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sensiblement sous l'action d'une brise de nord-ouest qui souffle du côté de la terre; son arrière est tourné vers la Quarantaine, ses sabords du premier pont sont fermés, et rien, dans ses manœuvres, ne décèle une intention hostile.

Le lieutenant Alexander, une fois débarqué, demande à voir le consul anglais; sans pouvoir obtenir de réponse, il est invité à prendre le large; il s'éloigne, et à peine est-il à un mille du rivage, que sept coups de canon à boulet sont tirés, tant contre l'embarcation que contre la frégate.

A la nouvelle de cet attentat, les amiraux Hamelin et Dundas, indignés, se promettent d'en obtenir réparation. Justement le Banshee, vapeur anglais, apporte le 10 avril l'ordre de commencer les hostilités; la joie est universelle à bord, les matelots illuminent les bâtiments, et escomptent, en joyeuses chansons, les périls de la future campagne. Enfin, le 17 avril, les flottes alliées quittent l'ancrage de Baltchitck et de Kavarna, et s'arrêtent le 20 dans la rade extérieure d'Odessa, le tirant d'eau des vaisseaux ne leur permettant pas d'approcher du mouillage habituel de cette ville. A peine arrivé, on remet à lord Dundas une lettre du gouverneur d'Odessa, le lieutenant général Osten-Sacken, par laquelle celui-ci proteste contre la violation du droit des gens qui lui est imputée, et rejette sur les manœuvres du Furious, qui se serait trop approché de terre, la responsabilité de l'agression dont il a été l'objet.

Une enquête est immédiatement commencée; sir William Lorinc et son équipage démentent le rapport d'Osten-Sacken, et leur assertion est corroborée par le témoignage des capitaines de bâtiments marchands mouillés en rade d'Odessa. Alors les deux amiraux, à titre de réparation, somment le gouverneur d'avoir à leur remettre tous les bâtiments anglais, français et russes, actuellement ancrés près de la forteresse ou des batteries d'Odessa, le prévenant que si, au coucher du soleil, il n'a pas répondu dans un sens affirmatif, ils vengeront, par la force, l'insulte faite au pavillon de l'une des escadres.

Osten-Sacken garde le silence, et, dans la soirée du 21 au 22, l'attaque est résolue et fixée au lendemain.

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Voici l'état de défense d'Odessa à cette époque: la forteresse et sept batteries établies au commencement de 1854, savoir:

1° Une de dix pièces de canon, sur le môle du port de Quarantaine, protégeant l'entrée du grand port;

2o Une de six pièces, défendant le port de Quarantaine ;

3o Une voisine de celle-là, et placée de manière à croiser son feu avec elle;

4o Une sur le quai du port de pratique;

5° Une de l'autre côté du golfe, au village de Dofinoftra;

6o Deux au sud de la ville.

A six heures et demie du matin, les deux frégates françaises le Vauban, capitaine d'Herbinghen, le Descartes, capitaine Darricau, réunies aux deux frégates anglaises le Tiger, capitaine Giffard, et le Sampson, capitaine Jones, arrivent à neuf ou dix encâblures de distance devant la batterie du fort impérial, qui les salue d'un premier coup de canon. Les frégates ripostent, et comme le calibre de leurs bouches à feu est plus fort que celui des pièces ennemies, leurs coups portent mieux et plus sûrement. Le vaisseau anglais le Sans-Pareil et la corvette à vapeur le Highflyer, mouillés à la limite extrême de la portée des batteries, se tiennent prêts à servir d'appui aux frégates engagées. Aux premières décharges, la frégate à vapeur française le Mogador, capitaine de Wailly, la frégate à vapeur anglaise la Terrible, capitaine Cleverty, et nos vieilles connaissances le Furious, capitaine Lorinc, et la Rétribution, capitaine Drummont, se rapprochent en hâte du lieu de l'action pour y prendre part.

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Le feu dure depuis une heure et demie, lorsque trois boulets rouges brisent les rayons des roues à aubes du Vauban, et mettent le feu dans sa muraille à vent; les pompes jouent vainement, un des projectiles a pénétré entre maille, et l'incendie couve intérieu-) rement; alors le chef d'état-major de l'escadre, M. le capitaine de vaisseau comte Bouët-Willaumez, monte à bord du Vauban, et enjoint au capitaine de la frégate de se retirer momentanément au milieu des escadres, afin d'y recevoir les secours nécessaires.

Ce vide est bientôt comblé par l'entrée en lice du Mogador, de

la Terrible, du Furious et de la Rétribution. Les obus des sept frégates tombent drus comme grêle sur la batterie du môle, et détruisent la moitié de ses pièces, ce qui permet à nos bâtiments de se rapprocher et de bombarder les magasins et les navires du port impérial. Tandis que les russes renforcent l'artillerie démantelée du môle, au moyen de batteries établies sur les hauteurs d'Odessa, six chaloupes anglaises se glissent dans la partie nord-ouest, que l'on a négligé de couvrir, et lancent de là force fusées à la Congrève.

A midi, le Vauban, qui a réparé ses avaries, rallie les autres frégates. A une heure, l'incendie ravage sur tous les points le port impérial. La poudrière de la batterie du môle saute et l'explosion tue ou blesse la presque totalité des sérvants de pièces. La toiture du magasin qui contient tous les objets du matériel à l'usage des paquebots à vapeur de l'État dans la mer Noire s'effondre sur elle-même, et jonche au loin le sol de débris enflammés. La caserne des cosaques et le grand magasin d'approvisionnements sont entièrement consumés, ce qui entraîne la perte d'un assez grand nombre de cavaliers, de chevaux et d'une forte quantité de grains et de fourrages. Le môle lui-même, atteint par de nombreux boulets, est gravement endommagé. Profitant du désordre résultant de l'embrasement général, les frégates s'avancent de deux encâblures et foudroient une douzaine de petits bâtiments russes abrités derrière les chaînes de la darsine. Les canons du port de commerce recommencent alors contre nos vaisseaux un feu bien nourri qu'appuient les mortiers installés sur les hauteurs; mais les frégates n'en accélèrent pas moins leur œuvre de destruction. Un seul instant, trois d'entre elles virent de bord pour répondre à la batterie de campagne installée de l'autre côté du golfe; à quatre heures, les quatre pièces de 16 de cette batterie sont hors de combat, et ce qui reste d'hommes et de chevaux se replie sur l'intérieur. Dans ce derniér engagement, nos obus incendient quelques maisons du village de Dofinoftra.

Dès lors, tous nos coups sont dirigés contre les bâtiments russes encore à flot dans le port impérial, et qui deviennent à leur tour la proie des flammes vers quatre heures et demie. Au matin du bombardement,

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