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et Coquet (1). Ces officiers déployaient une vigilance incessante, car un vent de rébellion soufflait sur la colonie; aussi l'amiral Bonard demanda-t-il des renforts qui lui furent expédiés en toute hâte par l'amiral Jaurès, alors à Shangaï avec sa division navale, et par le gouverneur général des Philippines. Le 16 décembre, l'insurrection éclatait; mais les mesures étaient prises et elle fut contenue.

Cependant l'amiral, voulant en finir avec le quan Dinh, organisa avec son chef d'état-major, le colonel Reboul, une expédition contre Gocong, le quartier général du rebelle. Les mouvements préparatoires des troupes et de la flottille furent réglés en vue de cerner complètement le pays de Gocong; des canonnières surveillèrent le Vaïco occidental au nord et le Cua-Tieu au sud; la corvette espagnole la Circé tint le Soirap; le poste de Chogao et des troupes venues de Mythô continrent l'ennemi vers l'ouest. Le 25 février 1863, le général Chaumont, de l'infanterie de marine, débarqua à Dongson, à l'ouest de Gocong, et s'empara des retranchements de Vinhthoï; le lendemain, les colonnes d'attaque, commandées par le colonel Palanca, le commandant de tirailleurs algériens Piétri et le lieutenant de vaisseau Guys, marchaient concentriquement sur Gocong, que les Annamites évacuèrent précipitamment, jetant leurs armes et leurs munitions. Le 27, le général Chaumont enlevait à Traïca les derniers retranchements des rebelles dans le sud de Gocong. A la suite de cette expédition, les troupes espagnoles partirent pour

(1) Mort général de brigade.

Manille et les tirailleurs algériens retournèrent à Shangaï.

A ce moment, un aide de camp du ministre, le capitaine de vaisseau Tricault, apportait à Saigon la ratification du traité du 5 juin; le même courrier amenait le contre-amiral de la Grandière, venant remplacer par intérim l'amiral Bonard qui avait obtenu un congé. Toutefois, avant de quitter la colonie, l'amiral Bonard, accompagné du colonel Palanca, s'embarqua pour Hué afin de faire ratifier le traité par Tuduc. Les membres de la légation française étaient l'amiral, son chef d'état-major colonel Reboul, le capitaine de vaisseau Tricault, le capitaine de frégate Aubaret et le lieutenant de vaisseau Buge. Les membres de la légation espagnole étaient le colonel Palanca, son chef d'état-major Roig de Lluis, le commandant Torrontégui, le commandant Carballo de la Circé et le commissaire Devera; M. Legrand de la Liraye remplissait les fonctions d'interprète.

L'amiral s'était fait précéder, le 1er avril 1863, par le Forbin ayant à bord Phan-tan-giang et Lam-duihiep chargés de veiller à tous les préparatifs de la réception, dont les détails avaient été préalablement fixés. Le lendemain, l'amiral s'embarquait sur la Sémiramis, escorté par le Cosmao, la Grenada et la Circé portant le colonel Palanca. L'escadre mouilla le 5 dans la baie de Tourane, d'où l'amiral Jaurès fit route pour Shangaï; les plénipotentiaires arrivèrent le 10 à Hué où ils furent reçus en grande pompe; le 14 eut lieu l'échange du traité ratifié par Tuduc. Le lendemain, Lam-dui-hiep était enlevé par le choléra qui désolait la capitale; le 16 eut lieu l'audience de

176 LES COMMENCEMENTS DE L'INDO-CHINE FRANÇAISE

congé dans la citadelle, audience à la suite de laquelle Tuduc remettait à l'amiral une lettre autographe pour Napoléon III. Le 18 enfin, les plénipotentiaires s'embarquaient sur la Grenada qui était venue mouiller à l'entrée de la rivière de Hué (1). De retour à Saigon, l'amiral Bonard remit les rênes du gouvernement à l'amiral de la Grandière et s'embarqua pour France le 30 avril avec le colonel Reboul.

(1) Analyse du rapport de l'amiral Bonard au Ministre.

CHAPITRE VII

EXTENSION DE L'INFLUENCE FRANÇAISE EN

INDO-CHINE.

Traité du 11 août 1863 avec le Cambodge.

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Intrigues siamoises au Cambodge. Couronnement de Norodom (3 juin 1864). L'opinion publique en France; le marquis de ChasseloupLaubat. - Traité secret entre le Siam et le Cambodge (11 décembre 1863). Expédition de la plaine des Jones (avril 1866). Insurrection de 1866; Pu-Combô. Occupation des trois provinces occidentales (juin 1867). Traité du 15 juillet 1867 entre la France et le Siam. - Insurrection de 1867. Conférences de Saigon (janvier 1868). Délimitation des frontières du Cambodge (juillet 1870). Traité du 15 mars 1874. Considérations finales.

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Au moment où l'amiral de la Grandière prenait le commandement, les rebelles et surtout le quan Dinh, échappé de Gocong, avaient repris la campagne; le quan Dinh avait même poussé l'audace jusqu'à faire afficher en plein marché de Mythô une proclamation appelant le peuple annamite aux armes et mettant à prix les têtes des Européens. La cour de Hué et Phantan-giang avaient beau désavouer ce rebelle, l'amiral n'en reconnaissait pas moins la main qui, dans l'ombre, fomentait continuellement les insurrections.

Le 25 mai 1863, en exécution d'une des clauses du traité du 5 juin, Phan-tan-giang rentra dans Vinhlong, que lui remit le commandant d'Ariès: « Ce fut un

véritable triomphe pour lui et pour sa politique; ses compatriotes y virent le présage de la réoccupation prochaine de toutes les citadelles de Giadinh (1). » Phan-tan-giang vint à Saigon remercier l'amiral et, le 2 juin, repartit pour Hué sur l'Echo; il allait prendre les instructions de Tuduc qui n'avait pas perdu tout espoir de recouvrer les provinces de la Basse-Cochinchine; il en offrait 100 millions au gouvernement français. « Des motifs graves, des préjugés respectables justifiaient la persistance du roi à vouloir rentrer en possession du pays qu'il avait perdu. Sa mère, qui vivait encore, était née à Gocong; elle était aveugle et on lui avait caché que son village natal était tombé au pouvoir des barbares de l'Occident. La grand' mère du roi, mère de Thieutri, était de Thuduc, petit village à deux lieues de Saigon, sur l'autre rive du Donnaï. Dans ces deux pays, le souverain possédait une nombreuse parenté, et il y faisait entretenir avec une piété scrupuleuse les tombes de ses ancêtres maternels. Son honneur était engagé à conserver le territoire sur lequel reposaient leurs ossements (2). »

Revenu à Saigon en fin de juin, Phan-tan-giang reprit la mer sur l'Européen; accompagné d'une nombreuse suite et du lieutenant de vaisseau Rieunier, le ministre de Tuduc se rendait en France solliciter près de l'Empereur la rétrocession des trois provinces. « Nous nous souvenons, écrivait en septembre 1873 le capitaine de vaisseau Rieunier, que dans trois circonstances.... l'ambassadeur, s'asseyant soucieux près de

(1) Commandant Vial, déjà cité. (2) Commandant Vial, déjà cité.

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