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nous pouvons contracter les maladies du corps malgré que nous en ayons, au lieu qu'il n'y a que notre volonté qui puisse donner entrée dans nos âmes aux maladies de l'esprit.

4o Nous ne devons pas seulement regarder les défauts des autres comme des maladies, mais aussi comme des maladies qui nous sont communes : car nous y sommes sujets comme eux. Il n'y a point de défauts dont nous ne soyons capables; et s'il y en a que nous n'avons pas effectivement, nous en avons peut-être de plus grands. Ainsi, n'ayant aucun sujet de nous préférer à eux, nous trouverons que nous n'en avons point de nous choquer de ce qu'ils font, et que, si nous souffrons d'eux, nous les faisons souffrir à notre tour;

5o Les défauts des autres, si nous les pouvions regarder d'une vue tranquille et charitable, nous seraient des instructions plus utiles; nous en verrions bien mieux la difformité que des nôtres, dont l'amour-propre nous cache toujours une partie. Ils nous pourraient donner lieu de remarquer que les passions font d'ordinaire un effet tout contraire à celui que l'on prétend. On se met en colère pour se faire croire; et l'on est d'autant moins cru que l'on fait paraître plus de colère. On se pique de ce qu'on n'est pas aussi estimé qu'on croit le mériter; et on l'est d'autant moins qu'on cherche plus à l'être. On s'offense de n'être pas aimé; et en le voulant être par force, l'on attire encore plus l'aversion des gens.

Nous y pourrions voir aussi, avec étonnement, à quel point ces mêmes passions aveuglent ceux qui en sont possédés; car ces effets, qui sont sensibles aux autres, leur sont d'ordinaire inconnus. Et il arrive souvent que, se rendant odieux, incommodes et ridicules à tout le monde, ils sont les seuls qui ne s'en aperçoivent pas.

Et tout cela nous pourrait faire ressouvenir ou des fautes où nous sommes autrefois tombés par des passions semblables, ou de celles où nous tombons encore par d'autres passions qui ne sont peut-être pas moins dangereuses, et dans lesquelles nous ne sommes pas moins aveugles: et par là, toute notre

application se portant à nos propres défauts, nous en deviendrons beaucoup plus disposés à supporter ceux des autres.

Enfin, il faut considérer qu'il est aussi ridicule de se mettre en colère pour les fautes et les bizarreries des autres, que de s'offenser de ce qu'il fait mauvais temps, ou de ce qu'il fait trop froid ou trop chaud; parce que notre colère est aussi peu capable de corriger les hommes que de faire changer les saisons. Il y a même cela de plus déraisonnable en ce point, qu'en se mettant en colère contre les saisons, on ne les rend ni plus ni moins incommodes; au lieu que l'aigreur que nous concevons contre les hommes les irrite contre nous, et rend leurs passion plus vives et plus agissantes.

CONCLUSION.

Ce que nous avons vu jusqu'ici suffit pour donner une légère idée des moyens qui peuvent servir à conserver la paix entre les hommes, et ils sont tous compris dans ce verset du psaume: Pax multa diligentibus legem tuam, et non est illis scandalum: Ceux qui aiment votre loi jouissent d'une paix abondante, et ils n'en sont point scandalisés. Car, si nous n'aimions que la loi de Dieu, nous nous rendrions attentifs à ne pas choquer nos frères; nous ne les irriterions jamais par des contestations indiscrètes; et jamais leurs fautes ne nous seraient une occasion de colère, d'aigreur, de trouble et de scandale, puisque ces fautes ne nous empêchent pas de demeurer attachés à cette loi; qu'elle nous oblige de les souffrir avec patience; et que c'est en particulier ce précepte de la tolérance chrétienne que l'apôtre appelle LA LOI DE JÉSUS-CHRIST. Portes, dit-il, les fardeaux les uns des autres, et vous observerez la loi de JÉSUS-CHRist.

Nous devons donc reconnaître que toutes nos impatiences et tous nos troubles viennent de ce que nous n'aimions pas assez cette loi de charité; que nous avons d'autres inclinations que

celles d'obéir à Dieu; et que nous cherchons notre gloire, notre plaisir, notre satisfaction, dans les créatures. Ainsi le principal moyen pour établir l'âme dans une paix solide et inébranlable, c'est de l'affermir dans cet unique amour qui ne regarde que Dicu en toutes choses, qui ne désire que de lui plaire, et qui met tout son bonheur à obéir à ses luis.

FIN.

TABLE.

Pages.

VIE DE BLAISE PASCAL

PENSÉES.

PREMIÈRE PARTIE,

CONTENANT LES PENSÉES QUI SE RAPPORTENT A LA PHILOSOPHIE, A LA

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110

122

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135

SECONDE PARTIE.

CONTENANT LES PENSÉES IMMÉDIATEMENT RELATIVES A LA RELIGION.

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III. Qu'il est difficile de démontrer l'existence de Dieu
par les lumières naturelles, mais que le plus sur

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sont dans l'homme, et par le péché originel. .
VI. Soumission et usage de la raison.

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