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fut réimprimée qu'en 168a, et on ne la trouve pas dans la seconde édition du Misanthrope, publiée chez Claude Barbin, un peu plus d'un an après la mort de Molière. Cette circonstance suffirait pour prouver la vérité de l'anecdote racontée par Grimarest... » L'assertion est en partie inexacte, et par conséquent on n'en peut tirer aucun argument en faveur du coute de Grimarest. Nous possédons une édition des OEuvres de M. de Molière, in-12, Paris, 1674, Thierry, Barbin et Trabouillet, dans laquelle on a fait précéder le Misanthrope de la lettre de Devisé.

(49) « On sait que le duc de Saint-Aignan, plaisantant M. de Montausier sur le personnage du Misanthrope, celui-ci lui répondit : « Eh! ne voyez-vous pas, mon cher duc, que le ridicule de poète de qualité vous désigne encore plus clairement? » (OEuvres de Molière, avec les remarques de Bret, tome III, page 417.)

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(50) Nous empruntons à l'annotateur anonyme des Mémoires de Dangeau (Saint-Simon) quelques détails peu connus sur M. de Montausier et sa femme, la célèbre Julie d'Angennes, dont nous avons déjà eu occasion de parler, au sujet des Précieuses ridicules. M. de Montausier était Pressigny de Saint-Maure, et de fort bonne maison; beaucoup de courage, d'esprit et de lettres. Une vertu hérissée et des mœurs antiques firent de lui un homme extraordinaire; toutes choses qui devaient faire obstacle à sa fortune et qui la lui firent. Sa femme était Angennes, fille de M. de Rambouillet.

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« Mais on eut lieu d'être surpris de ce qu'une élève de l'hôtel de Rambouillet, et pour ainsi dire l'hôtel de Rambouillet en personne, et la femme de l'austère Montausier, succédat dans la place de dame d'honneur de la Reine, à mademoiselle de Navailles, si glorieusement chassée pour n'avoir pu tolérer les entrées nocturnes du Roi dans la chambre des filles, et en avoir muré la porte par où il venait; il trouva visage de pierre. Mais, ce qui surprit encore davantage, ce fut la protection que madame de Montespan trouva auprès de madame de Montausier, au commencement de son éclat avec son mari, pour les amours du Roi, et l'asile que le Roi luimême lui donna, en choisissant monsieur et madame de Montau

sier pour y retirer madame de Montespan chez eux, au milieu de la cour, et pour l'y garder contre son mari. Il y pénétra pourtant un jour; et, voulant arracher sa femme des bras de madame de Montausier, qui cria au secours de ses domestiques, il lui dit des choses horribles. Quelque temps après, descendant avec son écuyer et ses gens un petit degré pour aller de chez elle chez la Reine, elle trouva une femme assez mal mise, qui l'arrêta, lui fit des reproches sanglans sur madame de Montespan, et lui parla même à l'oreille. Elle empêcha ses gens de la maltraiter; et, toutë éperdue, rentra chez elle, s'y trouva mal, et tomba incontinent dans une maladie de langueur qui lui fit fermer sa porte à tout le monde. On prétendit que sa tête se troublait souvent, et l'on ne sut si cette femme qui lui avait parlé en était une ou un fantôme. Enfin, madame de Montaușier, qui ne parut jamais depuis cette aventure, en mourut à soixante-quatre ans, au mois d'avril 1671. ( Essai sur l'établissement monarchique de Louis XIV, précédé de Nouveaux mémoires de Dangeau, par P. E. Lemontey, pag. 56 et 57.)

(51) Nous croyons qu'il ne sera pas sans intérêt de comparer le jugement porté par Napoléon sur la personne de Philinte avec ceux de Fabre et de Rousseau. Voici ce qu'on lit dans les Mémoires de M. de Bausset, tome II, pages 184 et suivantes :

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Je choisissais le moment du déjeuner de l'empereur pour lui présenter le répertoire des ouvrages qui pouvaient être représentés. Ordinairement il me le faisait lire à haute voix, et fixait son choix. Un jour, à propos de l'Intrigue épistolaire, il me demanda si cette pièce n'était pas de Fabre d'Églantine. Le prince de Neufchâtel, qui déjeunait avec lui, s'empressa de répondre affirmativement, et se mit à parler de suite du Philinte de Molière du même auteur. L'empereur énonça au sujet de cette dernière comédie une opinion fort remarquable. Il l'avait vu représenter plusieurs fois dans sa jeunesse; il en avait toujours trouvé le style barbare et étrange pour la fin du dix-huitième siècle. Passant à la discussion du fonds de cette pièce, il dit, entre autres choses, qu'il avait toujours cherché à deviner sans pouvoir y réussir, pour quel motif l'auteur avait intitulé sa comédie le Philinte de Molière, à qui il ne ressemble

pas plus qu'à tout autre personnage de toute autre comédie. Le véritable Philinte de Molière, continua-t-il, n'est pas sans doute, comme le misanthrope Alceste, un Don Quichotte de vertu et de philanthropie. Il ne se croit pas obligé de rompre en visière aux gens, pour des vers bons ou mauvais : il connaît assez les maladies incurables des hommes pour savoir que la franchise, placée mal à propos, peut souvent faire beaucoup de mal en irritant gratuitement les passions: en un mot c'est un homme raisonnable, honnète, de bonne compagnie et incapable de la moindre action ou du moindre discours qui blesserait la morale ou la délicatesse. Le Philinte de Fabre, au contraire, est un homme des plus méprisables, qui se montre ouvertement capable de commettre les actions les plus odieuses, pour un vil intérêt, et qui était aussi peu digne d'être l'époux de celle qu'il aime, que l'ami du misanthrope Alceste. »

(52) Grimarest dit que Baron était âgé de treize ans lors de cette scène (page 111); elle eut par conséquent lieu dans le temps des répétitions de Mélicerte, et non de celles de Psyché, comme l'a dit M. Després. Psyché ne fut joué qu'en 1671, époque à laquelle il avait dix-huit ans et non pas treize ans. Voici son acte de naissance, qui avait jusqu'à ce jour échappé à toutes les recherches, et que M. Beffara, de qui nous le tenons, a découvert sur les registres de la paroisse Saint-Sauveur :

«

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Du 8 octobre 1653. Baptême de Michel, fils de André Boyron, bourgeois de Paris, et de Jeanne Ausou, sa femme; le parrain, Michel Bachelier, bourgeois de Paris, de la paroisse St-Eustache; la marraine, Catherine Jon, femme de Jacques Guillhamar, avocat au parlement, de la paroisse Saint-Eustache. »><

\ Son acte de décès, inscrit aux registres de la paroisse SaintBenoit, constate qu'il est mort le 22 décembre 1729. Il mourut par conséquent à plus de soixante-seize ans. Quelques historiens du théâtre se sont montrés plus généreux encore envers lui que la nature. Ils l'ont fait vivre quatre-vingts ans.

LIVRE TROISIÈME.

«

(1) Si les deux Reines avaient été à la tête des ennemis de Molière, dit Bret, comme voulut l'insinuer l'auteur des Observations sur le Festin de Pierre, page 22, Monsieur, frère du Roi, n'aurait pas eu l'imprudence de faire représenter devant elles les trois prémiers actes du Tartuffe, à Villers-Cotterets, le 24 septembre de la même année... » (OEuvres de Molière, avec les remarques de Bret, 1773, tome IV, page 244.)

(2) La farce de Scaramouche hermite présentait entre autres situations indécentes celle d'un moine escaladant le balcon d'une femme mariée, et y reparaissant de temps en temps en disant que c'était ainsi qu'il fallait mortifier la chair: Questo e per mortificar la

carne.

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(3) Molière, dans le Misanthrope, acte V, scène 1, fait allusion à la perfidie de ses ennemis qui composèrent et firent courir un libelle sous son nom :

Et, non content encor du tort que l'on me fait,
Il court parmi le monde un livre abominable,
Et de qui la lecture est même condamnable;
Un livre à mériter la dernière rigueur,

Dont le fourbe a le front de me faire l'auteur.

Et là dessus on voit Oronte qui murmure,

Et tâche méchamment d'appuyer l'imposture;

Lui qui d'un honnête homme à la cour tient le rang!

(4) L'abbé Mervesin, au témoignage duquel il ne faut pas ajouter une pleine confiance, donne quelques détails sur les empêchemens apportés à la représentation du Tartuffe. Nous allons transcrire le passage de son Histoire de la Poésie française qui les renferme. Le récit que nous avons tracé, d'après les meilleures auto

rités, de ce grand événement de notre histoire littéraire mettra le lecteur à même de relever les inexactitudes de Mervesin, sans que nous ayons besoin de les signaler.

"

Après qu'il (Molière) eut composé son Tartuffe, il le fit voir à la cour. Le Roi, à qui une piété sincère a toujours fait haïr l'imposture, permit de jouer cette pièce; mais tant de gens représentèrent à Sa Majesté que cela pouvait avoir de dangereuses conséquences, qu'elle révoqua la permission qu'elle avait donnée. Quelque temps après, comme elle était sur son départ pour la Flandre, Molière revint à la charge; il obtint ce qu'il souhaitait, et fit bientôt afficher sa pièce. M. de Lamoignon, premier président, crut qu'il voulait profiter de l'absence du Roi; il envoya des archers qui arrachèrent les affiches, et se saisirent des portes de la comédie lorsque les comédiens se préparaient à paraître. Molière pria M. Despréaux de le présenter à cet illustre magistrat, qui le reçut agréablement. « Je sais, lui dit-il après avoir écouté ses raisons, que vous avez un mérite qui vous élève au-dessus de votre état ; je ne me suis pas opposé à la représentation de votre pièce pour vous empêcher de jouer des faux dévots, mais seulement à cause que vous vous ingérez d'y mettre des moralités peu propres à être débitées sur le théâtre. » Molière se détermina à retrancher beaucoup de choses de sa pièce, et ne put la donner que long-temps après. Tout Paris était cependant dans l'impatience de la voir; on priait souvent l'auteur d'aller la lire chez des gens de qualité, et M. Despréaux, qui travaillait alors à la sațire du Repas, fit dire à propos à celui qu'il introduit :

« Molière avec Tartuffe y doit jouer son rôle. »

(5) Le caractère de Molière rend bien cette anecdote invraisemblable à nos yeux; mais nous ne voyons pas, comme un de ses commentateurs, une impossibilité de fait dans le désappointement des spectateurs, ou du moins d'un certain nombre d'entre eux. On avait donné, le vendredi 5, la première représentation du Tartuffe. A la fin du spectacle de ce jour, l'orateur de la troupe dut, selon l'usage, annoncer la composition de celui du diman

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