Images de page
PDF
ePub

L

HISTOIRE

DE BEAUNE.

LIVRE PREMIER.

SOMMAIRE.

GUERRE
des Eduens & des Séquanois. II. Camps romains dans le Pagus
arebrignus. III. Fondation de Beaune & de Dijon. IV. Différens noms
de Beaune, Minervia, Belena, Belna, &c. V. Anciens privileges des
citoyens de Beaune. VI. La pefte & la famine défolent fucceffivement cette
Bourgade. VII. Beaune & Dijon fortifiés par l'Empereur Aurélien. VIII,
Prédication de l'Evangile chez les Eduens. IX. Premiere Eglife de Beaune
fous le vocable de Saint-Etienne. X. Cette Eglife deffervie par des Clercs tirés
de la Cathédrale d'Autun, comme celle de Saint-Etienne de Dijon par des
Clercs de l'Eglife de Langres. XI. Ces Clercs menoient la vie commune. XII.
Ils avoient l'Archiprêtre pour fupérieur immédiat. XIII. Habits de ces Clercs.
XIV. Leurs revenus & leurs biens.

L

I.

Guerres des

ES Auvergnats & les Séquanois faifoient depuis long-temps la guerre aux Éduens, lorsque Céfar vint dans les Gaules. Eduens & des Ceux-ci avoient eu fouvent l'avantage; cet heureux fuccès Séquanois, A

[ocr errors]

An de Rome, 752.

détermina les premiers à appeller à leur fecours Arioviste, Roi des Sueves: ce Prince paffa le Rhin à la tête d'une armée nombreuse; & joignant fes forces à celles des Séquanois, il défit les Eduens en deux batailles, où périt une grande partie de la Nobleffe & du Sénat. Les vaincus ne purent obtenir la paix qu'à des conditions très dures; il fallut livrer des ôtages, payer un tribut, & promettre de n'avoir jamais recours aux Romains: cela n'empêcha pas que quelque temps après ils n'envoyaffent fecrétement Divitiac à Céfar; le Général Romain crut qu'il pourroit, dans une conférence, engager Arioviste, qu'il avoit fait décorer du titre d'Allié des Romains, à rendre aux Eduens leurs ôtages & à les laiffer en paix : mais le fier Ariovifte refufa l'entrevue, & répondit à Céfar avec tant de hauteur, que ce Général se crut obligé d'en tirer vengeance, & de délivrer les Eduens de la fervitude. Il entra fur les terres des Séquanois, défit l'armée d'Ariovifte & l'obligea d'abandonner le pays ainfi les Eduens recouvrerent en même temps la liberté & leur ancienne autorité chez les Celtes. Quelques années après les Gaulois, jaloux de la puiffance des Romains & craignant pour leur liberté, formerent une ligue pour les chaffer des Gaules; le rendez-vous général des troupes fut fous les murs d'Alife, où les Eduens joignirent leurs forces à celles des autres Gaulois : la bataille qui s'y donna, & où les Romains remporterent la victoire, décida du fort de la Gaule Celtique. Après que Céfar eut donné les ordres néceffaires, il vint paffer l'hiver à Bibracte: la fin de fon gouvernement approchoir, il fongeoit à fe faire un parti puissant dans les Gaules; & comme les Eduens tenoient le premier rang chez les Celtes, ils éprouverent aufli les premiers la clémence & la générosité du vainqueur. Cefar leur rendit les Prifonniers qu'il

:

avoit faits fur eux à la journée d'Alife; & durant le féjour qu'il fit à Bibracte, il travailla non-feulement à mettre leurs frontieres à l'abri de l'infulte de leurs ennemis, mais encore à prévenir les foulévemens qui pourroient arriver chez eux après qu'il auroit quitté les Gaules.

An de Rome, 7524

nus.

II. Camps ro

La Guerre des Séquanois & des Germains, contre les Eduens, avoit fait connoître que la Saone n'étoit pas une barriere fuffi- mains dans le fante pour arrêter les Séquanois & les empêcher de pénétrer Pagus arebrigdans cette riche plaine & jufqu'à Bibracte: Céfar y pourvut en plaçant Labienus chez les Séquanois avec deux Légions & toute fa Cavalerie; Cicéron à Châlon, & Sulpicius à Mâcon où étoient les vivres : il envoya auffi des troupes dans le Nivernois & dans le Berry. Châlon & Mâcon étoient, à la vérité, des places de défenfe; mais elles ne couvroient point l'Arebrignus, la grande plaine de Mars: Céfar y traça, à ce qu'on croit, des camps dans les lieux les plus expofés à l'infulte de l'ennemi, & les plus commodes pour fes troupes; il choifit pour cela les endroits où Beaune & Dijon, fœurs d'origine, ont été bâtis. Le local de l'un & de l'autre étoit propre à des camps romains; une monticule bordée d'un marais, fur les bords d'une riviere, dans une vaste plaine abondante en fourrages & en grains affez près des grands chemins qui communiquoient à la Saone, au Rhin & à la Mofelle: telle fut la fituation que choifit Céfar pour placer les deux camps qui devoient défendre la plaine de Mars au nord & à l'orient; Châlon la couvroit au midi; c'étoit au refte la coutume des romains de former des camps ou de bâtir des forts dans les pays nouvellement conquis, & d'y mettre de fortes garnifons, autant pour empêcher les révoltes, que pour arrêter les voisins qui n'avoient pas encore paffé sous le joug de ces Maîtres du monde. C'est ainsi que, sous l'empire

An de Rome,

752.

111. Fondation

de Tite, Agricola affura les conquêtes qu'il venoit de faire en Angleterre : on prenoit ordinairement, pour ces garnisons, des Soldats vétérans, foit pour récompenser leurs fervices, soit parce que l'on étoit plus affuré de leur courage.

Beaune commença donc, à ce qu'on croit, fous Jules-Céfar, He Beaune par par un camp romain d'onze cens pieds de chaque face, fermé 32 ans avant par une paliffade, & défendu par un foffe abreuvé par les caux l'ere chrétien- de la Bousaize & de l'Aigue. Cette Ville eft fituée fous le vingt

Jules - Céfar,

ne.

IV. Beaune,

Minervia, en

fuite Belna.

cinquieme degré cinquante-cinq minutes de longitude, & au quarante-fixieme degré vingt-cinq minutes de la latitude. La tente du Primipile fut placée, felon l'ufage des Romains, dans le lieu le plus élevé, où l'on mit auffi les Enfeignes; on laiffa devant cette tente un espace quarré où étoit l'Autel pour les facrifices, & le Tribunal où fe rendoit la Juftice: le camp étoit partagé par deux rues en croix qui aboutiffoient aux quatre portes, l'une appellée la Prétorienne ou l'Extraordinaire, l'autre la Questorienne ou la Décumane; on nommoit les deux autres la droite & la gauche ces deux dernieres ont été murées, lorsqu'on démolit l'ancien Château; on ne conferva que les portes Prétorienne & Décumane. Le foflé avoit huit pieds de large fur fix de profondeur : la terre qui en fut tirée fervit à faire un parapet du côté du camp; & pour le rendre plus folide, il fut revêtu de gazons & garni de pieux enfoncés fur la crête du parapet. Telle fut l'origine de Beaune; les guerres civiles qui troublerent l'Empire Romain après la conquête des Gaules, ne permirent pas à Célar d'y faire des établissemens plus folides. Il régnoit au refte une grande propreté dans les camps romains les Soldats étoient chargés de balayer tous les jours en hiver la place & la rue devant le Prétoire, la plus fréquentée, & d'y jeter de l'eau en Eté pour empêcher la poufliere. Lorfque

:

166.

les Soldats ne devoient refter dans un camp que pendant l'Eté, An de J. C. ils ne dreffoient que des tentes faites de peaux de bêtes; mais lorsqu'il y falloit féjourner long-temps, ils en faifoient autant de Bourgades c'est ainsi que plufieurs Villes ont été fondées. Celle dont je parle fut premiérement appellée Minervia, du nom de la Légion Minervienne qui la bâtit ou la fortifia; elle prit enfuite celui de Belena, à cause du Temple de Bélenus; mais, dès le cinquieme fiecle de l'Eglife, on ne l'appella plus que Belna, pour ôter à fon nom ce qui fentoit encore le paganilme c'est ainfi que, felon la remarque de M. de Zurlauben, les Villes, en embraffant le Chriftianifme, quitterent leurs anciens noms, ou tout au moins en altérerent le fens & la prononciation. Les Capitulaires de nos Empereurs appellent auffi Belnifium le territoire de Beaune. Il paroît, par l'inscription que je rapporterai ci-après, que les Soldats qui bâtirent ou fortifierent Beaune, avoient avec eux le Primipile de la Légion : c'étoit un ancien Officier arrivé par fes longs fervices à ce grade. Le premier Centurion de la Légion, qui commandoit la premiere centurie du premier Manipule des Triaires ou Lanceurs de javelots, avoit place au Confeil de guerre avec les premiers Officiers de la Légion : celui-ci mourut à Beaune la trentieme année de fon gouvernement & de fa réfidence, & les Citoyens offrirent le foir un facrifice à fes manes; ils éleverent enfuite à fa mémoire le monument qui exifte, & dont j'ai donné l'explication.

Les Légions étoient alors d'environ cinq mille hommes de Privileges de pied & de cinq ou fix cens chevaux, commandés par un Préteur, cette Colonis. cinq Tribuns & cinquante Capitaines ou Centurions. Il y a quelqu'apparence que Beaune jouit, dès fon origine, comme les Villes municipales & les Colonies Romaines, du droit latin;

« PrécédentContinuer »