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localité, le mot monasterium est toujours sous-entendu. Ainsi, pour n'en citer qu'un exemple, dans le partage du Lothari regnum, entre Charles le Chauve et son frère Louis, quinze abbayes sont indiquées de cette manière Sancti Maximini, Sancti Gangulfi, Sancti Gregorii, Sancti Gaugerici, etc.; les abbayes formaient alors des espèces de villes, comprenant un très grand nombre d'habitations et possédant des terres considérables. Les rois avaient soin de constater qu'ils en étaient les maîtres. Si les abbayes avaient battu monnaie pour leur compte, nous en trouverions la trace dans ces polyptyques qui nous font si bien connaître l'état de leur fortune et les sources de leurs revenus.

Nous avons classé les deniers de Pépin en deux catégories : seize d'entre eux portent les caractères RXF et sur quarantecinq autres on voit RP avec ou sans N. Il est à remarquer que le P est contenu dans l'R, et que, par conséquent, il faut lire sur la première espèce de deniers P. RX. F (Pipinus Rex Francorum); ceci est manifestement prouvé par le denier de Sainte-Croix (pl. I, n° 8) sur lequel on voit un I placé après la boucle du P contenu dans l'R; et par un autre denier attribué à Nantes par M. Bigot, sur lequel est gravé un monogramme composé des lettres PPRXF, avec des I dans la boucle des deux P, dont l'un se confond avec I'R (1). Pépin semble avoir commencé par inscrire timidement son nom sur la monnaie, de façon à ce qu'on pùt y lire seulement Rex Francorum, mais il ne tarda pas à prendre un monogramme plus clair, et Charlemagne n'eût jamais voulu revenir à un type où l'initiale de son nom ne pouvait même pas être cherchée.

On trouvera, après la description de chaque type, le détail des poids de toutes les pièces qui portent ce type; on aura donc là tous les éléments que nous avons pu réunir touchant la valeur des soixante-quatre deniers que nous avons examinés. Ici toutefois, pour la commodité du lecteur, nous résumerons nos pesées en tableaux, afin d'en faire immé

(1) Revue numismatique, 1855, pl. 1, no 1.

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Pour obtenir le poids du sol et de la livre nous multiplierons chacune de ces moyennes par 12 d'abord; puis, le premier sol de Pépin par 25, et les trois autres par 22. Voici ce que nous obtiendrions:

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Il est vrai que nous avons mêlé les types de toutes les provinces. Il pourra devenir intéressant de connaître la moyenne fournie par la pesée d'un certain nombre de deniers fabriqués dans le même lieu. La trouvaille d'Imphy nous donne, à cet égard, une facilité dont nos devanciers ont été privés. Avec tout le zèle possible, comment serait-on parvenu à se procurer dix deniers de Pépin aux mêmes types? Examinons donc les espèces qui portent le nom du monétaire Auttramnus (pl. II, nos 15 à 19). Sur vingt deniers qui existaient dans le trésor d'Imphy, nous avons pu en peser treize, dont le poids total est de 16,21, ce qui donne 18,247 pour le denier moyen.

Les deniers portant dans le champ la grande lettre R (pl. II, no 25) étaient au nombre de onze; neuf d'entre eux, pesés par nous, ont produit 115,20. Ce qui fait pour le denier moyen 1gr,245.

Nous sommes bien loin, comme on voit, du temps où le savant Guérard en était réduit à étudier le poids de « l'unique denier de Pépin conservé à la Bibliothèque du roi (2). »

Les deniers de la trouvaille d'Imphy portent dans le champ

(1) La livre de Charlemagne, suivant Paucton et M. Saigey, était de 3679,128 (ou 5,760 grains).

(2) Revue numismatique, 1837. p. 413.

un certain nombre de points; il eût été sans doute utile d'en observer l'ordre et de chercher s'ils n'ont pas quelque rapport avec les poids résultant de diverses émissions. Malheureusement nous y avons pensé trop tard, lorsque déjà le trésor n'était plus entre nos mains.

Les notices qui vont suivre, rédigées dans un temps relativement fort court, laissent encore beaucoup de détails à traiter. Nous eussions voulu les donner moins incomplètes; mais il nous a semblé que nous devions répondre le plus tôt possible à la légitime curiosité manifestée par d'éminents numismatistes.

PÉPIN.

DOM.PIPI en deux lignes. Revers, ELIMOSINA en trois lignes. Poids 1oo,30. (Pl. I, no 1.)

Nous avons placé en tête de la planche I deux deniers uniques qui, dans l'ordre chronologique, ne doivent pas occuper ce rang, mais qui attirent vivement l'attention par la singularité de leur type, tout nouveau dans la numismatique carlovingienne.

On admettra sans doute que la légende du premier denier doit se lire Domni Pipin eleimosyna (1). Ce mot eleimosyna avait alors deux sens; d'abord la valeur primitive de compassion, pitié, générosité. Ainsi, lorsque Pépin, dans un capitulaire de 753 dit : « Et si aliqua monasteria sunt quæ earum ordinem propter paupertatem adimplere non possunt, hoc ille episcopus de veritate prævideat, et hoc Domno Regi innotescat, ut in sua eleemosyna hoc emendare faciat, » ou bien encore: «< Ut comites vel judices ad eorum placita primo viduarum, orphanorum, vel ecclesiarum causas audiant et definiant in eleemosyna Domini Regis; » lorsque Charlemagne (en 798) dit, en parlant de ceux qui cherchent un refuge près

(1) La présence des deux I montre qu'au temps de Pépin on prononçait correctement le mot 'Elenpoon; cette prononciation se retrouve encore dans le Kyrie eleison de notre liturgie.

de lui: «< Ubi sponte manere voluerint, sub defensione Domni Imperatoris ibi habeant suffragia in sua eleemosyna,» ou encore lorsqu'il écrit au roi de Mercie Offa: « Cognoscat quoque Dilectio vestra quod aliquam benignitatem de dalmaticis nostris vel palliis ad singulas sedes episcopales regni vestri vel Ethelfredi direximus in eleemosynam Domni apostolici Hadriani, deprecantes ut pro eo intercedi jubeatis, nullam habentes dubitationem beatam illius animam in requie esse, sed ut fidem et dilectionem ostendamus in amicum nostrum carissimum, il est bien évident que dans ces divers passages eleemosyna n'exprime qu'un sentiment de bienveillance.

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Mais lorsqu'en 764 Pépin prescrit à Lullus, évêque de Mayence, d'adresser à Dieu des actions de grâces à l'occasion. d'une récolte abondante, et qu'il ajoute : « Et faciat unusquisque homo sua eleemosyna et pauperes pascat; » lorsque Charlemagne dit, en 793 : « Si cujuscumque res in eleemosyna datæ sunt, » ou (en 810): « Ut sacerdotes admoneant populum ut eleemosynam dent; » ou lorsque nous trouvons, dans le même capitulaire : « De eleemosyna mittenda ad Hierusalem propter ecclesias Dei restaurandas,» il est bien clair qu'il s'agit de dons manuels, de largesses, ou, suivant la définition fournie par Eginhard, « gratuita liberalitas quam Græci eleemosynam vocant (1).

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Le testament de Charlemagne nous offre encore cette acception: « Eleemosinarum largitio quæ sollemniter apud christianos de possessionibus eorum agitur. » Dans tout ce testament le mot eleemosyna prend le sens de legs. Nous voyons aussi dans le continuateur de Frédégaire que, très peu de temps avant sa mort, Pépin «< ad monasterium Beati Martini confessoris accessit, ibique multam eleemosynam tam ecclesiis quam Monasteriis vel pauperibus largitus est. »>

Dans les lois d'Édouard le Confesseur il est dit, à propos du denier de saint Pierre : Quoniam denarius hic Regis eleemosyna est. » Si bien que Eleemosyna Sancti Petri était devenu synonyme de denarius Sancti Petri.

(1) Vita Karoli imperatoris, cap. XXVII.

Maintenant, admettrons-nous que lorsque Pépin écrivait, en 764, à l'évêque Lullus cette lettre si pleine de componction qui se termine ainsi : « Ut unusquisque homo, aut vellet aut nollet, suam decimam donet,» il ait voulu prêcher d'exemple et payer sa part de la dîme prescrite

L'histoire nous apprend qu'en de tels accidents
On fait de pareils dévouements.

Dans ce cas la légende du denier serait destinée à constater l'acquittement de la dette royale. Ou bien préférera-t-on voir dans ce monument, si neuf et si intéressant, une parcelle de ce legs considérable que Pépin fit aux églises et aux monastères « pro animæ suæ remedio? Ses exécuteurs testamentaires auraient voulu indiquer, d'une manière aussi simple que précise, que les dernières volontés du prince avaient été respectées. Le bon titre de la monnaie et son poids élevé, le nombre des pièces en circulation pouvaient attester la loyauté et la régularité de leurs actes.

LIEU INCERTAIN. Auxerre?

N° 1. RX. F. Revers, rosace à quatre pétales accompagnée de quatre groupes de trois points. - Poids, 15,29. (Pl. I, no 3.) Un autre exemplaire dont je ne connais pas le poids.

N° 2. R. X. F posés en triangle. Revers, rosace à quatre pétales. Poids, 45o,24. (Pl. I, no 4.)

Il paraît tout d'abord très difficile de déterminer le lieu d'émission de ces deniers. Ce qu'on en peut dire avec certitude, c'est que le type du revers se trouve identiquement gravé sur des deniers d'argent mérovingiens qui nous paraissent appartenir au commencement du vi° siècle. Un de ces deniers a été gravé, comme pièce étrangère à la France, dans l'Atlas des monn, nationales de M. Conbrouse (pl. 213, no 21). Au droit, il porte une tête tournée à gauche accompagnée d'un A et d'une croix. Une pièce semblable faisait partie de la trouvaille de monnaies mérovingiennes d'argent recueillie il y a

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