerre comme acte de représailles (blocus pacifique). Nous nous contentons de rappeler le blocus exécuté en 1827 par les forces combinées de l'Angleterre, de la France et de la Russie sur les côtes encore turques alors de la Grèce; le blocus du Tage (1831), de la Nouvelle-Grenade (1836), du Mexique (1838), blocus qui par suite de la déclaration du gouvernement mexicain s'est transformé en guerre formelle. La légalité de cette mesure 1) de Steck, Essais. 1794. p. 7. Jacobsen, Seerecht. p. 531. M. Poehls, loc. cit. p. 1170. Plusieurs traités, tels que ceux conclus le 11 juillet 1799 entre la Prusse et les États-Unis (art. 16), le 30 mai (11 juin) 1801 entre la Russie et la Suède (art. 32) proscrivent l'embargo comme mesure spéciale et ne l'admettent qu'à la suite d'une déclaration de guerre.

2

2) Nouv. Supplém. au Recueil. III, p. 570. Nouv. Recueil t. XVI, p. 803 suiv. Les cas assez rares où cette mesure avait été pratiquée

ne peut faire l'objet d'aucun doute, et les États neutres doivent respecter un blocus régulièrement proclamé, conformément aux règles expliquées au chapitre III ci-après. Mais une confiscation des objets saisis ne peut être prononcée qu'à la suite d'une déclaration de guerre.'

Chapitre II.

DU DROIT DE GUERRE.2

DÉFINITION DE LA GUERRE.

§ 113. La guerre se manifeste extérieurement comme un état d'hostilités existant entre plusieurs puissances, pendant lequel elles se croient autorisées à faire réciproquement usage entre elles de violences de toute espèce. C'est la définition matérielle de la guerre. Mais considérée au point de vue légal, la guerre n'est un état régulier de violences et de destruction qu'autant qu'elle se propose un but légitime, et elle continue à l'être jusqu'au moment où ce but sera atteint. La guerre, en d'autres termes, est un acte extrême de légitime défense. Tantôt, comme cette dernière, d'un caractère purement défensif, elle cherchera à repousser une agression injuste, et à cet effet elle préviendra des menaces suspendues au-dessus d'elle." Tantôt réellement offen

jusqu'alors, avaient suscité d'abord quelques doutes sur sa légalité. V. néanmoins Wurm, dans le Staats-Lexicon XII, p. 128; ainsi que Hautefeuille, Droits des nations neutres. III, p. 176. Ce dernier regarde le blocus comme une mesure de guerre. L'humanité d'ailleurs n'a qu'à s'applaudir de cette nouvelle institution internationale.

1) Avis du Conseil d'État du 1 mars 1848. Gaz. des Trib. 28 mars 1848 p. 54. L'Angleterre a adopté une jurisprudence différente, mais c'est celle de la France qui doit prévaloir si le blocus ne constitue pas un cas de guerre. 2) Les monographies relatives à cette matière, notamment celles publiées par Alberic Gentile, J. Gottl. Fréd. Koch et Joach. E. de Beust, sont indiquées par d'Ompteda § 290. 291. de Kamptz § 271.272. de Clausewitz, dans son ouvrage intitulé: Vom Kriege. Berlin 1832. t. I. p. 105, retrace une histoire générale de la guerre.

3) V. ci-dessus page 58 et Guil. Schooten, De jure hostem imminentem praeveniendi. Specim. jurid. Lugd. Bat.

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