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134 LES COMMENCEMENTS DE L'INDO-CHINE FRANÇAISE M. de Montigny, ils affichèrent de larges inscriptions portant ces mots : « les Français aboient comme des chiens et fuient comme des chèvres (1). » Les persécutions redoublèrent; NN. SS. Diaz et Sampedro furent décapités (1857-1858); Isabelle II et Napoléon III résolurent, d'un commun accord, de châtier S. M. Tuduc.

(1) Abbé Launay, déjà cité.

CHAPITRE VI

L'EXPÉDITION DE COCHINCHINE

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Les forces franco-espagnoles devant Tourane (31 août 1858.) Prise de Saigon (18 février 1859.) Evacuation de Tourane (23 mars 1860.) — Le capitaine de vaisseau d'Ariès bloqué dans Saigon. Concentration du corps expéditionnaire à Woosung. L'amiral Charner en Cochinchine (7 février 1861.) — Bataille de Kihoa (24 et 25 février 1861). Reddition de Tayninh. Lettre de l'amiral Charner au roi du Cambodge. Prise de Mythô (13 avril 1861.) Le camp de Mihoa. Prise de Bienhoa (décembre 1861.) Prise de Baria. Organisation de la conquête. Prise de Vinhlong (23 mars 1862.) — Tracé du plan de Saigon (13 mai 1862.) Traité du 5 juin 1862. Le Siam et le Cambodge.

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dition de Gocong (mai

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1863)

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- ExpéRatification par Tuduc du

traité du 5 juin 1862.

Le seul motif qui nous amenait à déclarer la guerre à l'Annam était donc, dans le moment, la répression de l'insulte faite à notre pavillon dans la baie de Tourane et la nécessité de secourir nos missionnaires et leurs nombreuses chrétientés, contre lesquels Tuduc avait lancé un édit de persécution. En 1857, en effet, le Gouvernement avait chargé une Commission chargée d'examiner le traité du 17 novembre 1787 conclu entre le comte de Montmorin et l'évêque d'Adran. Cette commission était composée du baron Brénier, ministre plénipotentiaire, président; de

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M. Cintrat, directeur au département des affaires étrangères; du contre-amiral Fourichon; de M. Fleury, directeur au ministère du commerce; du capitaine de vaisseau Jaurès et de M. de Mofras, secrétaire. Cette commission, « après une longue et patiente investigation, s'était vue forcée de reconnaitre que la France, détournée par les événements de la Révolution de 1789, n'avait pas exécuté les principales dispositions de ce traité, et, qu'en conséquence, l'on devait le considérer comme nul et non avenu (1). » D'autres documents laisseraient supposer, au contraire, que l'expédition de Cochinchine était projetée depuis longtemps; l'insolence de Tuduc n'aurait été pour nous qu'une occasion pour entreprendre la conquête, car « prendre une position dans l'Extrême-Orient, c'était renouer la chaine de nos traditions, rester fidèles à une politique nationale, que s'étaient transmise, à travers les révolutions, les différents gouvernements qui se sont succédé en France (2). »

Le Gouvernement venait alors de terminer la première expédition de Chine; les traités de Tientsin étaient signés. Le 31 août 1858, les forces francoespagnoles parurent dans la baie de Tourane sous le commandement du vice-amiral Rigault de Genouilly; l'escadre comptait quatorze bâtiments dont la frégate amirale la Némésis, les corvettes à vapeur le Phlégéthon et le Primauguet, l'aviso à vapeur espagnol El Cano, les canonnières l'Avalanche, la Dragonne, la

(1) L'expédition de Cochinchine et la politique française dans l'ExtrêmeOrient, Henri Galos, ancien député, 1864.

(2) Henri Galos, déjà cité.

Fusée, l'Alarme et la Mitraille, les transports la Durance, la Gironde, la Saône, la Meurthe et la Dordogne. Le corps de débarquement comprenait, outre les compagnies de marins, deux bataillons d'infanterie et une batterie d'artillerie de marine; le gouverneur-général des Philippines avait envoyé un corps de Tagals sous le commandement du colonel Lanzarote. Le capitaine général Fernando de Norzagaray avait adressé aux troupes expéditionnaires espagnoles, avant leur départ de Manille, l'ordre général suivant: « Soldats, une partie de l'armée des Philippines et de sa marine, conjointement avec la brillante marine et la brave armée françaises, va prendre part à l'expédition destinée à venger les insultes faites à notre sainte religion et à nos pieux missionnaires dans l'empire d'Annam, où vont bientôt flotter réunis les aigles françaises et les drapeaux de Castille. La cause est sainte et la main de Dieu guidera vos pas. Elle est dictée par l'honneur et la civilisation, et un peuple entier vous devra la tranquillité de sa conscience... Quelle que soit la situation. dans laquelle vous conduisent les événements, faites exactement votre devoir, et dans les moments où seront mis à l'épreuve votre valeur et vos efforts, que les alliés auprès de qui vous combattrez en frères, reconnaissent en vous les enfants de la patrie du Cid et de Fernand Cortès. Soldats, vive la Reine! (1) »

Quelques temps après, en Espagne, dans la séance solennelle de l'ouverture des Cortès du Royaume, le 1er décembre 1858, S. M. Isabelle déclarait : « Les

(1) La Espana (Extrait du Moniteur universel du 11 novembre 1858.)

attentats, dont nos missionnaires en Asie ont été victimes, m'ont forcée à envoyer, conjointement avec l'Empereur des Français, une expédition militaire en Cochinchine. Les troupes de mer et de terre répondront, si l'occasion se présente, à leur tradition et à la mémoire des exploits pour lesquels le soldat espagnol se distingua toujours pour la défense des intérêts et de l'honneur de sa patrie et de ses monarques (1). » L'Espagne nous prêta, en effet le concours le plus loyal et le plus désintéressé, car, comme le déclara le président du conseil, le général O'Donnel, le 29 décembre 1858, il n'y avait pas eu d'alliance offensive ou défensive entre les deux Etats (2).

Les Espagnols, réunis aux Français, vengeaient en commun leurs malheureux nationaux mis à mort par le cruel Tuduc; le ministre des affaires étrangères de l'Espagne le déclara dans la séance de la Chambre des députés du 11 mars 1859, à un des membres de l'opposition : « Une nation voisine et amie, à laquelle nous unissent de grandes et étroites relations, se trouvant comme nous et pour les mêmes raisons que nous, dans la nécessité d'envoyer des forces en Cochinchine, rien de plus naturel que nos soldats se joignissent à ceux de cette nation amie pour atteindre un but d'intérêt commun. Il n'y a pas eu de traité, un traité n'était pas nécessaire; il n'y en a pas eu et il n'y en pas encore..... On a donné à entendre que les soldats espagnols y étaient dans une position subordonnée, secondaire, inférieure. Cette assertion est inexacte.

(1) Moniteur universel du 6 déc. 1858.
(2) Gazette de Madrid du 30 décemb. 1858.

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