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l'Etat de l'Eglise, le Pape seroit bientôt dépouillé de sa double autorité. L'esprit de faction trouveroit bientôt moyen de s'insinuer et même de dominer dans les assemblées, et on arriveroit à une révolution complète. D'ailleurs, pourquoi demandet-on au Pape ce qu'on ne demande pas aux autres puissances d'Italie? Si les élections populaires étoient introduites dans les Etats de l'Eglise, il faudroit donc les introduire aussi dans les autres parties de l'Italie. Voilà donc tous les Etats de cette péninsule livrée à la manie des innovations; voilà des révolutions à Naples, à Florence, à Milan, à Turin, etc. L'exemple de ce qui se passe chez nous depuis quarante ans nous montre quel est le résultat de ces améliorations prétendues, de ces institutions dites libérales, de ces soi-disant garanties qui ne nous ont garanti que des troubles, des désordres, des secousses et des révolutions sans fin.

On convient que les concessions réclamées par les mécontens n'étoient de leur part qu'un moyen d'attaquer le gouvernement pontifical, et qu'il étoit une faction qui excitoit les peuples à la révolte. Alors il seroit d'une grande imprudence de fournir à cette faction des armes dont elle ne manqueroit pas de se servir. Il seroit singulier qu'on sollicitât avec tant d'instance le gouvernement pontifical d'accorder aux mécontens ce qui, de leur aveu, seroit un moyen de le renverser. Nul n'est obligé de travailler à sa propre ruine.

Le Pape a donc fait preuve de sagesse comme de fermeté en se refusant aux vœux de quelques puissances. Les libéraux de tous les pays crieront contre lui, cela peut être; mais la plus saine partie de ses sujets, mais tous les amis de la religion et de l'ordre, le féliciteront d'une détermination qui retarde au moins pour l'Italie l'époque d'une crise que tant de passions appellent à l'envi.

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

PARIS. Il avoit paru dans la Voix de la Vérité, de Modène, n° du 25 septembre dernier, des réflexions sur l'Encyclique de Grégoire XVI. Ces réflexions étoient datées de Rome le 10 septembre et signées D. L. L'auteur disoit que la cause étoit finie, et pour ceux qui parloient avec mépris des évêques, et pour ceux qui excitoient les peuples à la révolte, et pour ceux qui parloient de réformer l'Eglise. Il s'élevoit contre le système de la liberté de conscience, contre la liberté de la presse, contre l'idée de séparation absolue de

l'Eglise et de l'Etat. Enfin il considéroit l'Encyclique comme une décision grave, claire, précise, triomphante, qui déterminoit les doctrines catholiques et renversoit les erreurs. C'est au sujet de cet article que le père Ventura, général des Théatins, et ami du fondateur de l'Avenir, a fait insérer dans le Diario du 24 octobre une lettre dont nous donnons la traduction :

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Monsieur, comme il m'est revenu que quelques lecteurs de la Voix de la Vérité me croient auteur d'un certain article inséré au no 178 de ce journal, relativement à l'Encyclique de N. S. P. le Pape Grégoire XVI, je me crois obligé, par amour pour la vérité, de déclarer que, dans mon opinion, c'est manquer au respect religieux dû à une lettre du souverain Poutife, non-seulement d'oser la censurer publiquement, mais même de l'interpréter publiquement, sans en avoir reçu la mission ou la charge, de celui seul qui pouvoit la donner, et que par conséquent je ne puis être, comme je ne suis sous aucun rapport, l'auteur de l'article en question, dont je n'ai point eu connoissance avant qu'il fût publié, et dont il plait à quelques-uns de m'attribuer le mérite.

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A cette occasion, et pour éviter des équivoques ultérieures, je déclare en outre que, plein de respect et d'estime pour la vérité et la raison, j'ai été et suis toujours parfaitement étranger aux feuilles qui en portent le nom, aussi bien qu'à toute autre compilation du même ton, soit en style oratoire, comme ce qui a paru sous le titre de Novissimi, soit en style dramatique, comme les Petits Dialogues, et que je n'ai jamais eu l'honuenr de prendre part ni directement ni indirectement au mérite de ces publications.

» Je prie V. S. d'insérer cette lettre dans un des prochains numéros de votre journal, et, sûr d'obtenir cette faveur de votre impartialité et de votre courtoisie, je me déclare avec une véritable estime votre très-humble servitenr, D. Joachim VENTURA, supérieur-général des Théatins. Rome, couvent de Saint-André della Falle, 23 octobre 1832. »

Nous ne savons si cette lettre du père Ventura étoit bien nécessaire. Ç'auroit été bien injustement qu'on lui auroit attribué l'article de la Voix de la Vérité. Cet article étoit trop dans les principes opposés aux opinions de l'Avenir pour qu'on pût raisonnablement en croire le père Ventura auteur. Ce savant religieux, qui avoit été long-temps l'admirateur et l'ami de l'auteur français, qui avoit cessé de l'être à l'apparition de l'Avenir, ou qui du moins ne vouloit l'être qu'avec de fortes restrictions, qui depuis l'étoit redevenu plus que jamais, n'auroit pas voulu prêter le flanc à la critique par une nouvelle variation. Cependant, puisqu'il vouloit écrire, il auroit bien dû profiter de l'occasion pour faire connoître plus franchement sa soumission à l'Encyclique. Qu'il nous permette aussi de lui dire qu'il est bien susceptible et bien sévère quand il trouve que c'est manquer de respect pour l'Encyclique que d'oser l'interpréter publiquement. Il paroît que le saint Père n'est pas si diffi

cile, puisqu'il a trouvé bon que nous eussions essayé de montrer le sens et le but de l'Encyclique.

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Un journal contenoit dernièrement sur M. l'abbé Desjardins un article qui a pu effrayer ses amis en province; nous nous faisons un plaisir de les rassurer, Ce vénérable ecclésiastique n'a point été en danger, et son état n'a rien eu de plus fâcheux ces jours-ci qu'à l'ordinaire. Si le corps est foible, la tête et le cœur sont toujours les mêmes. Son esprit conserve toute sa finesse, sa conversation a toujours le même charme. Ses amis et le diocèse ont toujours à se féliciter de la sagesse de ses conseils. Ce n'est donc point, comme on l'a dit, l'état alarmant de cet excellent homme qui a rappelé M. l'archevêque à Paris après quelques jours d'absence; c'est que le prélat, après être allé un instant à la campagne pour sa santé, s'étoit proposé tout naturellement de revenir. Ce que l'article dit d'ailleurs du tendre attachement de M. l'archevêque pour son digne ami et du dévoûment de celui-ci pour l'illustre et vertueux prélat, est aussi parfaitement exact que bien exprimé.

On sait qu'il existe d'anciens canons du II concile général de Lyon, et du ÏVe concile général de Latran, sur l'administration des évêques nommés. Ils ont été souvent invoqués par le saint Siége dans les vacances des évêchés qui eurent lieu en France par suite de refus de bulles. Sur la fin du règne de Bonaparte, entre autres, ces canons furent opposés aux évêques nommés qui avoient été faits administrateurs capitulaires. M. l'abbé Blanquart de Bailleul, nommé à Versailles, a voulu montrer son respect pour ces règlemens, en s'abstenant de prendre part à l'administration du diocèse. Il avoit été nommé grand-vicaire capitulaire immédiatement après la mort de M. Borderies. Depuis sa nomination à l'épiscopat, il a envoyé au chapitre sa démission du titre de grand-vicaire, et a même quitté momentanément Versailles, où on se flatte toutefois qu'il ne tardera pas à reparoître sous un nouveau titre. Ses informations sont faites déjà depuis quelque temps; elles ont dû être envoyées à Rome, et on espère que les nouveaux évêques pourront être préconisés dans le prochain consistoire, dont l'époque sera peut-être rapprochée.

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La sottise le dispute à la noirceur dans les bruits l'on fait courir pour irriter et exalter les passions populaires. L'Orléanais raconte qu'on répand dans les campagnes que les prêtres font le choléra. Il se moque et s'indigne tour à tour de cette incroyable absurdité, et dit qu'il pourroit en nommer l'auteur, et qu'elle a produit son effet sur un peuple crédule. Des hommes susceptibles par leur ignorance de recevoir toutes les impressions, ont prêté l'oreille à cette fable. On a entendu dire d'un prêtre qui passoit Il va faire du choléra. Faire du choléra! eux qui ne savent que soulager et consoler ceux qui en sont atteints! A Tournoisis, dio

cèse d'Orléans, les préventions sont telles, que l'ecclésiastique soupçonné de faire du choléra n'a pas la liberté de recevoir ses confrères, et que la garde nationale, toujours aux aguets contre l'invasion du fléau, les empêcheroit de se réunir au presbytère. Les curés voisins sont aussi soupçonnés de faire du cholera. Nous pourrions, ajoute l'Orléanais, citer des traits plus ridicules encore; mais c'est assez pour faire connoître jusqu'où peut descendre l'impiété dans la haine qui la tourmente. Elle veut rendre suspects au peuple ses amis les plus dévoués, ceux qui ont donné en dernier lieu tant de preuves de dévoûment et d'héroïsme, et qui ne se vengeront encore des calomnies qu'on répand contre eux que par un redoublement de soins, de bienfaits et de sacrifices.

M. Jourdain, grand-vicaire de Maurienne, qui a été nommé cet été à l'évêché d'Aoste, comme nous l'avons rapporté no 1974, a été sacré le 23 septembre à Saint-Jean-de-Maurienne. M. l'archevêque de Chambéry et ses quatre suffragans étoient réunis pour cette cérémonie. Une députation des deux chapitres d'Aoste, la cathédrale et la collégiale, étoit arrivée la veille. Le sacre a eu lieu dans l'église cathédrale. M. l'archevêque étoit assisté de MM. les évêques d'Anneci et de Tarentaise, et M. l'évêque de Maurienne occupoit sa stalle à la tête de son chapitre. L'après-midi, les cing évêques assistèrent aux vêpres, et le nouveau prélat officia. M. de Maccarthy prêcha avec le talent et la piété qu'on lui connoît. M. l'évêque d'Aoste donna la bénédiction du saint Sacrement. Le clergé et les habitans de Maurienne ne se consoloient de son départ que par la pensée du bien qu'il ne pouvoit manquer de faire ailleurs. Son entrée à Aoste a eu lieu, le 7 octobre, avec beaucoup de pompe. Il fut reçu à l'entrée du diocèse par quatre chanoines et par deux députés du conseil. Une chapelle avoit été érigée hors la ville, près du bel arc d'Auguste; c'est là que ce prélat, revêtu de ses ornemens pontificaux, reçut les félicitations du syndic de la ville. Dans la cathédrale, il fut complimenté en latin par le premier dignitaire du chapitre, et prononça lui-même un discours.

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L'article du National sur les Jésuites, que nous avons mis sous yeux de nos lecteurs dans le n° 2014, a donné lieu à quelques réflexions du Courrier de la Meuse. Ces réflexions sont, comme cela devoit être, relatives surtout à l'état des choses dans les Pays-Bas, mais elles sont pleines de raison et de justesse, et nous les joignons ici comme une sorte de complément de notre article et comme faisant très-bien ressortir l'hypocrisie du parti hostile aux Jésuites. Après avoir cité l'article du National, le Courrier de la Meuse ajoute

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Ces aveux semblent aussi concerner les Pays-Bas. Ici, comme en France, on se servoit, du temps de Guillaume, du mot jésuite pour désigner certaine classe

de personnes; et comme la révolution belge n'a pas tout-à-fait produit les mêmes effets que la révolution de juillet, on s'en sert aujourd'hui plus que jamais. Jésuite est encore le mot à la mode chez certains écrivains, le mot à effet, le mot solennel; c'est le premier et le dernier de leurs argumens, c'est la preuve sans réplique, et quiconque est appelé Jésuite porte nécessairement le sceau de réprobation: il en étoit de même sous les Hollandais. Le jésuitisme étoit un monstre ́effroyable, à la vue duquel on prenoit les précautions les plus minutieuses pour l'empêcher d'envahir le pays. Le roi Guillaume voyoit, dit-on, un Jésuite derrière chaque buisson; ainsi voyoient les courtisans, ainsi voyoit toute la gent pseudo-libérale. Nous avions beau dire, nous autres; nous avions beau nous plaindre des tracasseries sans nombre dont nous étions l'objet : nous avions beau prouver qu'on violoit à notre égard la justice et la loi fondamentale, on nous fermoit la bouche en nous disant que nous étions des Jésuites.

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Le monstre du jésuitisme avoit-il quelque réalité ? ou n'étoit-ce qu'une comédie que cette infatigable polémique de la presse hollandaise contre les Jésuites? Pour répondre à ces questions, il faut consulter le National; car le terme jésuite n'étoit devenu banal dans les Pays-Bas que parce qu'il l'étoit en France. Or, le National nous répond naïvement que cette fameuse congrégation jésuitique n'existoit peut-être point, ou ne valoit pas la peine qu'on s'enquít de son existence; que la Société de Jésus, proprement dite, n'offroit pas de bien grands dangers. Qu'on le remarque donc, d'après l'aveu même des écrivains libéraux, le jésuitisme n'étoit en France qu'un fantôme dont on se servoit pour effrayer les masses, pour intimider les gens simples, et pour les soulever contre ceux qu'on vouloit perdre. Or, c'étoit contre le jésuitisme français qu'on prenoit tant de précautions dans les Pays-Bas; c'étoit pour l'empêcher de pénétrer chez nous qu'on armoit tant de bras, qu'on se crut autorisé à adopter tant de mesures arbitraires et vexatoires; c'étoit contre le jésuitisme français que tant d'écrivains gagés crioient sans cesse; c'étoit par ce mot qu'ils faisoient peur au roi Guillaume, et qu'ils l'engageoient à nous opprimer. On jouoit donc aussi la comédie chez nous ? Que ne l'avons-nous su plutôt! Hommes simples que nous étions! nous réfutions sérieusement des calomnies qui n'étoient rien moins que sérieuses; nous repoussions des dénominations dont la fausseté étoit démontrée aux yeux mêmes de ccux qui les employoient; en un mot, nous combattions un fantôme créé par nos rusés adversaires.

Et qu'étoit-ce donc au fond que ce jésuitisme? En France, il étoit (le National le dit et en convient) synonyme d'attachement à la légitimité, de royalisme. Chez nous, c'étoit l'attachement à la religion. On étoit Jésuite dans les Pays-Bas, parce qu'on n'étoit pas de l'avis des Goubau et des Van-Ghert; on étoit Jésuite, parce qu'on n'étoit pas protestant, parce qu'on se plaignoit des arrêtés de 1825, parce qu'on repoussoit le college philosophique et les réformes tentées par Guillaume; on étoit Jésuite, parce qu'on étoit catholique, ou parce qu'on n'étoit pas catholique à la façon de tels et tels. Si quelque révolution, contraire dans ses effets à celle qui a éclaté, eût fait réussir ces tentatives et donné la

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