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d'homme privé à homme privé : d'où le droit privé; 2° et 3° Rapports d'homme privé à la société, et réciproquement: d'où le droit public interne; 4° Rapports de société à société d'où le droit public externe; autrement dit droit des gens, droit international.

Le rapport d'où se déduit la conception du droit pénal n'est pas un rapport d'homme privé à homme privé; car entre hommes privés il peut y avoir droit de défense pendant le danger, droit de réparation du préjudice après le mal consommé, mais non pas droit de punir le mal fait par le lésé après coup et par réaction au violateur du droit serait vengeance et non justice pénale. Le droit pénal ne fait donc pas partie du droit privé.

Le rapport d'où se déduit la conception du droit pénal n'est pas non plus un rapport de nation à nation le droit pénal ne fait donc pas partie du droit public externe ou droit international.

Les personnes qui figurent dans ce rapport sont toujours d'une part, la société qui punit; d'autre part, le violateur du droit, qui est puni.

Il faut donc dire que le droit pénal est une partie spéciale du . droit public interne, qui intervient, comme moyen sanctionnateur, dans toutes les branches quelconques du droit.

:

CHAPITRE II.

MÉTHODE SUIVIE DANS CET OUVRAGE.

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Distinction entre la science, l'art et la pratique. Cette distinction s'applique
au droit d'où la science du droit, la législation positive et la jurisprudence.
Chaque matière sera exposée dans cet ouvrage, d'abord d'après la
science, ensuite d'après la législation et la jurisprudence. Ce que c'est que
l'analyse et la synthèse. Le véritable procédé scientifique consiste à recourir
d'abord à l'analyse et ensuite à la synthèse. C'est la méthode qui sera
suivie dans cet ouvrage.
L'étude de l'homme en société doit être la base
constante de l'étude du droit.
L'analyse conduit à étudier l'homme, quant
à la science du droit, sous ces trois points de vue : dans son moral, dans son
corps et dans sa sociabilité.

25. Il est des vérités tenant à la création elle-même, constituant les lois de cette création, que l'homme cherche à découvrir : vérités dans l'ordre matériel, vérités dans l'ordre immatériel ou moral. Le secours de ses sens, l'observation, ses diverses facultés intellectuelles, et surtout la raison, sont les instruments qui servent à l'homme dans cette exploration et dans les découvertes qui en résultent. La connaissance de pareilles vérités ou lois primordiales, et seulement de ces vérités (virtus cognitionis, suivant les expressions de Vico), est ce qu'on appelle une science (ei-dess. no 4).

26. De ces lois ou vérités une fois reconnues, l'homme déduit, soit dans l'ordre physique, soit dans l'ordre moral, un enseigne

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ment, des conseils, des préceptes, des règles à mettre en application pour en obtenir des résultats avantageux ou désirables. Un tel corps de préceptes est ce qu'on nomme un art.

27. Enfin, quand l'homme, dans l'activité de sa vie, arrive, bien ou mal, à mettre le précepte en application, vous avez la pratique.

28. Science, art, pratique, voilà donc trois termes qu'il importe de distinguer soigneusement. La science a pour base la raison: l'art, la mémoire, l'autorité; la pratique, l'activité, la prudence. A les examiner de près, on reconnaît que la science correspond à l'idée de philosophie et l'art à l'idée d'histoire.

29. Dans quelque ordre de connaissances ou d'activité humaine que l'on se place, on rencontre ces trois termes. Ainsi vous avez : les sciences des mathématiques, de la physique, de la chimie, de la médecine; puis, les arts mathématiques, les arts physiques, les arts chimiques, l'art médical; enfin la pratique de chacun de ces

arts.

Le droit ne fait pas exception à cette règle commune, et nous. devons y distinguer avec soin :

1 La science du droit, c'est-à-dire la connaissance des vérités ou lois de première création dans l'ordre moral du juste et de l'injuste. C'est ce que l'on nomme communément droit naturel, droit général, droit rationnel, ou, selon des expressions aujourd'hui plus à la mode, philosophie du droit ;

2° L'art du droit, c'est-à-dire le corps de préceptes émanés de l'autorité, autrement dit l'ensemble des lois positives, que l'on qualifie de droit positif, de législation positive, en prenant ce terme de législation dans l'acception qu'il a communément, non pas de lois à faire, mais de lois déjà faites.

3° La pratique du droit, c'est-à-dire l'application, dans la conduite et dans les affaires de chaque jour, des préceptes de la législation, éclairés par les vérités de la science. C'est ce que nous nommerons jurisprudence, ou sagesse, prudence dans la mise en action du droit, dans la solution, dans le règlement pratique des difficultés que fait naître cette mise en action (1).

30. A examiner cette gradation d'idées, qui ne voit :

Que la pratique ne peut être bonne si elle ne s'appuie sur la connaissance de l'art, expliqué et complété par les enseignements

de la science?

Que l'art, ou le corps de préceptes, ne peut être bon s'il n'est fondé avec exactitude sur les vérités de la science?

(1) On voit que nous ne prenons pas le mot de jurisprudence dans le sens plus étroit qu'on donne vulgairement parmi nous à cette expression, lorsqu'on l'emploie pour désigner uniquement une suite plus ou moins longue de décisions judiciaires rendues dans un même sens, et caractérisant l'opinion adoptée sur certains points par une juridiction.

Enfin, que la science ne donne toute son utilité et ne remplit sa véritable destination qu'autant qu'elle sert à créer, à perfectionner le précepte; à guider, à soutenir et à ennoblir la pratique?

De telle sorte qu'au lieu de dédaigner, de dénigrer l'une ou l'autre de ces parties, nous devons comprendre que leur réunion seule forme un tout complet et puissant, un tout qui réponde à cette destinée de l'homme, accomplir sa tâche et suivre sa route depuis la pensée jusqu'à l'activité.

31. Chaque matière, dans cet ouvrage, sera donc examinée dans cet ordre d'abord suivant la science, source suprême et commune; ensuite suivant la législation positive et la jurisprudence.

32. La nature n'offre guère à l'étude de l'homme recherchant les vérités ou lois de première création que des produits complexes, des composés d'éléments divers. Cela est vrai dans l'ordre moral comme dans l'ordre physique. Or la raison humaine n'est pas assez puissante pour embrasser immédiatement tous les détails d'un composé, et pour découvrir la loi de ce composé à l'inspection seule de son ensemble. Il faut qu'elle en sépare les éléments divers, qu'elle les étudie les uns après les autres, pour arriver ensuite à la connaissance du tout. Cette opération est celle de l'analyse, c'est la méthode des découvertes.

Mais l'esprit humain ne doit pas se contenter de cette décomposition, de cette étude à part des éléments divers; pour achever véritablement son œuvre, il faut qu'après avoir décomposé, il recompose; il faut qu'il reconstruise avec les éléments, une fois qu'ils lui sont connus, le tout que ces éléments doivent former. Cette opération de reconstruction est ce qu'on nomme la synthèse; elle complète la découverte de la loi ; elle sert de contrôle aux résultats de l'analyse et en résume le profit.

Une seule science physique, la chimie, offre pour ainsi dire le spectacle matériel de ces deux opérations successives; mais l'emploi de l'analyse et de la synthèse n'en est pas moins réclamé les autres sciences.

par

33. Quelle est de ces deux méthodes celle qui doit être préférée ? La question, comme on le voit, est bien mal posée, et les controverses exclusives en faveur de l'analyse ou de la synthèse bien mal venues. Le véritable procédé scientifique, la seule méthode complète consiste à employer d'abord l'analyse pour découvrir, ensuite la synthèse pour reconstruire et démontrer. C'est ce que nous avons fait dans notre travail, et ce que nous continuerons à faire jusque dans ce traité élémentaire.

Toutefois, introduire le lecteur dans les détails mêmes de l'analyse, le faire assister pour ainsi dire à la découverte de la vérité ou loi primordiale, c'est une marche souvent trop lente, surtout pour un abrégé tel que celui-ci. Il nous arrivera donc, plus souvent que nous ne voudrions, de glisser sur les opérations analytiques que nous aurons faites, et de présenter directement,

par la synthèse et sur le crédit de notre parole, le tableau coordonné des résultats auxquels nous serons parvenu.

34. Ici une application immédiate du procédé analytique se présente à nous :

et

Le droit, puisqu'il n'est autre chose qu'une conception particulière déduite d'un rapport d'homme à homme, a pour sujet l'homme en rapport avec ses semblables, c'est-à-dire en société, et n'en a pas d'autre. Il suit de là, en premier lieu, que le droit est une science éminemment sociale : pas de droit sans société, réciproquement, pas de société sans droit; et, en second lieu, que le pivot constant, la base fondamentale des études de droit, doit être l'étude de l'homme en rapport avec ses semblables. C'est le cas de dire au jurisconsulte, avec Charron : « Dieu se connaît, le monde se regarde; toi, homme, reconnais-toi, examine-toi, épietoi, connais-toi!"

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Mais l'analyse nous montre indubitablement dans l'homme deux éléments: l'un physique, matériel, le corps; l'autre métaphysique, immatériel, le moral. Elle nous fait, en outre, découvrir en lui une qualité essentielle, inhérente forcément à sa création : la sociabilité. D'où, pour arriver à la construction exacte de la science du droit, la nécessité d'étudier l'homme sous ces trois points de vue dans son corps, dans son moral et dans sa sociabilité.

Tout ceci est vrai pour le droit pénal en particulier comme pour toute espèce de droit en général; et cette étude de l'homme sous une triple face, que nous ne perdrons jamais de vue, sera un des caractères particuliers de notre enseignement.

CHAPITRE III.

SCIENCES AUXILIAIRES POUR LE DROIT PÉNAL.

Toutes les sciences sont unies entre elles. Quelques-unes sont plus spécialement auxiliaires pour le droit en général, et pour le droit pénal en particulier. Ce sont, 1o les sciences morales: la philosophie, la morale théorique, la morale d'observation pratique; 20 les sciences physiques sur l'homme la physiologie, la phrénologie, la médecine légale; 3° les sciences sociales: l'économie politique, la statistique; et 4o enfin les notions historiques histoire des peuples, histoire de la science du droit, étude des langues et philologie.

:

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35. Il n'existe pas de science à l'état d'isolement; la découverte d'une vérité ou d'une loi de la création conduit à celle d'une autre ; les sciences forment une. grande chaine, et le droit, d'anneau en anneau, tient à chacune d'elles. Le moyen âge avait dans l'organisation des universités (mot qui ne signifiait cependant autre chose que corporation) un symbole matériel de cette fraternité des

sciences. Si le rapprochement matériel paraît aujourd'hui affaibli chez nous, qu'il n'en soit pas de même du lien intellectuel!

36. Mais entre toutes les sciences, et à part cette relation universelle, il en est qui sont plus directement utiles à l'étude du droit en général et à celle du droit pénal en particulier.

Si l'on se rappelle que la base fondamentale de l'étude du droit est l'étude de l'homme en société, et que l'homme doit être étudié sous trois points de vue, le moral, le corps et la sociabilité, on aura un lien naturel et logique qui groupera et enchainera, comme sciences éminemment auxiliaires pour le droit, celles qui suivent: 1° les sciences morales; 2° les sciences physiques sur l'homme; 3o les sciences sociales.

37. Les sciences morales nous offriront d'abord la philosophie: panthéistique à son origine, enfermant dans son sein toutes les sciences et les ayant toutes engendrées, concentrée aujourd'hui sur ces deux grands problèmes, qui composent son domaine exclusif: l'étude de l'intelligence divine et celle de l'intelligence humaine; avec ses deux principes, en lutte sans cesse sous tant de formes diverses l'esprit et la matière ou l'àme et le corps. Pour être dans le vrai, il faut les accepter tous les deux.

38. Puis la morale théorique, qui n'est autre chose que la conclusion de la philosophie : le précepte déduit de la vérité; la science des devoirs de l'homme; avec ses deux principes, toujours en lutte aussi sous des formes diverses : le juste et l'utile; et leur opposé, l'injuste et le nuisible. Pour être dans le vrai, il faut pareillement les accepter tous les deux.

39. Enfin, la morale d'observation, d'expérimentation pratiques, enseignant, non pas ce qui se doit faire, mais ce qui se fait; histoire du moral humain, qui met à nu le cœur de l'homme et nous le montre sur cette pente fatale: le penchant, le vice, le crime; étude qu'il est nécessaire de faire pour la science du droit, sur toute l'humanité; pour la législation, sur le peuple à qui cette législation est destinée: pour la jurisprudence, sur les personnes en cause dans chaque affaire.

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40. Quant aux sciences physiques sur l'homme, elles nous offriront comme directement auxiliaires pour le droit en général et pour le droit pénal en particulier :

En première ligne, la physiologie, mieux nommée biologie, ou la science du phénomène de la vie, qui donne au droit des enseignements nécessaires sur les phases diverses par lesquelles passe l'homme dans le cours de sa vie, sur les lois suivant lesquelles il naît, se nourrit, se développe, se reproduit, se dégrade et meurt; sur les relations de ces vicissitudes physiques avec les vicissitudes morales; et enfin qui intéresse plus particulièrement le droit pénal par celles de ses parties qui traitent des phénomènes intellectuels, des instincts et des passions, servant ainsi de transition des sciences morales aux sciences physiques sur l'homme.

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