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NOTES.

LIVRE PREMIER.

(1) Voici la teneur de l'acte de baptême de Molière, inscrit sur les registres de la paroisse Saint-Eustache, et découvert par M. Beffara en 1821, époque jusqu'à laquelle tous ses biographes, à l'exception de Bret 1, l'ont fait naître en 1620 ou en 1621 :

Du samedi, 15 janvier 1622a, fut baptisé Jean, fils de Jean Pouguelin, tapissier, et de Marie Cresé, sa femme, demeurant rue Saint-Honoré; le parrain, Jean Pouguelin, porteur de grains; la marraine, Denise Lescacheux, veuve de feu Sébastien Asselin, vivant marchand tapissier.

Le parrain, Jean Pouguelin, était aïeul paternel de Molière. Le véritable nom de cette famille était POQUELIN; mais les registres de l'état civil, fort mal tenus alors, portent tantôt Pouguelin, et tantôt Pocguelin, Poguelin, Poquelin, Pocquelin, et même Poclin, Poclain et Pauquelin.

Il a paru en 1825 une édition des OEuvres de Molière, précédées d'une Notice de M. Picard. Cet académicien pense que M. Beffara ne représentant qu'un acte de baptême, il faut s'en tenir à la version de Grimarest et des autres écrivains qui font naître Molière en 1620. Pour peu qu'on ait été condamné par le besoin de quelque document biographique à compulser les registres des paroisses au dix-septième siècle, on sait que quand un enfant n'était pas baptisé le jour de sa naissance, on en énonçait l'époque (né hier, où né le.....). L'absence de cette date doit donc faire supposer qu'il

1. Bret, dans son Supplément à la Vie de Molière, édit. de 773, p. 77, dit qu'il ne vécut que cinquante-un ans. Il le fait par conséquent naître en 1622. 2. Talma naquit aussi le 15 janvier, 141 ans après Molière (1763).

était né ce même jour, 15 janvier 1622. D'ailleurs, ce qui ne peut laisser de doute sur ce point, c'est que ses père et mère avaient été fiancés et mariés les 25 et 27 avril 1621, c'est-à-dire environ neuf mois auparavant. On objecterait en vain que Molière aurait pu être né avant le mariage. Outre que, d'après les rapprochemens ci-dessus, ce fait est invraisemblable, l'acte de ses père et mère, inscrit aux registres de Saint-Eustache, ne porte aucune reconnaissance d'enfant né antérieurement, formalité qu'ils n'eussent certes pas négligée, qu'on ne néglige jamais en pareille circonstance, pour donner à l'enfant qui se trouve dans ce cas l'état et les droits d'enfant légitime '.

«

(2) Nous disions dans notre première édition :

«Grimarest, Voltaire, et tous les autres biographes de Molière, prétendent, d'après une tradition non interrompue, que la maison où est né notre premier comique est située sous les piliers des Halles (rue de la Tonnellerie, la seconde porte à gauche en entrant par la rue Saint-Honoré, aujourd'hui numérotée 3). Le 28 janvier 1799, M. Alexandre Lenoir, conservateur du Musée des Monumens Français, de concert avec le propriétaire de cette maison, fit placer sur la façade le buste de Molière, et une inscription qui portait : « Jean Poquelin de Molière est né dans cette maison en 1620.» Entre le buste et l'inscription on avait peint la devise: Castigat ridendo mores. Mais l'acte de naissance découvert depuis et transcrit dans la note précédente, et ceux des frères et de la sœur de Molière, indiquent la demeure de leurs père et mère rue Saint-Honoré (dans quelques-uns on ajoute près de la Croix du Tiroir ou du Trahoir). Il est donc bien évident que la tradition est aussi inexacte sur le lieu que sur l'époque de la naissance de Molière. Peut-être a-t-il reçu le jour dans une maison près de la rue de la Tonnellerie, mais toujours est-il constant qu'elle était située rue SaintHONORÉ. On pourrait penser, pour accorder ces actes authentiques

1. C'est d'après un acte de baptême exactement conforme au précédent, que tous les biographes de La Fontaine ont fixé l'époque de sa naissance au 8 juillet 1621 (Voir l'Histoire de la vie et des ouvrages de La Fontaine, par M. Walckenaer, troisième édit., p. 584.). Personne n'a encore songé à récuser cette autorité.

et cette tradition incertaine, que ses parens habitaient la maison qui fait le coin de la rue Saint-Honoré et de celle de la Tonnellerie ; mais rien ne le prouve d'une manière positive. (Dissertation sur Molière, par M. Beffara, p. 8 et suiv.) »

Depuis la fin de 1825, époque à laquelle nous écrivions ce qui précède, M. Guerard, attaché à la Bibliothèque du Roi, section des manuscrits, qui a découvert différentes pièces relatives à Molière et à d'autres auteurs, et qui doit les publier dans quelque temps, a bien voulu en communiquer une à M. Beffara, extraite d'un manuscrit contenant les noms des propriétaires et principaux locataires de beaucoup de maisons de la rue Saint-Honoré, et portant ce qui suit :

«

Année 1637. Maison où pend pour enseigne le Pavillon des Cinges, appartenant à M. Moreau et occupée par le sieur Jean Pocquelin, maitre tapissier, et un autre locataire, consistant en un corps d'hôtel, boutique et cour faisant le coin de la rue des Estuvées (Vieilles-Étuves), taxée à huit livres. »

M. Beffara a pris des informations qui lui ont fait connaître que la maison avait été démolie il y a vingt-cinq ans pour cause de vétusté, qu'il en avait été reconstruit une autre sur la moitié seulement du terrain, le surplus ayant servi à élargir la rue des Vieilles-Étuves, et que l'ancienne et la nouvelle maison appartenaient aux hospices de Paris depuis 1680.

Communication des titres de propriété remontant à l'année 1544 lui a été donnée aux archives des hospices, et dans le nombre il a trouvé la grosse d'un contrat passé devant Levasseur, notaire au Châtelet, le 27 septembre 1638, contenant cession de cette maison moyennant le prix total de 32,000 livres, à la charge par l'acquéreur d'entretenir le bail fait à Jean Pocquelin, marchand tapissier, demeurant en la maison de ladite rue Saint-Honoré.

Une note, mise sur cette grosse, annonce que c'est la maison des Cinges au coin de la rue des Vieilles-Étuves. Elle est occupée en entier aujourd'hui par un boucher.

Ce contrat ne donnant point la date du bail, on ne peut savoir quand il a commencé et fini. Toutefois comme la demeure de Jean

Poquelin est indiquée rue Saint-Honoré par l'acte de baptême de Molière, et même par son propre acte de mariage (avril 1621), il demeure constant que Grimarest et Voltaire ont été induits en erreur, et il est plus que probable que Jean Poquelin demeurait dans cette maison à la naissance de son fils. A l'angle de l'ancienne maison, au coin des deux rues, on voyait un poteau montant jusqu'au toit, et couvert de sculptures qui représentaient un pommier et des singes. A la démolition de cette maison, le poteau fut transporté au Musée des monumens publics. M. Alexandre Lenoir, qui l'a fait dessiner t. 11, p. 24, no 557 de sa description de ce Musée, pense que ces sculptures remontent à l'an 1200 environ, et qu'elles ont fourni à La Motte le sujet de sa fable qui a pour titre le Pouvoir électif. Ce poteau est aujourd'hui égaré par suite des changemens qu'a subis l'administration de ce Musée.

(3) La mère de Molière ne se nommait pas Anne Boutet, comme Voltaire l'a dit, ni Boudet, comme l'a prétendu Grimarest. Son acte de fiançailles et de mariage inscrit aux registres de Saint-Eustache, les 25 et 27 avril 1621, l'acte de naissance de son fils que nous venons de rapporter, l'acte de mariage du même inscrit aux registres de Saint-Germain-l'Auxerrois, le 20 février 1662, et son propre acte de décès ci-après relaté, prouvent d'une manière irrécusable qu'elle se nommait Marie Cressé. Son nom est écrit sur les registres tantôt Cressé, et tantôt Cresé, Cresez et de Cressé. Elle était d'une famille de tapissiers établis à la Halle. La sœur de Molière avait épousé un André Boudet, c'est ce qui aura donné lieu à cette

erreur.

(4) Les parens de Molière investis de ces fonctions, furent, d'après un manuscrit faisant partie de la Bibliothèque Mazarine : En 1647 Robert Poquelin, du corps de la mercerie.

En 1661 Louis Poquelin, mercier.

En 1663 Robert Poquelin, l'aîné, mercier.

En 1668 Guy Poquelin, drapier.

En 1685 Pierre Poquelin, mercier.

Un

Bret dit aussi dans son Supplément à la Vie de Molière : nommé Poquelin, Écossais, fut un de ceux qui composèrent la

garde que Charles VII attacha à sa personne, sous le commandement du général Patilloc. Les descendans de ce Poquelin s'éta blirent les uns à Tournai, les autres à Cambrai, où ils ont joui long-temps des droits de la noblesse : les malheurs des temps leur firent une nécessité du commerce, dans lequel quelques-uns d'entre eux vinrent faire oublier leurs privilèges à Paris. »

(5) Outre les six enfans nés du mariage de Jean Poquelin et de Marie Cressé, père et mère de Molière (p. 6 de la Dissertation sur Molière), il naquit encore deux fils de 1629 à 1632, Jean et Robert. M. Beffara n'a pu jusqu'à ce jour découvrir leurs actes de naissance; mais il a trouvé l'acte de fiançailles et de mariage de Jean sur les registres de Saint-Eustache, à la date des 15 et 16 janvier 1656, dans lequel il est nommé fils de Jean Pauclain et de défunte Marie Cressé. Il fut inhumé au cimetière des Innocens, le 6 avril 1660. Quant à Robert, on le voit figurer comme oncle de la mariée dans un acte de mariage d'une nièce de Molière, fille de son second frère, et comme oncle du marié dans celui du fils du même. Il est évident par conséquent que ce Robert Poquelin, portant le nom de famille de Molière, et oncle comme lui de ces jeunes gens, ne pouvait être qu'un de ses frères. On lit dans la Gazette de France du 12 janvier 1715, p. 24: Robert Poquelin, docteur en théologie de la maison et société de Navarre, et doyen de la Faculté de Paris, mort à quatre-vingtcinq ans. Il était donc né vers 1630.

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Aux noms de ces huit enfans issus du premier mariage de son père, on doit joindre ceux de Catherine et de Marguerite, nées, la première, le 15 mars 1634, la seconde le 1er novembre 1636, de son mariage avec Catherine Fleurette, célébré à Saint-Germainl'Auxerrois le 30 mai 1633.

Ainsi il est constant que Molière comptait au moins neuf frères et sœurs. Nous disons au moins; car il est possible qu'on parvienne de nouveau à en découvrir. Il y eut dans cette famille plusieurs mariages encore plus féconds. Le second frère de notre auteur marié à Anne de Faverolles, en eut seize enfans, et Robert Poquelin, un de ses parens, et Simone Gandouin, sa femme, donnèrent le jour à vingt.

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