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moyen, on pourra faire un commerce considérable dans tous les parages des mers de Chine; ce qui serait profitable à la Compagnie de France et ruineux pour celles de Angleterre et de Hollande... Enfin, Monseigneur, j'ose vous assurer que si les Français avaient eu cet établissement avant la dernière guerre, la Compagnie n'aurait pas perdu ses vaisseaux de Chine et de Manille, et qu'aujourd'hui le commerce des Anglais et des Hollandais serait réduit à sa dernière période et que celui de la Compagnie de France serait des plus fleurissants en Europe et aux Indes... Avant que de rien entreprendre touchant l'établissement de Poulo-Condore, Vous pouvez, Monseigneur, en conférer avec M. de Montaran et M. le marquis de Dupleix, présent à Paris, qui a une parfaite connaissance de l'Inde. Ces messieurs, zélés pour le bien et l'avantage de la Compagnie, pourront vous donner exactement tous les éclaircissements nécessaires à ce sujet et vous engager à faire faire cet établissement, tant pour le commerce de Chine, Cochinchine, Manille, Siam et autres lieux, que pour servir d'entrepôt et de lieu de sûreté à tous les vaisseaux français (1). » Ces deux projets ne furent pas pris en considération.

Le Gouvernement n'avait pourtant pas abandonné le projet d'un établissement en Cochinchine; plusieurs mémoires étaient présentés aux ministres de la marine et des affaires étrangères; toutes les personnes compétentes de l'époque concluaient à la création d'un établissement colonial et maritime en Indo-Chine.

(1) Archives du Minist. de la Mar. et des Col.

<< Les tentatives, que des particuliers et la Compagnie des Indes ont faites depuis trente ans pour former un établissement en Cochinchine, sont des preuves qu'on a reconnu, dès lors et depuis, son utilité pour la nation. La dissolution de la Compagnie des Indes en 1769 parut éloigner encore et suspendre l'exécution de ce projet; mais les conquêtes immenses que les Anglais viennent de faire dans l'Inde, le revenu de 60 millions que nos rivaux venaient d'acquérir et qui leur donnait un trop grand avantage sur la France dans le calcul et le système politique, excitèrent toute l'attention et la vigilance de notre ministère. L'importance de la matière donna lieu à un comité dans lequel on agita la question de savoir s'il y aurait des moyens de procurer à la France des établissements dans quelque partie de l'Asie, qui pussent balancer dans quelque proportion ces avantages....... Quoique la prise en dernier lieu de Tanjaor ait considérablement augmenté le revenu déjà immense de l'Angleterre dans l'Inde, les Anglais ne cessent de s'occuper de la recherche de nouveaux établissements.

<< Ils viennent d'en former un à l'entrée du golfe Persique; ils envoyèrent, l'année dernière, deux vaisseaux richement chargés, de Bengale au port de Suez, à l'extrémité de la mer Rouge pour tâcher de s'y fixer et d'ouvrir un commerce avec le Grand-Caire et toute l'Égypte.

<<< Ils ont encore formé depuis peu un établissement dans le voisinage de Bornéo pour en tirer de l'or, du poivre, du camphre, des épiceries des Moluques et autres productions dont la défaite est très avantageuse en Europe, comme en Chine et dans d'autres parties

66 LES COMMENCEMENTS DE L'INDO-CHINE FRANÇAISE

de l'Inde... Il semble qu'il ne reste plus que la Cochinchine qui ait échappé jusqu'ici à la vigilance des Anglais; mais peut-on se flatter qu'ils tarderont à y porter leurs vues? S'ils s'y décident avant nous, nous en serons exclus pour jamais; nous aurons perdu un point d'appui important dans cette partie de l'Asie, qui nous rendrait les maîtres d'intercepter aux Anglais, en temps de guerre, leur commerce avec la Chine, en protégeant le nôtre par toute l'Inde, et les tiendrait dans une continuelle inquiétude. Si les Anglais enfin s'y établissent, ils nous regarderont comme leurs tributaires sur toutes les côtes de l'Asie et ils nous traiteront en conséquence (1). »

Le gouvernement de Louis XVI tiendra compte de ces avertissements multiples donnés par nos commerçants et missionnaires en Indo-Chine.

(1) Résumé d'un projet d'établissement en Cochinchine (Archives du ministère de la marine et des colonies).

CHAPITRE IV

ADRAN ET GIALONG (NGUYEN-ANH),

Nguyen-Anh; les Tayson; intervention de l'évêque d'Adran. Rapport de Chevalier (1778). — Intrigues anglaises en Annam : rapport de Chapman. - Rapports du comte de Solminihac de

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Lamothe et du P. Boivet. Instructions de MM. de Cossigny et d'Entrecasteaux. Lettre de M. de Cossigny à Nguyen

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Instruc

Le comte

Anh. - Traité de Versailles, 28 novembre 1787. tions du comte de Montmorin à d'Entrecasteaux. de Conway et l'évêque d'Adran. - Rapport du chevalier de Kersaint (1789). — La mission française en Annam. Guerres

de Nguyen-Anh. - Mort de l'évêque d'Adran (9 octobre 1799). - Chaigneau et Vannier.

Vo-Vuong, qui avait si bien accueilli Pierre Poivre, vint à mourir en 1675, désignant comme son successeur le fils d'une de ses concubines. Un grand mandarin profita de la jeunesse du nouveau roi, Dué-Tong, pour s'emparer du pouvoir. Dué-Tong mourut en prison, laissant deux fils dont l'un, Nguyen-Anh, devait devenir célèbre sous le nom de Gialong.

Nguyen-Anh eut à défendre son royaume contre les Tayson (montagnards de l'Ouest), qui, partis de la province de Binh-Dinh, avaient envahi la BasseCochinchine (1). Nguyen-Anh, malheureux dans ses

(1) Les chefs de cette insurrection étaient deux frères, originaires du Tonkin, et venus dans le Binh-Dinh comme prisonniers à la suite des armées des Nguyen. (Note de l'auteur),

opérations, fut obligé de se réfugier à Tho-Chau (PouloBanjam), petite ile du golfe de Siam. Dès le commencement de l'insurrection, sur les avis de l'évêque d'Adran, M Pigneaux de Béhaine, il avait résolu de solliciter l'appui de la France. « Pierre-Joseph-Georges Pigneaux de Béhaine, évêque d'Adran, naquit en 1741, au bourg d'Origny, diocèse de Laon. Après ses premières études, qui eurent lieu au collège de cette ville, sa vocation pour la carrière ecclésiastique et pour les missions orientales l'appela à Paris, où il étudia la théologie et où il fut ordonné prêtre. Il se rendit ensuite à Cadix, et, en 1766, s'y embarqua pour la Cochinchine. Mais ayant appris à Pondichery les graves évènements qui bouleversaient alors la Cochinchine et le Tonquin, il prit la route de Macao. De là, en 1767, il passa dans une ile de la Basse-Cochinchine, pour diriger le collège général des Missions, qui venait d'y être transporté de Siam. Il eut, l'année suivante, à y souffrir des mauvais traitements de la part du gouverneur de la province, qui le fit emprisonner et lui fit infliger même le supplice de la cangue; mais ayant été mis en liberté quelques mois après, il reprit la direction du collège qui fut alors transféré à Pondichéry.

» Nommé évêque d'Adran en 1770, il succéda, l'année suivante, au vicaire apostolique de la Cochinchine, dont il était coadjuteur.

>> M Pigneaux revint en Cochinchine en 1774, par le Cambodge, au moment où Nguyen-Anh était dans la plus grande détresse. Ce fut dans la province de SaiGon, devenue aujourd'hui province française, qu'il donna généreusement l'hospitalité à Gia-Long fuyant

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