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AGE. 115 phile) (1); par infanti proximus, celui qui n'a pas encore sept ans révolus; par pubertati proximus, celui qui a dépassé cet âge; et par pubes, celui qui compte quatorze ans accomplis; ou, du moins, il faut se tenir dans des limites environnantes pour le sens de ces expressions quand elles se rencontrent chez des jurisconsultes qui n'avaient pas voulu admettre le système d'une moyenne par chiffres déterminés, mais qui avaient continué à vouloir juger pour chaque individu le moment où le phénomène physique s'était produit. On sait, du reste, comment tous s'étaient accordés à fixer pour les femmes l'époque de la nubilité à douze ans, et comment le Préteur, dans son édit, avait introduit une autre distinction entre les mineurs ou les majeurs de vingt-cinq ans, chiffre qui ne cadrait plus avec la théorie des périodes septennales.

277. Les conséquences de ces diversités d'âge, telles qu'elles nous apparaissent dans les fragments des jurisconsultes romains parvenus jusqu'à nous, ne se réfèrent en majeure partie qu'aux affaires civiles; plusieurs de ces fragments sont relatifs à ces actions que le droit romain qualifiait de pénales, mais qui n'avaient en réalité qu'un caractère privé (2); quelques-uns, en très-petit nombre, ont trait véritablement à la pénalité publique par voie d'accusation, sans nous offrir pour ces matières de règle générale précise (3). C'est avec ces textes incomplets ou détournés de leur propre application que l'ancienne jurisprudence européenne avait cherché à construire sa doctrine, en y joignant cette autre circonstance, et c'est ici que, par une méprise volontaire ou involontaire, tout en croyant appliquer ces textes, elle s'en était véritablement écartée, en y joignant cette circonstance que, par suite d'une interprétation alors communément reçue et fondée sur une constitution particulière du temps de Théodose, l'âge de l'enfance était considéré par cette ancienne jurisprudence européenne comme se continuant, en droit romain, jusqu'à sept ans accomplis, ce qui reculait d'autant l'âge où l'homme est infanti ou pubertati proxi

(4) THEOPHILE, Paraphrase des Instituts, liv. 3, tit. 19, De inutil. stipul., § 10. (2) Ce sont les textes dont les anciens criminalistes ont le plus usé dans la jurisprudence européenne.

(3) Voici les textes les plus généraux : « Impunitas delicti propter ætatem non datur, si modo in ea quis sit, in quam crimen, quod intenditur, cadere potest. (COD., 9, 47, De pœnis, 7, const. Alex. Sever.) Fere in omnibus pœnalibus judiciis et ætati et imprudentiæ succurritur. (DIG., 50, 17, De regul. jur., 108, Fr. Paul.) — Voir aussi DIG., 48, 19, De pœnis, 16, § 3, Fr. Claud. Saturnin. Pomponius ait, neque impuberem, neque furiosum capitalem fraudem videri admisisse. » (DIG., 21, 1, De ædilit. edicto, 23, § 2, Fr. Ulp.) D'où la controverse, dans l'ancienne jurisprudence criminelle, de savoir si un impubère pouvait être condamné à mort; l'affirmative s'appuyant, quoique mal à propos, sur un autre texte, relatif au cas tout particulier du sénatus-consulte Silanien: DIG., 29, 5, De S-C. Silaniano, 14, Fr. Mæcian. Un impubère pouvait cependant être déporté : INSTITUTS, liv. 1., tit 22, § 1, et liv. 26, tit. 1, § 14. Pour le mineur de vingt-cinq ans, voir DIG., 4, 4, De minoribus, 37, Fr. Tryphonin.

mus, et changeait toutes les applications des textes romains relatifs à cette époque.

278. C'était ainsi que chez nous, pour ne nous occuper que de la France et pour laisser de côté les variétés d'application spéciales aux autres pays, la jurisprudence pratique, quoique non uniforme, s'accordait le plus généralement à considérer comme ne devant être punis d'aucune peine les enfants, c'est-à-dire les personnes âgées de moins de sept ans révolus, et celles plus près de l'enfance que de la puberté, c'est-à-dire au-dessous de dix ans pour les femmes et de dix ans et demi ou onze ans pour les hommes. Passé cet âge, les personnes devenaient punissables, mais les impubères moins que les pubères, la puberté étant celle du droit romain, douze ans pour les femmes, quatorze ans pour les hommes; et les pubères mineurs moins que les majeurs, c'est-à-dire moins que ceux qui avaient atteint vingt-cinq ans révolus. A cette majorité seulement devenait applicable toute la rigueur de la peine ordinaire; car, dit Muyart de Vouglans, « comme la raison a ses degrés, la loi veut aussi que la punition soit réglée suivant les différents degrés de l'âge. » Le principe que les peines étaient arbitraires s'accommodait parfaitement à cette gradation progressive laissée à l'estimation du juge; d'ailleurs la jurisprudence n'avait rien d'impérieux, et le brocard si répandu : « Malitia supplet ætatem,» permettait à ce juge de décider autrement dans les cas qui lui paraissaient exceptionnels (1). Enfin ces règles, comme tant d'autres du droit pénal, cessaient du moment qu'il était question de crimes qualifiés d'atroces, tels que ceux de lèse-majesté divine ou humaine, d'assassinat, d'empoisonnement (2).

279. L'Assemblée constituante, dans son Code pénal de 1791, se sépara de tous ces précédents. Elle introduisit le système encore en vigueur chez nous aujourd'hui : une limite unique, celle de seize ans accomplis (3), d'où seulement deux périodes : l'une au

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(1) Pour sa pupillarité ne doit demeurer qu'il ne porte la peine capitalle, pour la raison de ce que malice y aura suppléé à l'aage.» (BOUTEILLER, Somme rural, liv. 2, tit. 40, p. 870.)

p. 26.

(2) MUYART DE VOUGLANS: Les lois criminelles, liv. 1, tit. 5, ch. 1, § 1, Institut au droit criminel, part. 3, ch. 4, § 1, p. 74. JOUSSE, Traité de la justice criminelle, part. 3, liv. 2, tit. 25, art. 4, § 4, t. 2. p. 615, (3) A quelle influence historique pourrait-on rattacher le choix de ce chiffre, seize ans accomplis? Il y a dans nos anciens usages tant de variété dans les conditions d'âge, relativement aux diverses matières de droit public ou de droit privé, que le vestige historique, si vestige il y a, est difficile à saisir, Nous lisons dans la Somme rural de BOUTEILLER: Si sçachez que du fait d'advocacerie par le droict escrit sont privez mineurs de seize ans, pour la raison que trop grande jeunesse et petite constance est encores en eux. (Liv. 2, tit. 2, p. 673.) Le droit écrit, c'est-à-dire le droit romain, auquel fait allusion Bouteiller, porte dix-sept ans (DIG. 3, 1, De postulando, 1, § 3, Fr. Ulp.), que Bouteiller traduit par seize ans accomplis. —Suivant la déclaration du 17 novembre 1690, générale pour toutes les universités, ce n'était plus pour la profession d'avocat, mais pour la première inscription en droit, que l'âge de seize ans

dessous, l'autre au-dessus de cet âge. Ce système ne satisfait pas, selon nous, complétement aux données de la science, parce qu'il laisse à l'appréciation discrétionnelle et variable du magistrat l'âge où des poursuites peuvent avoir lieu contre un enfant, et parce qu'il fait commencer bien avant la majorité civile l'application de la pénalité ordinaire. Mais il a pour avantage son extrême simplicité, et le mérite, en n'établissant qu'une seule limite, d'y rattacher du moins la période la plus utile, la plus nécessaire à organiser dans la législation pénale : je veux dire la période du doute, celle où le juge, sous une question de discernement exigée à peine de nullité, doit décider de la culpabilité ou de la non-culpabilité pénale.

280. Il est curieux et intéressant de rechercher comment dans les codes modernes de pénalité, sous l'influence soit de l'ancienne jurisprudence européenne, soit de notre Code pénal, soit de la science actuelle, ont été réglementées ces diverses questions d'âge. Les quatre périodes signalées par notre analyse ne se rencontrent pas dans chacun de ces codes: ici c'est l'une, et là c'est l'autre qui manque ; quelquefois l'une d'elles se subdivise en plusieurs autres, qui en augmentent le nombre. Quant à la fixation de l'âge auquel chacune de ces périodes commence ou finit dans ces diverses législations, on sera frappé du peu d'ensemble, en quelque sorte du décousu qui s'offre en cette fixation. Les souvenirs du droit romain, bien ou mal interprété, y ont laissé quelques traces dans les chiffres de sept et de quatorze ans qui se rencontrent en quelques codes. Mais, en somme, la fixation semble faite au hasard, selon l'opinion individuelle et occasionnelle de chaque rédacteur dans chaque pays. En ce qui concerne l'influence que l'on pourrait attendre en cette fixation de la diversité des climats et du développement plus ou moins précoce de l'homme chez les races méridionales comparées aux races du Nord, non-seulement elle est nulle, mais les législations positives se trouvent souvent en contradiction avec elle. On peut affirmer que cette idée n'a eu aucune part dans le choix des limites auxquelles chaque législateur s'est arrêté. C'est ainsi que l'imputabilité, par exemple, commence à sept ans en Angleterre, tandis qu'elle ne commence qu'à dix en Grèce, dans les Etats romains, en Autriche, en Wurtemberg, et qu'à douze en Saxe et en Hanovre. C'est ainsi que l'âge de la culpabilité entière et de l'application de la pénalité ordinaire a sa limite la plus précoce (quatorze ans) en Angleterre et en Grèce, et sa limite la plus reculée (vingt et un ans) dans les États de Sardaigne.

281. Si nous cherchons quelle serait la solution la plus propre à former règle européenne, nous croyons que le mieux serait incontestablement d'en venir aux périodes physiologiques du déve

accomplis était exigé disposition consacrée encore par la loi du 22 ventôse an XII sur l'organisation des écoles de droit, art. 1.

loppement septennal, et de procéder ainsi par révolutions de sept ans en sept ans : -1° Depuis la naissance jusqu'à sept ans accomplis, non-imputabilité; -2° de sept ans accomplis jusqu'à quatorze, imputabilité douteuse, question à résoudre; en cas d'affirmative, culpabilité moindre; - 3" de quatorze ans accomplis jusqu'à vingt et un ans, imputabilité certaine, culpabilité plus élevée que dans le cas précédent, mais non encore au niveau commun; -4° à vingt et un ans accomplis, culpabilité au niveau commun, application des peines ordinaires.

Ce système aurait l'avantage de procéder par périodes régulières d'un même chiffre, ce qui équivaut presque, pour la simplicité, à n'en avoir qu'une seule; d'être d'accord avec les données de la science physiologiqué dans ses traditions les plus antiques, confirmées par quelques auteurs modernes; enfin, de former terme moyen au milieu de la variété des chiffres reçus dans les codes divers, et de comprendre même ceux de ces chiffres qui sont le plus communément répandus.

282. Bien entendu, du reste, que dans tout système ét å toute époque quelconque, même au delà de la majorité pénale et de la majorité civile, bien que l'âge soit qualifié d'âge d'imputabilité certaine, il reste toujours au juge de la culpabilité le droit d'acquitter l'agent du fait, s'il est prouvé qu'il n'ait pas eu dans son action le degré de raison ou de liberté suffisant pour constituer la culpabilité pénale. Les délimitations d'âge ne sont posées par le législateur que comme une règle générale, une moyenne commune, dans l'hypothèse du développement normal des facultés humaines; ce qui n'exclut pas la possibilité des exceptions individuelles, dont nous aurons à nous occuper dans les chapitres suivan's, et qui sont toujours laissées en fait à l'appréciation du juge. 283. Il nous reste à en venir maintenant à l'application pratique de notre droit actuel.

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Le Code pénal de 1791, sur ce point, était ainsi conçu : « Lors» qu'un accusé, déclaré coupable par le jury, aura commis le crime » pour lequel il est poursuivi avant l'âge de seize ans accomplis, » les jurés décideront, dans les formes de leur délibération, la question suivante : Le coupable a-t-il commis le crime avec ou »sans discernement? » (Part. 1, tit. v, art. 1.) Puis, dans les articles suivants, 2, 3 et 4 du même titre, se trouvaient réglées les conséquences de la réponse. C'est ce système qui a passé dans le Code pénal de 1810, art. 66, 67 et 68.

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Seulement, comme le code de la Constituante n'avait trait qu'au cas de crime et à la procédure par voie de jurés (ci-dess., no 144), et comme, à l'égard des délits de police municipale ou de police correctionnelle, les juges, dans le silence de la loi spéciale (du 19 juillet 1791), étaient restés sans règle législative, un article particulier, l'article 69, fut ajouté, dans le Code pénal de 1810, pour le cas de délit

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Ces articles, sauf une question de juridiction dont nous aurons à parler plus tard, n'ont subi, lors de la révision de 1832, aucune modification qui touchât au système en lui-même. Il fut bien proposé, à cette époque, par un amendement devant la chambre des députés, de reculer jusqu'à dix-huit ans l'âge fixé par le Code; mais cet amendement fut rejeté.

Ainsi, le système de notre loi est toujours celui-ci : Pas de limite quant à l'âge auquel les enfants peuvent commencer à être poursuivis, ce point étant abandonné entièrement à l'appréciation des magistrats. Dès l'âge de seize ans, application de la pénalité ordinaire.

284. Les seize ans doivent être accomplis: le Code pénal de 1791 le disait textuellement (ci-dess., n° 283); et accomplis au moment de l'action, car il s'agit d'un élément essentiel de la culpabilité : or c'est au moment de l'action que la culpabilité existe ou n'existe pas, quelle que soit plus tard l'époque du procès.

285. Cela posé, le problème relatif à l'âge se complique de ces deux questions : -1° L'agent avait-il ou non seize ans accomplis au temps de l'action? Première question, purement de fait, qui ne se présente à résoudre judiciairement qu'en cas de doute sur l'âge, l'affirmative ou la négative étant la plupart du temps de toute évidence. - 2° S'il avait moins de seize ans, a-t-il agi ou non avec discernement? Seconde question, conséquence forcée de la minorité de seize ans une fois établie. (I. cr., art. 340.)

286. Ces deux questions tenant aux éléments mêmes constitutifs de la culpabilité, c'est au juge de la culpabilité qu'il appartient de les résoudre; et elles doivent, au besoin, être suppléées d'office, la justice elle-même y étant engagée.

287. Dans l'une et dans l'autre, la présomption est en faveur de l'inculpé, et l'obligation de la preuve à la charge du ministère public. Une présomption, en effet, n'est qu'une induction tirée à l'avance de ce qui arrive communément en règle générale. Or, c'est une règle générale que tous les hommes passent par l'âge de minorité avant de parvenir à un âge plus avancé, et que leurs facultés soient impuissantes à discerner le bien et le mal moral avant d'arriver à ce discernement. Si donc le ministère public prétend que l'inculpé avait plus de seize ans révolus, ou qu'ayant moins de seize ans il était déjà doué de discernement, toutes conditions essentielles dans la question de culpabilité, c'est à lui à prouver que ces conditions existent.

288. Quant à l'âge, le moyen de preuve régulier et concluant, c'est la production de l'acte de naissance; mais si cette production ne peut être faite, force sera bien alors de vider cette question d'âge en l'appréciant d'après tous les autres indices ou moyens possibles de conviction.

289. Quant au discernement, on ne doit pas perdre de vue que ce qu'il faut trouver chez l'agent pour être autorisé à le déclarer

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