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Le premier de nos rois qui ait cherché à abolir le combat judiciaire, fut saint Louis : ce sage prince, persuadé que la meilleure autorité d'un chef, c'est l'exemple, le donna lui-même dans ses domaines, espérant avec juste raison que l'exemple du souverain influerait sur la conduite des barons.

Par son ordonnance ou établissement, en date de l'an 1260, il substitua au combat judiciaire la preuve par témoins et réduisit le nombre des cas dans lesquels ce combat pourrait être demandé. Ses ordonnances sont contenues dans l'important recueil appelé Établissements de saint Louis.

Il est bon d'observer qu'à cette époque de désordre social, outre les préjugés invétérés et les habitudes chères à la noblesse belliqueuse, il existait encore un abus plus important et non moins déraisonnable que le combat judiciaire : celui des guerres privées que se faisaient les seigneurs entre eux et les villes entre elles. Cet abus déplorable était dans toute sa force, lorsque saint Louis monta sur le trône.

Ce sage prince fit d'abord admettre ce que l'on appela la trêve de Dieu. Pendant un intervalle de 40 jours à dater de l'offense, les voies de fait étaient interdites.

Philippe le Bel continua l'œuvre réformatrice de son père. Son ordonnance de 1296 défendait les guerres privées pendant tout le temps que durerait la guerre du roi. Pendant le même temps le combat judiciaire était également défendu, et les procès devaient se terminer par les voies ordinaires.

L'ordonnance de 1303 renouvela les mêmes

défenses. Les malfaiteurs n'en furent que plus audacieux, quand ils pouvaient commettre leurs méfaits sans témoins. Le nombre des crimes ne fit que s'accroître, et, en 1306, Philippe le Bel, dans une nouvelle ordonnance, accepte le retour aux gages de bataille.

Le dernier combat judiciaire eut lieu en 1387, sous le règne de Charles VI (le premier qui porta le titre de Dauphin de France), entre messire Jean de Carrouge, seigneur d'Argenteuil, et Jacques Legris, tous deux vassaux du duc d'Alençon. Jean de Carrouge ayant cité par-devant le parlement le sieur Legris, comme ayant attenté à l'honneur de sa femme, le parlement déclare qu'il échoit gage, ordonne le combat, et Legris fut tué. On reconnut son innocence dans la suite.

Ce qui amena peu à peu l'abolition du combat judiciaire, ce fut précisément l'attribution exclusive conférée au parlement de Paris du droit de l'ordonner, quand il y aurait lieu, dans toutes les parties du royauine, sans distinction.

On ne saurait donner la date précise de cette réforme; mais ce que l'on peut assurer, c'est qu'elle s'accomplit progressivement à mesure que la juridiction du roi empiéta sur celle des seigneurs et par suite de l'affranchissement des communes, lesquelles préférèrent naturellement faire juger leurs querelles par leurs échevins plutôt que par les seigneurs qui s'étaient soigneusement réservé le droit de donner le gage de bataille.

Cependant, tandis que le préjugé du combat judi

ciaire s'affaiblissait de jour en jour, l'habitude des guerres privées opposait à nos rois une résistance opiniâtre. Le règne de Jean II, surtout, fut fécond en édits d'une grande sévérité, justifiés d'ailleurs par la présence des Anglais au cœur de la France.

Quand les résistances durent céder devant l'autorité royale, au lieu de disparaître entièrement, l'abus ne fit pour ainsi dire que se transformer, et c'est alors que prit naissance un autre abus qui tenait à la fois du combat judiciaire et des guerres privées. Nous voici arrivés au Duel.

Cette transformation commença à la fin du xive siècle, et se poursuivit pendant le xv.

On présentait au roi une requête, pour obtenir l'autorisation de combattre en champ clos. L'autorisation obtenue, le cartel était signifié par un héraut d'armes, au nom du Roi.

Le roi assistait à ces combats, et lorsqu'il croyait devoir y mettre fin, jetait son sceptre entre les combattants.

Ainsi agit François Ier dans le combat qui eut lieu, avec son autorisation, entre deux gentilshommes du Berry, les sieurs Vermiers et Harzay.

Le duel n'était permis qu'aux nobles, et au roi seul appartenait le droit de décerner les combats (Etienne Pasquier, Recherches sur la France, liv. IV, chap. xv).

François Ier avait refusé à deux gentilshommes de sa cour, François de Vivonne, seigneur de la Chasteigneraye, et Guy Chabot, seigneur de Montlieu, connu sous le nom de Jarnac, la permission de se

battre; ceux-ci obéirent, attendirent le règne de Henri II, son successeur : ce prince, par son ordonnance de 1547, autorisa le duel.

La Chasteigneraye, son favori, ayant succombé (telle est l'origine du coup de Jarnac), il jura de ne jamais plus accorder semblable autorisation.

Sous le règne de Henri II commença une nouvelle phase dans l'histoire du duel. Quand on ne put plus obtenir l'autorisation royale, on s'en passa, et les duels se multiplièrent d'une manière effrayante.

Un abus aussi monstrueux ne pouvait être toléré par l'Église, qui avait si énergiquement protesté contre le combat judiciaire.

Le concile de Trente, par un canon (encore en vigueur aujourd'hui) de l'année 1563 (Session 25, De Reformatione, chap. xIx) fulmina l'excommunication non seulement contre les combattants, mais contre les parrains (témoins), et priva de la sépulture chrétienne ceux qui trouvaient la mort dans le combat. (Voir ce canon aux Pièces justificatives, page 453.) Nous résumerons ici les règles que les duellistes reconnaissaient au xvI° siècle (Voir Brantôme, Discours sur les duels).

Il commence par recommander de ne pas se battre sans témoins, d'abord pour ne pas priver le public d'un beau spectacle, et ensuite, pour ne pas s'exposer à être recherché et puni comme meurtrier.

<< Les combattants, ajoute-t-il, doivent être soigneu‹ sement visités et tastés pour savoir s'ils n'ont dro« gueries, sorcelleries et maléfices. Il est permis de « porter reliques de N. D. de Lorette et autres choses

saintes. En quoi pourtant il y a dispute, si l'un s'en trouvait chargé et l'autre non, car dans ces choses, il faut que l'un n'ait pas plus d'avantages que l'autre. Il ne faut pas parler de courtoisie; celui qui entre en champ clos doit se proposer de vaincre ou de mourir, et surtout de ne se rendre point, car le vainqueur dispose du vaiucu tellement qu'il en veut, comme de le trainer par le camp, de le pendre, de le brusler, de le tenir prisonnier, bref, d'en disposer comme d'un esclave. » En lisant les émoires des contemporains, on est édifié sur la uantité de meurtres que l'on regardait comme des uels, on en trouve mille preuves dans les ouvrages e Brantôme, de d'Audiguier, de L'Estoile, de allemand des Réaux, etc.

Le pouvoir civil tenta de s'associer à l'Eglise dans a voie de répression.

En 1560, les États généraux réunis à Orléans vaient présenté leurs doléances et leurs demandes our obtenir la répression des duels. Le roi Charles IX fit droit par une ordonnance rendue à Marchois n 1566 (en même temps que la célèbre ordonance de Moulins, mais par un acte séparé) et dont honneur revient au chancelier de L'Hôpital. Cette rdonnance défend aux gentilshommes de vider urs querelles par des combats, leur enjoint de souettre les démentis au gouverneur de la province, u connétable et aux maréchaux de France, lesquels écideront de la valeur du démenti et pourront le éclarer nul: en ce cas, celui qui l'aura donné sera

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