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LES Mémoires de Saint-Simon et de Saint-Philippe, qui avoient été annoncés dans le Prospectus de la seconde série, ne pourront pas faire partie de notre Collection.

Le public a déjà été informé par les journaux que les manuscrits des Mémoires du duc de Saint-Simon, qui étoient conservés au dépôt des affaires étrangères, avoient été donnés à M. le marquis de Saint-Simon, héritier de cette famille. M. de Saint-Simon a bien voulu nous communiquer ces manuscrits; et nous avons acquis la preuve que toutes les éditions qui ont paru jusqu'à ce jour étoient non-seulement incomplètes, mais inexactes. Les éditeurs ne se sont pas bornés à abréger le texte; ils ont souvent dénaturé les faits, substitué leurs opinions à celles de l'auteur, ôté au style le cachet original qui le caractérise, commis des erreurs graves dans les noms propres et dans les dates; enfin les manuscrits et les Mémoires imprimés forment deux ouvrages entièrement différens.

M. le marquis de Saint-Simon ayant confié les manuscrits à de nouveaux éditeurs, sous la condition expresse que le texte en seroit religieusement respecté (1), et l'édition faite d'après ces manuscrits étant sous presse, nous ne pouvions insérer dans notre Collection un ouvrage que nous savions être tronqué, rempli de fautes et d'erreurs, et qui n'auroit pas dispensé messieurs les Souscripteurs de se procurer celui qui est sur le point de paroître.

Le traducteur des Mémoires que le marquis de Saint-Philippe a écrits en espagnol avoit dit, dans sa préface, qu'il s'étoit permis de retrancher quelques détails d'expéditions militaires; et tous les critiques français qui ont parlé de sa traduction l'ont, à ces suppressions près, considérée comme exacte

1) Moniteur du 28 novembre 1828.

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et fidèle. On n'avoit donc pas hésité à l'admettre dans la Collection des Mémoires.

Lorsque nous nous sommes occupés du travail relatif à cet ouvrage, nous avons dû faire comparer le texte espagnol avec la traduction. Il a été reconnu que le traducteur avoit supprimé environ un volume des Mémoires de Saint-Philippe, et que les parties qu'il avoit retranchées étoient non pas des détails inutiles d'expéditions militaires, mais des relations qui se rattachoient aux affaires de France, et qui par conséquent auroient pu avoir de l'intérêt pour des lecteurs français.

Nous nous serions décidés à faire compléter la traduction, si le marquis de Saint-Philippe avoit rapporté sur les affaires de France des faits peu connus, des anecdotes ignorées, ou présenté des aperçus nouveaux; mais on a remarqué qu'il ne disoit à peu près rien qui ne se trouvât dans les autres Mémoires de la Collection.

La traduction, telle qu'elle existe, n'offre guère de matériaux que pour l'histoire d'Espagne : en la complétant, ce qu'on y ajouteroit n'en offriroit pas pour l'histoire de France.

Nous espérons que messieurs les Souscripteurs approuveront les motifs qui nous ont déterminés à ne donner ni les anciens Mémoires de Saint-Simon, ni ceux de Saint-Philippe, quoiqu'ils aient été annoncés dans le Prospectus.

DU

COMTE DE FORBIN.

SECONDE PARTIE.

[1690] L'ANNÉE d'après, c'est-à-dire en i6go, je fus nommé pour aller à Rochefort commander un vaisseau du Roi, qu'on nommoit le Fidèle. Je menai mon navire à Brest, où étoit le rendez-vous de l'armée, qui devoit être commandée par M. le maréchal de Tourville. La flotte étoit entrée dans la Manche depuis quelques jours, lorsque nous rencontrâmes l'armée des ennemis à la hauteur de l'île de Wight. Notre armée étoit de beaucoup supérieure à la leur : les deux flottes des Anglais et des Hollandais, jointes ensemble, ne faisoient que cinquante-huit vaisseaux de ligne, tandis que nous en avions quatre-vingts.

M. de Tourville fit le signal pour mettre l'armée en bataille. Les ennemis vinrent nous attaquer : le combat fut opiniâtre, il y périt bien du monde; et quoique les Anglais semblassent prendre moins de part à cette action que les Hollandais, on peut dire que, pendant plus de trois heures qu'elle dura, les deux armées témoignèrent beaucoup de valeur, et se signalèrent de part et d'autre par des exploits qui méritoient d'avoir place dans l'histoire. Je les rapporterois T. 75.

I

volontiers; mais je dois me souvenir que ce sont simplement mes Mémoires que j'écris, et nullement tout ce qui s'est passé de mémorable dans les différentes actions où j'ai pu me trouver.

Cependant, pour dire en peu de mots quelque chose de celle-ci, les ennemis eurent du pire, et leur flotte fut incomparablement plus endommagée que la nôtre. Il y eut peu de leurs vaisseaux qui ne fussent mis en très-mauvais état; un très-grand nombre n'avoit presque plus ni voiles ni mâts : enfin c'en étoit fait de leur armée, si leur habileté, qui leur fit prendre à propos l'unique parti qui leur restoit, ne les eût tirés d'embarras.

:

Comme ils se voyoient perdus, ils mouillèrent à quelque distance de nous, sans voiles, et rangés en bataille. La connoissance que j'avois de la Manche me fit comprendre qu'ils étoient à l'ancre je vis bientôt ce qui les faisoit manoeuvrer de cette sorte. Je le dis à mes officiers; et comme on m'avoit fait répétiteur des signaux, je voulus faire le signal pour faire mouiller l'armée : car nous ne pouvions rendre inutile leur manœuvre qu'en mouillant nous-mêmes à notre tour, pour empêcher que le jusant, ou retour de la marée, ne fît dériver la flotte, et, en nous éloignant des ennemis, ne nous empêchât de profiter de l'avantage que nous avions sur eux.

Les sieurs de Moisé et Choiseul (celui-là même qui avoit été esclave à Alger, et dont j'ai raconté l'aventure en parlant du second bombardement de cette ville), tous deux mes lieutenans, me firent changer de résolution, et me représentèrent qu'il ne me convenoit pas de redresser le général : nous ne mouil

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