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spécial, auquel le commerce français devait être soumis dans le royaume de Siam, était annexé au traité. « Nous rentrions alliés dans un pays d'où nous n'étions sortis autrefois, après y avoir reçu un accueil inespéré, que parce que nous avions tenté de le dominer, à l'instigation d'un ambitieux aventurier qui exploitait dans des vues personnelles le Gouvernement trop confiant de la France (1). »

Le premier consul de France à Siam est M. de Castelnau qui fut reçu le 25 octobre 1858 par S. M. Mongkut Me l'évêque de Mallos remplissait les fonctions d'interprète. M. de Castelnau adressa au roi un discours auquel Sa Majesté Mongkut répondit en rappelant les relations de Louis XIV avec PhraNaraï : « Des changements de dynastie tant en France qu'à Siam, comme aussi des révolutions, ont été cause de l'interruption des relations amicales et commerciales entre les deux royaumes; ceci eut lieu, parce que, dans ces temps passés, il n'y avait pas à Siam de représentant du royaume de France qui pût entretenir la bonne harmonie entre les deux nations (2). »

La France, engagée effectivement depuis le mois d'août dans sa guerre contre le royaume d'Annam, n'allait pas tarder, par suite de son ingérence dans les affaires du Cambodge, à être éclairée sur les bonnes dispositions de Siam à notre égard.

(1) Etienne Gallois, déjà cité.

(2) Moniteur universel du 16 déc. 1858.

CHAPITRE III

LES PREMIÈRES RELATIONS ENTRE LA FRANCE

ET L'ANNAM

Définitions géographiques.

Le P. Alexandre de Rhodes (1624). Premières relations politiques (1653). Le Chappelier et Verret (1686). - Incident de la Galathee (1720).

(1748). Poivre (1749).

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Bennetat (1753).

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Dumont

Dupleix et Vo-Vuong (1753).
St-Phalle et Protais-Leroux (1755).

Avant d'entreprendre le récit des premières relations entre la France et l'Annam, il nous parait indispensable de bien définir, au point de vue géographique, ce que l'on entendait jusque vers la fin du XVII siècle par Tonkin, Annam, Cochinchine, Ciampa et Cambodge.

<< Plusieurs géographes, Malte-Brun entre autres, avaient pensé que le nom de Cochinchine était d'origine japonaise (Cotchi-Djina) et signifiait contrée de l'ouest de la Chine; mais M" Terabt démontre que ce nom est d'origine européenne, et a été introduit par les Portugais qui, trouvant quelque ressemblance entre la côte d'Annam et celle de Cochin, ont désigné le pays par le nom de Cochin-China: le fait est que les naturels, aussi bien que les Chinois, ne le connaissent que sous le nom d'Annam, qui signifie paix du Sud (1). » Ces deux étymologies sont fausses. (1) La Chine et la Cochinchine, Roy, 1877.

Selon l'abbé Launay, des Missions étrangères, le mot Tonkin dérive du mot Dong-Kinh, nom sous lequel on désignait autrefois la ville de Hanoï. Le mot Cochinchine vient de Cao-Chen-Chin, nom sous lequel les Chinois désignaient le Ciampa. Dans les observations préliminaires de son Histoire d'Annam, l'abbé Launay dit explicitement que les deux expressions de Tonkin et de Cochinchine n'ont jamais été employées par les Annamites.

Sous le nom d'Annam, on désignait autrefois le Tonkin actuel et, plus tard, l'ancien Ciampa. Dans son Exposé chronologique, M. Charles Lemire ajoute que le pays d'Annam ou des Giao-Tchi (expression chinoise qui signifie doigts écartés), n'était qu'un gouvernement, qu'une vice-royauté, composée de plusieurs provinces dépendant de l'Empereur de la Chine, qui en nommait les gouverneurs. C'est, en effet, vers le commencement du XVe siècle, que les Annamites ont secoué le joug de la domination chinoise: cette révolution s'accomplit en 1428. A cette époque, les Annamites n'habitaient que le Tonkin, c'est-à-dire le delta du Song-Coï. Tout le pays compris entre la région montagneuse située au nord de Hué jusqu'à la province française actuelle de Baria appartenait alors au Ciampa, habité par une population de race malaise et indépendante.

Quant au Cambodge, il comprenait alors toute la vallée inférieure du Mékong, depuis le Tonlé Repou au nord, jusqu'à la mer de Chine au sud; il s'étendait en largeur depuis les pays situés à l'ouest du TonléSap jusqu'aux pays montueux des Mois à l'est. Le Cambodge comprenait donc toute la Basse-Cochin

chine française de nos jours et le territoire du royaume actuel, augmenté des riches provinces d'Angkor et de Battambang, cédées maladroitement au Siam en 1868.

Revenons à l'explication des mots Cochinchine et Annam, s'appliquant actuellement au pays compris entre la frontière chinoise du Yunnan, du Kouang-Si et du Kouang-Tong au nord jusqu'à la frontière siamoise au sud. Nous avons dit précédemment qu'au début le mot Annam ne s'appliquait qu'au Tonkin. En 1570, en effet, un groupe de mandarins, de soldats mécontents et de gens du peuple vint, sous la conduite d'un certain Taoï-Cong s'établir dans le Ciampa, aux environs de Hué. Ce Taoï-Cong se déclara roi et commença les guerres de conquêtes contre les Ciampɔis qui, vers la fin du XVIIe siècle, avaient complètement perdu leur nationalité : ils sont maintenant dispersés, sous le nom de Chams, dans toute l'Indo-Chine méridionale et surtout dans le Binthuan. Ainsi donc, tout le Ciampa, de Hué au Binthuan actuel inclus, était devenu pays Annam.

Après le tour des Ciampois vint celui des Cambodgiens en 1658, le roi du Cambodge, ayant violé les frontières de son nouveau voisin, fut battu et fait prisonnier. Il ne recouvra la liberté qu'en cédant la pro vince de Baria et en reconnaissant la suzeraineté de l'Annam.

Après la chute de la dynastie des Minh, en Chine, et son remplacement par la dynastie mandchoux, un général enchef du Kouang-Tong débarqua à Tourane avec 3,000 hommes et une soixantaine de jonques. Le souverain annamite, Hien-Vuong, désirant se débarrasser de ces hôtes dangereux, les envoya en Basse-Cochin

chine, dans le pays de Gia-Dinh. Ces Chinois s'établirent donc, en 1680, sur la rive gauche du Cua-Tieu, aux environs de Mythô, et sur le Donnaï inférieur, à hauteur de Bienhoa: c'est même cette dernière colonie chinoise qui fonda ultérieurement Cholon.

En 1689, eut lieu une nouvelle invasion annamite: le roi du Cambodge, qui résidait alors à Prey-Nokor (nom cambodgien de Saigon), fut battu et obligé de fuir à Oudong, sur la rive droite du Tonlé-Sap, après avoir cédé à l'Annam tout le bas delta du Mékong. Dans le cours du XVIIIe siècle, l'Annam s'empara successivement sur les Cambodgiens de Hatien (1715), de Vinhlong(1733) et de Chaudoc (1765). Ben-Nghe on Saigon devient dès lors la résidence du vice-roi annamite ce n'est donc qu'à la fin du XVIIIe siècle que les Annamites se sont rendus maitres de la BasseCochinchine (1).

Plus tard, nous verrons Gialong conquérir le Tonkin (1802) avec l'aide d'officiers français. Ce court exposé historique suffit pour montrer comment cette appellation d'Annam, réservée primitivement au Tonkin actuel, s'est étendue au royaume tel que nous le trouverons au moment de la conquête (1859).

Les premiers Français, qui pénétrèrent en Annam, furent des missionnaires appartenant soit à la Compagnie de Jésus, soit à la Société des Missions Etrangères. Le plus célèbre d'entre eux était le P. Alexandre de Rhodes, qui aborda en Cochinchine en 1624, sous le règne de Saï-Vuong. De Cochinchine, le P. de Rhodes se rendit au Tonkin en 1626, revint en Co

(1) L'Annam et le Cambodge; abbé Bouillevaux 1874, et Histoire de l'Annam; abbé Launay, 1881.

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