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battre monnaie en Aquitaine. Il est probable qu'aussitôt après la mort de Pépin quelques villes auront émis des deniers au nom de ses deux fils avant même que le partage des royaumes ait été réalisé.

CHARLEMAGNE.

SANCTE CRUCIS [monasterium]. Sainte-Croix de Poitiers.

KARX. Revers, SCI CRVCI; croix potencée à pied fiché, cantonnée de deux points et de deux groupes de trois points. Poids, 18, 35. (Pl. III, no 33.)

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Le monogramme est composé de façon qu'on y peut lire KAR. FR.RX. La présence d'un K au commencement du nom de Karolus tient au système grammatical suivant lequel le C ne devrait jamais précéder la voyelle A. C'était l'avis des grammairiens Diomède et Scaurus (1); aussi trouve-t-on fréquemment Karthago, Volkanus, Kalendæ, Karissimus, Kanus, Kalumnia, Kaput. Mais Charlemagne, qui était un lettré, et qui étudiait la grammaire avec Pierre de Pise (in discenda grammatica Petrum Pisanum, diaconum, senem, audivit (2). savant professeur de Pavie qui vint en France vers 776; Charlemagne aura entendu discuter ce détail de l'orthographe latine qui a beaucoup occupé les anciens, et il se sera rendu à l'autorité de Quintilien qui s'exprime ainsi : K quidem in nullis verbis utandum puto, nisi, quæ significat, etiam ut sola ponatur (3), et de Priscien qui dit encore: Nulla enim ratio videtur cur A sequente K scribi debeat (4).

Des observattons qui précèdent, il résulte que la présence du k dans le nom de Carolus n'a pas une origine germanique; elle dépend d'un système orthographique qui avait ses partisans dans l'antique Italie; c'est ainsi que sur des deniers de la république romaine on lit: PALIKANVS, KALENVS.

(1) Gramm. lat. auct. ant., ed. Putsch, 1605, col. 417, 2252, 2253. (2) Eginhard, Vita Karoli imp., § 25.

(3) Lib. I, cap. vii.

4) Gramm, lat, auct. ant., col. 543.

MAGONCIACUS. Mayence.

CA: R. F. L'A surmonté d'une petite croix terminée par des points. Revers, MAGOCS; en haut du champ une petite croix. - Poids, 15,46. (Pl. III, no 34.)

Tacite, qui, dans le IV livre de ses Histoires, nomme dix fois Mayence, n'a pas fait usage du nominatif (Magontiaci, Magontiaco, Magontiacum); il en est de même de l'Itinéraire d'Antonin (Maguntiaco). Ammien Marcellin dit Mogontiacus (1) et c'est aussi MOGVNCIACVS que nous voyons sur un tiers de sou mérovingien.

Sur quinze passages dans lesquels Eginhard parle de Mayence un seul contient le nom de la ville au nominatif et les manuscrits présentent les variantes Magontiacum et Magontiacus (2). Les monnaies de Charlemagne offrent aussi plusieurs variantes qui modifient la première syllabe MGCICVS -MAGOCS-MOGOC. Cette manière d'écrire un nom de ville en supprimant les lettres d'utilité secondaire se rattache, on n'en peut douter, à ce système de tachygraphie connu sous le nom de notes tironiennes, et qui avait été remis en honneur sous les Carlovingiens. On conserve au département des manuscrits de la Bibliothèque impériale une charte d'Eginhard écrite presque tout entière en notes tironiennes. Pour bien comprendre la légende des deniers de Charlemagne frappés à Mayence il faut avoir sous les yeux le denier de Louis le Dé bonnaire, portant en quatre lignes l'inscription MO-GON-TIACVS (Rev. num., 1837, pl. XI, no 6); car pendant le règne du fils de Charlemagne le nom de la ville s'était conservé dans sa forme antique. L'apocope de la dernière syllabe a lieu sous Charles le Chauve.

La manière dont le nom royal est disposé rappelle un autre denier de Mayence indiqué à M. Conbrouse par le docteur Grote (Cat. des monn. nat., no 376). Sur celui-là, les lettres K. R-X. F sont disposées en trois lignes; ici nous voyons

(1) Rer. gest., lib. XV, cap. n.

(2) Vita Karoli imperatoris, cap. XXXIII.

les quatre caractères C. A. R. F placés dans l'ordre adopté pour les mentions du signe de la croix.

LIEU INCERTAIN.

CAROLVS en deux lignes. Revers, RX.F. dans le champ. Poids, 1,09. (Pl. III, no 35.)

Quatre autres exemplaires sans petite lettre dans le champ. - Poids, 18,30; 18г,30; 18,29; 1o,20.

Plus six exemplaires dont je n'ai pas examiné le type et dont je ne connais pas le poids.

Je n'ai entre ces onze deniers fait graver que celui qui porte dans le champ une petite lettre accessoire. Dans la Revue numismatique de 1856 (1), j'ai publié deux deniers (Pl. V, nos 10 et 11) sur lesquels on remarque un I et un V. - Le T pourrait indiquer Taurinum qui dans l'Anonyme de Ravenne a perdu son nom d'Augusta; et que déjà l'Itinéraire de Bordeaux à Jésalem nomme Civitas Taurinis, ou bien encore Ticinum dont le nom moderne Papia est inconnu avant Paul Diacre. Nous avons déjà dit que l'interprétation de ces lettres isolées par des noms de villes s'appuyait sur la ressemblance des pièces qui les portent avec le denier sur lequel on lit PARM entre les lettres RX.F (Revue num., 1856, pl. V, n° 12). La découverte du nom d'homme HAD sur le denier de Pépin décrit plus haut (Pl. I, no 2) pourrait faire chercher dans les caractères I, T, V, des initiales de noms de monétaires; mais il me semble que ce serait un fait bien insolite. L'usage qui consiste à représenter une ville par une seule lettre est commun à l'antiquité et au moyen âge; et l'officier monétaire devait constater sa responsabilité d'une façon plus intelligible pour ses compa

triotes eux-mêmes.

ARDIS [monetarius].

CARLVS en deux lignes séparées par une croix. Revers, (1) P. 337 du tome IV des OEuvres de A. de Longpérier.

ARDIS entre les bras d'une croix. Poids, 18,37 (Pl. III,

n° 36.)

Une variété de ce denier, sans croix du côté du nom royal, est gravée dans le livre de Le Blanc. L'auteur du Traité des monnaies de France dit en parlant du mot ARDIS : « Ce lieu m'est inconnu; car Ardres dans le Boulonnois n'est pas si ancien. »>

Le Blanc avait parfaitement raison; il est impossible d'attribuer ces monnaies, non plus que les monnaies gauloises portant le nom d'homme ARDA, à la ville d'Ardres qui doit son origine à un château-fort construit par Herbert de Furne en 1069.

Eckhart attribuait le denier à Arles AR[ela]DIS (1). M. Lelewel lisant de droite à gauche la seconde ligne de la légende y trouvait AR[i]SID, Arisidium, l'Arzat près Rodez (2). M. Levrault a réclamé cette pièce pour Strasbourg; mais il est évident que ces savants, emprisonnés par l'obligation de reconnaître un nom de lieu dans le mot ARDIS, en ont fourni des explications tout à fait arbitraires.

Pour moi, Ardis est encore un nom d'homme comme Theudis, Dabaudis, Amadis, Adradis (3). Ce dernier que j'ai signalé sur une monnaie de Charlemagne (4), existe sous la forme. Adradus, sur de nombreux deniers de l'abbaye de Saint-Edmond découverts à Cuerdale: ADRADVS MONET, ADRADVS ME FECIT (5). Adradus et Adrada figurent parmi les colons

(1) Comment, de reb. Franc. orient., t. II, p. 92, no 30. (2) Num. du moyen âge, t. I, p. 85 et 99.

(3) Je ne compte pas parmi les noms masculins terminés en dis celui de Chrotrudis qui se lit sur une pierre brisée recueillie dans les fouilles pratiquées à Saint-Germain-des-Prés en 1799. M. Alexandre Lenoir, qui lisait ce nom Ehrotrudis ou Sehrotrudis, y cherchait un souvenir de Rotrude, fille de Charlemagne (Descript. des mon. de sculpt., 6o édit., an X, p. 107; 8° édit., 1806, p. 81), M. Edmond Le Blant, qui a lu Erotrudis, pense que ce nom est masculin (Inscript. chrét. de la Gàule, t. I, p. 284-285); mais la planche 23 de son beau recueil nous permet de lire bien clairement Chrotrudis. Cette femme est probablement l'épouse de Gerehardus, dont le nécrologe carlovingien de SaintGermain-des-Prés fait mention, au 3 des nones de décembre.

(4) Notice des monn. de M. Rousseau, p. 101, no 227.

(5) Hawkins, An account of coins and treasure found in Cuerdale, p. 26. Cf. Lindsay, A view of the coinage of the Heptarchy. Cork., 1842, pl. II, et III, nos 50 et 86.

dépendants de Saint-Germain-des-Prés inscrits dans le polyptyque de l'abbé Irminon. M. Lecointre Dupont a remarqué un certain Adradus au nombre des souscripteurs d'une charte de l'abbaye de Noaillé datée de 780 (1). La différence qui existe entre Adradis et Adradus se retrouve entre ARDIS et ARDVS nom d'un des juges provinciaux chargés de terminer le procès qui divisait Gerbert, évêque de Nîmes, et le monastère de Saint-Gilles, personnage cité dans une lettre du pape Jean VIII, écrite en 878. Qu'Ardis soit un nom en usage dans la France méridionale, cela ne peut nous étonner, puisque le type de la pièce sur laquelle nous voyons paraître ce nom est précisément celui de la monnaie de Marseille, d'Avignon, de Redæ, de Narbonne. Disons à ce sujet que le denier d'Avignon sur lequel le nom AVINIO est écrit en entier présente comme le denier à la légende ARDIS une barre au-dessus de la croix. Cette barre n'indique donc pas une abréviation et ne nous autorise pas à chercher dans Ardis un mot plus développé.

Au reste, nous n'eussions pas retrouvé dans un texte le nom Ardus que nous eussions pu néanmoins en établir l'existence par induction.

D'abord, le nom d'homme Arda se lit non seulement sur des monnaies gauloises, mais dans une belle inscription de Feurs (Forum Segusiavorum), et, comme nom de fabricant, sur des poteries de terre rouge; ensuite, nous connaissons les noms carlovingiens Ardo et Ardois; enfin ce nom ressort encore de l'examen des formes secondaires Ardacus, Ardaricus, Ardegarius, Ardicus, Ardiucus, Ardinga, Ardricus, Ardvicus, Arduinus, Ardobanius, Ardobertus.

Quant à la terminaison dis donnée à un nom masculin (le féminin bien connu d'Adradus est Adrada), elle indique peutêtre une origine ostrogothique; du moins, la patrie certaine de Theudis fournirait un argument en faveur de cette supposition.

(1) Essai sur les monnaies du Poitou, 1840, p. 44.

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