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URANIE.

Veux-tu te taire? La voici.

SCENE III.

CLIMENE, URANIE, ÉLISE, GALOPIN.

URANIE.

Vraiment, c'est bien tard que...

CLIMENE.

Hé de grace, ma chere, faites-moi vîte donner

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Quel est donc votre mal? et depuis quand vous

a-t-il pris?

CLIMEN E.

Il y a plus de trois heures, et je l'ai apporté du Palais-royal.

Comment?

URANIE.

CLIMENE.

Je viens de voir pour mes péchés cette méchante rapsodie de l'Ecole des Femmes. Je suis encore e défaillance du mal de cœur que cela m'a donné; e je pense que je n'en reviendrai de plus de quinze jours.

ÉLISE.

Voyez un peu comme les maladies arrivent sa qu'on y songe!

URANIE.

Je ne sais pas de quel tempérament nous sommes ma cousine et moi; mais nous fùmes avant-hier à la même piece, et nous en revinmes toutes deux saines et gaillardes.

CLIMENE.

Quoi! vous l'avez vue?

URANIE.

Oui, et écoutée d'un bout à l'autre.

CLIMEN E.

Et vous n'en avez pas été jusques aux convulsions, ma chere?

URANIE.

Je ne suis pas si délicate, Dieu merci; et je trouve pour moi que cette comédie seroit plutôt capable de guérir les gens que de les rendre malades.

CLIMENE.

Ah! mon dieu! que dites-vous là? Cette proposition peut-elle être avancée par une personne qui ait du revenu en sens commun? Peut-on impunément, comme vous faites, rompre en visiere à la raison ?

Et, dans le vrai de la chose, est-il un esprit si affamė de plaisanterie, qu'il puisse tàter des fadaises dont cette comédie est assaisonnée? Pour moi, je vous avoue que je n'ai pas trouvé le moindre grain de sel dans tout cela. Les enfants par l'oreille m'ont paru d'un goût détestable, la tarte à la créme m'a affadi le cœur; et j'ai pensé vomir au potage.

ELISE.

Mon dieu! que tout cela est dit élégamment! J'aurois cru que cette piece étoit bonne : mais madame a une éloquence si persuasive, elle tourne les choses d'une maniere si agréable, qu'il faut être de son sentiment malgré qu'on en ait.

URANIE.

Pour moi, je n'ai pas tant de complaisance; et pour dire ma pensée, je tiens cette comédie une des plus plaisantes que l'auteur ait produites.

CLIMEN E.

Ah! vous me faites pitié de parler ainsi, et je ne saurois vous souffrir cette obscurité de discernement. Peut-on, ayant de la vertu, trouver de l'agrément dans une piece qui tient sans cesse la pudeur en alaret salit à tout moment l'imagination?

me,

ÉLISE.

Les jolies façons de parler que voilà! Que vous êtes, madame, une rnde joueuse en critique! et que je plains le pauvre Moliere de vous avoir pour ennemie!

CLIMENE.

Croyez-moi, ma chere, corrigez de bonne foi votre jugement; et, pour votre honneur, n'allez point dire par le monde que cette comédie vous ait plu.

URANIE.

Moi, je ne sais pas ce que vous y avez trouvé qui blesse la pudeur.

CLIMENE.

Hélas! tout; et je mets en fait qu'une honnête femme ne la sauroit voir sans confusion, tant j'y ai découvert d'ordures et de saletés.

URANIE.

Il faut donc que pour les ordures vous ayez des lumieres que les autres n'ont pas; car, pour moi, je n'y en ai point vu.

CLIMEN E.

C'est que vous ne voulez pas y en avoir vu, assurément; car enfin toutes ces ordures, Dieu merci, y sont à visage découvert. Elles n'ont pas la moindre enveloppe qui les couvre, et les yeux les plus hardis sont effrayés de leur uudité.

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Mais encore, s'il vous plaît, marquez-moi une do ees ordures que vous dites.

CLIMENE.

Hélas! est-il nécessaire de vous les marquer?

URANIE.

Oui. Je vous demande seulement un endroit qui vous ait fort choquée.

CLIMENE.

En fant-il d'autres que la scene de cette Agnès, lorsqu'elle dit ce qu'on lui a pris?

URANIE.

Et que trouvez-vous là de sale?

CLIMENE.

Ah!

URANIE.

De grace.

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Pour moi, je n'y entends point de mal.

CLIMENE.

Tant pis pour vous.

URANIE.

Tant mieux plutôt, ce me semble: je regarde les choses du côté qu'on me les mon re, et ne les tourne point pour y chercher ce qu'il ne faut pas voir.

CLIMENE.

L'honnêteté d'une femme...

URANIE.

L'honnêteté d'une femme n'est pas dans les grimaces. Il sied mal de vouloir être plus sage que celles qui sont sages. L'affectation en cette matiere est pire qu'en toute autre; et je ne vois rien de si ridicule que cette délicatesse d'honneur qui prend tout en mauvaise part, donne un sens criminel aux plus innocentes paroles, et s'offense de l'ombre des choses. Croyez-moi, celles qui font tant de façous n'en sont pas estimées plus femmes de bien; au contraire, leur sévérité mystérieuse et leurs grimaces affectées irritent la censure de tout le monde contre les actions de leur vie. On est ravi de découvrir ce qu'il y peut avoir à redire et, pour tomber dans l'exemple, il y avoit l'autre jour des femmes à cette comédie, visà-vis de la loge où nous étions, qui, par les mines qu'elles affecterent durant toute la piece, leurs détournements de tête, et leurs cachements de visage, firent dire de tous côtés cent sottises de leur conduite, que l'on n'auroit pas dites sans cela; et quel

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