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plus difficiles que l'adjectif dont ils suivent presque toutes les règles. Étudiez avec patience jusqu'à ce que vous puissiez distinguer même la plus légère nuance du verbe, et surtout gardez-vous bien de passer une seule page: au lieu d'aller plus vite, vous retarderiez vos progrès. Ce serait un anneau que vous ôteriez d'une chaîne, quelques feuilles que vous arracheriez d'un livre; car j'ai coordonné mon travail de telle sorte que toutes les leçons se correspondent et dépendent les unes des autres : vous ne sauriez en négliger une seule, sans risquer de vous jeter dans le labyrinthe grammatical où l'on s'est égaré tant de fois.

CHAPITRE PREMIER.

I.

Du verbe.

LE VERBE est un mot qui marque l'AFFIRMATION. Ainsi, dans cette proposition: DIEU est ÉTERNEL, le verbe est affirme que la qualité renfermée dans l'adjectif éternel, convient à Dieu et lui appartient réellement.

Supprimons le verbe, que signifie DIEU ÉTERNEL? Rien n'indique à quoi se rapporte le qualificatif éternel. Ce n'est plus une proposition (1), ce sont deux mots détachés, et pour ainsi dire indépendants l'un de l'autre. L'oreille n'étant pas satisfaite, attend une expression qui achève l'idée commencée; tandis qu'avec le verbe, la pensée a un sens positif et complet.

Mais l'affirmation est quelquefois négative, comme dans cet exemple: LE BONHEUR n'est PAS DURABLE. Le verbe est, selon Girault-Duvivier, marque aussi bien l'affirmation que s'il n'était pas accompagné d'une négation. En effet, dans l'exemple cité: Le bonheur n'est pas durable, le verbe est, avec la négation, affirme que la qualité renfermée dans l'adjectif durable, ne convient pas au substantif bonheur.

Cependant, comme le font observer messieurs de Port-Royal, cette définition du verbe ne marque pas tout l'usage des verbes, et il n'y a réellement que le verbe ÊTRE dont elle rende bien toute la nature. Les hommes, naturellement portés à varier et à abréger leurs discours, ont trouvé le moyen de renfermer dans le verbe bien d'autres significations avec celle de l'affirma

tion.

Ils y ont joint 1° celle de l'adjectif; quand je dis AUGUSTE JOUE, c'est comme si je disais : Auguste est jouant. Auguste est le sujet, et joue est un verbe qui renferme en lui-même le verbe étre et l'adjectif ou l'attribut jouant. De là est venue la grande diversité des verbes.

2o Ils ont établi des différences dans les terminaisons pour mieux désigner le sujet de la proposition: j'aime, nous aimons, vous aimez. De là les personnes dans les verbes; et comme ce sujet de la proposition peut désigner une ou plusieurs personnes, de là le nombre singulier et le nombre pluriel.

3° Ils y ont joint encore d'autres différences qui expriment à quelle partie de la durée appartient l'action ou l'état exprimé par le verbe, comme j'aime, j'ai aimé, j'aimerai. De là la diversité des temps.

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4° Enfin, on a encore assujetti le verbe à d'autres inflexions pour marquer si l'affirmation est absolue, indéterminée, conditionnelle, dépendante ou commandée. De là les modes. Nous allons développer complétement ces particularités relatives au verbe.

II.

Le verbe Être se trouve-t-il renfermé dans tous les autres verbes.

Si nous consultons les plus célèbres grammairiens, nous voyons qu'ils s'accordent tous à ne reconnaître qu'un seul verbe dans la langue française; c'est le verbe ÊTRE.

Quand il signifie absolument exister, il est verbe substantif, c'est-à-dire qu'il subsiste par lui-même sans le secours d'aucun autre mot.

Celui qui est m'a envoyé.

(Écriture sainte.)

Je pense, donc je suis.

(LA BRUYÈRE.)

J'aime mieux n'être plus que de vivre avili. (THOMAS.) Il y a quarante ans que je n'étais pas. (LA BRUYÈRE.)

Dans ces exemples, le verbe étre exprime l'existence d'une manière complète, indépendante, absolue.

Mais lorsqu'il ne se présente plus sous la forme simple, lorsqu'il cesse d'être visible et de se faire entendre, comme dans AIMER, RENDRE, il devient verbe adjectif, parce qu'il se trouve ajouté à un mot qui renferme une idée de QUALIFICATION : aimer est pour être aimant, rendre est pour être rendant.

L'analyse de quelques verbes va compléter cette définition.

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Cette analyse, qu'on trouvera peut-être fastidieuse, est le résultat du principe qui ne reconnaît que le verbe étre dans la langue française. Mais comme ce verbe répété à tous moments, aurait rendu le discours monotone et insupportable, l'homme, qui a toujours regardé l'harmonie comme la première loi du langage, créa des verbes où sont exprimées en un seul mot toutes les nuances que le verbe étre et l'adjectif exprimeraient aussi bien. Comparez les exemples de l'une et de l'autre colonne, et vous verrez que la pensée n'a souffert aucune altération, quoiqu'elle soit écrite moins élégamment. Ainsi, tous les verbes adjectifs sont, pour ainsi dire, formés de deux éléments distincts: du verbe étre et d'un adjectif. Quelle que soit

la nature du verbe, quels que soient le mode, le temps et la personne, en faisant l'analyse logique, on retrouvera partout le verbe étre.

III.

Des différentes espèces de verbes adjectifs.

Nous venons de voir que le verbe sert à marquer l'affirmation et l'existence; mais, outre ces définitions générales, on a reconnu que le verbe adjectif exprime principalement l'ACTION. De là cinq espèces de verbes qui sont :

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Telles sont les cinq sortes de verbes que nous allons expliquer; mais auparavant nous ferons observer que les actions qu'ils expriment, peuvent être soit physiques, soit morales. J'appelle actions physiques, dit Bescher, celles qui se font avec mouvement: je vais, s, je viens, je cours, je frappe. J'entends par actions morales celles qui ont lieu sans manifestation apparente : je pense, je médite, je réfléchis, je désire.

ACTIONS PHYSIQUES.

L'acier coupe LE BOIS QUE déchiraient les coins.

(DELILLE.)

ACTIONS MORALES.

Pour bien juger LES GRANDS, il faut vivre avec eux (L'abbé AUBERT.)

Coupe, déchiraient sont des actions physiques, puisqu'elles se font avec mouvement e, qu'elles frappent les regards.

Juger, vivre sont des actions morales, car elles existent sans manifestation apparente. Cette distinction est très-essentielle, elle aide puissamment à reconnaître les cinq espèces de verbes.

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L'action ne frappe pas toujours les regards, comme dans l'exemple le tigre déchire sa proie. Néanmoins, dès qu'elle retombe sur une personne ou sur une chose, elle existe réellement et le verbe est actif.

On perd tous ses amis en perdant tout son bien.

(DESTOUCHES.)

La fraise vermeille embaume les gazons.

(CASTEL.)

Les verbes perd, embaume sont aussi bien des verbes actifs que ceux des exemples qui précèdent, car ils marquent comme eux une action qui retombe sur un être; et cet être qui reçoit l'action se nomme complément direct ou régime direct (1).

Guide au moyen duquel on reconnaît rapidement tous les verbes actifs. Lorsqu'un verbe est actif, on peut placer après lui l'expression quelqu'un (pour les personnes) ou l'expression quelque chose (pour les objets). On perd tous ses amis en perdant tout son bien, dites: On perd quelqu'un (ses amis) en perdant quelque chose (tout son bien).

Les exemples qui suivent vont compléter ce que nous venons de dire relativement au verbe actif.

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