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(31) Dans notre première édition nous avions, d'après quelques argumens assez spécieux de la Notice de M. Étienne sur le Tartuffe, penché vers l'opinion que les Observations du sieur de Rochemont pouvaient bien n'être autres que le livre, dont Molière parle dans son premier placet, composé par un curé de Paris, qui se serait caché sous le voile du pseudonyme. En relisant attentivement les Observations, nous avons acquis la certitude qu'elles étaient postérieures au placet de Molière, car, page 25, elles reprochent à Molière d'y avoir dit que le légat avait approuvé son Tartuffe. Ainsi le livre du curé de Paris, qui a précédé la requête de Molière, et celui du sieur de Rochemont, qui l'a suivie, sont donc deux pamphlets bien distincts. Nous avons à regretter la perte du premier. M. Aimé Martin, tome V, page 209 de son édition de Molière, assure l'avoir eu en sa possession; il a échappé à nos recherches et à celles de beaucoup de bibliophiles.

(32) Outre le traitement annuel de sept mille livres accordé à la troupe de Molière, ce prince gratifiait celui-ci de subventions assez fréquentes. On trouve à la Bibliothèque du Roi, section des manuscrits:

1° Du 19 janvier 1667, quittance par Molière au trésorier de l'argenterie du Roi de la somme de 2200 livres, savoir: 1800 livres pour habits et adjustemens de l'augmentation du ballet, et 400 livres pour les adjustemens précédens du même ballet 1.

2o Du 26 juillet 1668, autre quittance par Molière au trésorier de l'argenterie du Roi de la somme de 400 livres pour les adjustemens et les augmentations des habits de la feste de Versailles 2.

3o Du 7 août 1669, autre quittance par Molière au trésoriergénéral des Menus-Plaisirs, de la somme de 144 livres pour lui et

1. D'après la date de cette quittance, il est vraisemblable que ces 2200 livres étaient données à Molière comme dédommagement de la dépense extraordinaire occasionée par la double représentation du Ballet des Ballets dans lequel sa troupe avait joué Mélicerte et la Pastorale comique, au mois de décembre 1666, et la Pastorale comique et le Sicilien au mois de janvier 1667

2. Cette fête de Versailles est celle donnée le 18 juillet par le Roi, et dont la première représentation de George Dandin fit le principal attrait.

onze acteurs de sa troupe à 6 livres chacun par jour, pour r deux jours passés à Saint-Germain, pour y représenter les comédies de l'Avare et du Tartuffe au Château neuf.

4° Du 31 août 1669, autre quittance par Molière au trésoriergénéral des Menus-Plaisirs de 500 livres, pour l'impression de la comédie à ballet de la Princesse d'Élide1

La seconde de ces pièces avait été découverte en 1823; les trois autres l'ont été en 1825. Un plus grand nombre, sans doute, ne nous sera pas parvenu.

Nous avons en outre déjà parlé de la pension de 1000 livres qui fut accordée à Molière le 1er janvier 1663. Nous le voyons encore figurer pour 1000 livres sur une liste de gratifications datée du 4 juin 1666, et pour pareille somme sur une autre liste semblable du 7 décembre de la même année 2.

(33) Cette ordonnance du Roi, daťée du 9 janvier 1673, « fait défense à toutes sortes de personnes de quelque qualité, condition et profession qu'elles soient, de s'attrouper et de s'assembler audevant et aux environs des lieux où les comédies sont récitées et représentées ; d'y porter aucunes armes à feu, de faire effort pour y entrer, d'y tirer l'épée et de commettre aucune violence ou d'exciter aucun tumulte, soit au-dedans ou au-dehors, à peine de la vie, et d'être procédé extraordinairement contre eux, comme perturbateurs de la sûreté et de la tranquillité publique » ( Le Théatre-Français, par Chapuzeau, pag. 253 et suiv.)

(34) L'immense perruque des médecins résista cependant aux traits de Molière, et la génération qui nous a précédés a vu ce ridicule usage dans toute son exigence. Dans son Éloge historique de Corvisart, M. Cuvier, après avoir parlé des brillans débuts de ce savant médecin, ajoute : « Rien ne lui manquait plus, si ce

1. La Princesse d'Élide ayant été imprimée dans la description des Plaisirs de l'Ile enchantée, dont la première édition parut en 1665, Molière, que cette concurrence eût privé d'un grand nombre d'acheteurs, ne fit pas imprimer sa pièce; ces 500 livres lui furent données sans doute à titre de dédommagement.

2. Documens authentiques et détails curieux sur les dépenses de Louis XIV, par M. Peignot, 1827, p. 103 et 121.

n'est d'être lui-même à la tête d'un hôpital où il pût suivre en liberté les vues que son expérience naissante lui suggérait : les premiers maîtres de l'art l'en jugeaient digne; il se croyait luimême au moment d'atteindre cet objet de ses vœux, lorsqu'une cause, la plus légère du monde, le repoussa pour plusieurs années. Les habitudes et l'extérieur des médecins n'étaient guère moins antiques que le régime de la Faculté. Si Molière leur avait fait quitter la robe et le bonnet pointu, ils avaient au moins gardé la perruque à marteau que personne ne portait plus, et c'était dès leur entrée en fonctions qu'ils devaient s'en affubler, On assure que M. Corvisart et M. Hallé ont été les premiers à donner le scandale de ne la point prendre, et que cette légèreté, comme on l'appelait, leur nuisit beaucoup. Ce qui est certain, c'est que, dans l'occasion dont nous parlons, elle fut cause du désappoin tement de M. Corvisart, et cela de la part de la personne dont il aurait dû le moins s'y attendre. Une dame célèbre1, dont le mari a été la cause, au moins occasionelle, des plus grandes innovations qui aient eu lieu en France depuis l'établissement de la monarchie, venait de fonder un hôpital, et M. Corvisart souhai tait ardemment d'en être chargé; mais il se présenta en cheveux naturels, et cette innovation-là, elle n'osa prendre sur elle de la favoriser. Dès le premier mot elle lui déclara que son hôpital n'aurait jamais un médecin sans perruque, et que c'était à lui d'opter entre cette coiffure ou son exclusion. Il aima mieux garder ses cheveux. » (Recueil des Éloges historiques lus dans les séances publiques de l'Institut royal de France, par M. le baron Cuvier, t. III, p. 365.)

(35) Ce second enfant était une fille qui survécut à son père, et dont nous aurons occasion de parler plus tard. Elle fut nommée Esprit Madeleine; elle eut pour parrain le comte Esprit de Modène, et pour marraine Madeleine Béjart sa tante. ( Dissertation sur Moliere, par M. Beffara, page 15.)

(36) La maison qu'occupait Molière à Auteuil était à l'entrée du village, du côté de la rivière. Elle a été détruite, et le terrain

1. Madame Necker.

1

qu'elle occupait fait maintenant partie de la propriété de M. le duc de Praslin. (OEuvres de Molière, édition de M. Auger, tome I, page 132.)

(37) L'abbé Le Vayer, fils de La Mothe-le-Vayer, fut enlevé en septembre 1664, à l'âge de 35 ans environ, à sa famille et à ses amis. « Il avait, dit un commentateur de Boileau, un attachement singulier pour Molière, dont il était le partisan et l'admirateur. » Molière, à l'occasion de sa mort, adressa à son père un sonnet imprimé pour la première fois dans l'édition des OEuvres de Molière donnée par M. Auger, tome IX, page 503. Boileau lui avait dédié sa quatrième satire.

(38) On lit dans les Mémoires de L. Racine sur son père, Lausanne, 1747, page 32, que lors de son premier ouvrage, il fut pris en amitié par Chapelain, « qui lui offrit ses avis et ses services, et, non content de les lui offrir, parla de lui et de son ode si avantageusement à M. de Colbert, que ce ministre lui envoya cent louis, et peu après le fit mettre sur l'état pour une pension de six cents livres en qualité d'homme de lettres.

On ne peut justifier Racine en disant qu'il n'attaquait Chapelain que comme auteur, car outre que de semblables distinctions ne sont pas d'un cœur reconnaissant, personne d'ailleurs n'était plus que lui sensible à la critique; on sait qu'il pardonna difficilement à Chapelle, qu'il sollicitait de se prononcer sur sa Bérénice, de luj avoir répondu en riant: Marion pleure, Marion crie, Marion veut qu'on la marie; et la rime indécente qu'Arlequin mettait à la suite de la reine Bérénice le chagrinait au point de lui faire oublier le concours du public à sa pièce, les larmes et les éloges de la cour. (Mémoires sur Jean Racine, Lausanne, 1747, page 90).

(39) Grimarest rapporte l'anecdote suivante : « En revenant d'Auteuil, à son ordinaire, bien rempli de vin, car il ne voyageait jamais à jeun, il eut querelle au milieu de la petite prairie d'Auteuil avec un valet nommé Godemer qui le servait depuis plus de trente ans. Ce vieux domestique avait l'honneur d'être toujours dans le carrosse de son maître. Il prit fantaisie à Chapelle en descendant d'Auteuil de lui faire perdre cette prérogative, et de

le faire monter derrière son carrosse. Godemer, accoutumé aux caprices que le vin causait à son maître, ne se mit pas beaucoup en peine d'exécuter ses ordres. Celui-ci se met en colère, Fautre se moque de lui. Ils se gourment dans le carrosse : le cocher descend de son siège pour aller les séparer. Godemer en profite pour se jeter hors du carrosse ; mais Chapelle irrité le poursuit et le prend au collet, le valet se défend, et le cocher ne pouvait les séparer. Heureusement Molière et Baron, qui étaient à leurs fenêtres, aperçurent les combattans. Ils crurent que les domestiques de Chapelle l'assommaient, ils accourent au plus vite. Baron, comme le plus ingambe, arriva le premier, et fit cesser les coups. Mais il fallut Molière pour terminer le différend. « Ah! Molière, disait Chapelle, puisque vous voilà, jugez si j'ai tort. Ce coquin de Godemer s'est lancé dans mon carrosse, comme si c'était à un valet de

figurer avec moi, Vous ne savez ce que vous dites, répondit Godemer; monsieur sait que je suis en possession du devant de votre carrosse depuis plus de trente ans, pourquoi voulez-vous me l'ôter aujourd'hui sans raison ? Vous êtes un insolent qui perdez le respect, répliqua Chapelle; si j'ai voulu vous permettre de monter dans mon carrosse, je ne le veux plus; je suis le maître, et vous irez derrière ou à pied. Y a-t-il de la justice à cela ? dit Godemer; me faire aller à pied présentement que je suis vieux et que je vous ai si bien servi pendant si long-temps! Il fallait m'y faire aller pendant que j'étais jeune, j'avais des jambes alors; mais à présent je ne puis plus marcher. En un mot comme en cent, ajouta ce valet, vous m'avez accoutumé au carrosse, je ne puis plus m'en passer, et je serais déshonoré si l'on me voyait aujourd'hui derrière. — Jugez-nous, Molière, je vous en prie, dit M. de Chapelle, j'en passerai par tout ce que vous voudrez. Eh bien! puisque vous vous en rapportez à moi, dit Molière, je vais tâcher de mettre d'accord deux si honnêtes gens. Vous avez tort, dit-il à Godemer, de perdre le respect envers votre maitre, qui peut vous faire aller comme il voudra. Il ne faut pas abuser de sa bonté : ainsi je vous condamne à monter derrière son carrosse jusqu'au bout de la prairie, et là vous lui demanderez fort honnêtement la

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