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des changemens introduits dans le Bréviaire de Paris qu'il a été reconnu propriété de l'archevêque, ou plutôt de son siége, mais uniquement parce qu'il étoit livre d'église.

Il est difficile d'établir un droit de propriété sur des documens plus clairs que ceux que nous venons de produire, et cependant la simple qualité de surveillans nous auroit suffi pour justifier la concession d'un privilége exclusif, L'impression de tous les livres d'église n'est pas également avantageuse; il en est, comme les Bréviaires, Missels et Rituels destinés exclusivement à un seul diocèse, qui deviendroient ruineux pour les imprimeurs, ou d'un prix excessif pour les acquéreurs, si les premiers ne trouvoient dans le monopole des catéchismes, et autres livres plus répandus, une juste compensation. C'est ce qui faisoit dire à M. de Malleville, dans un rapport à la cour de cassation, que la concession exclusive que les évêques faisoient des ouvrages composés pour leurs diocèses étoit une conséquence de l'obligation où ils étoient d'en assurer le débit à un prix modéré.

La cour, dans un arrêt intervenu dans la même cause, apporte une autre raison du privilége exclusif; c'est, dit-elle, que les évêques étant, comme les autres auteurs, responsables des livres imprimés et publiés sous leur nom, il est impossible de leur ôter le droit de donner leur confiance à un imprimeur (1). En effet, s'ils étoient obligés d'accorder des approbations à tous les imprimeurs qui les réclameroient, ils, seroient tenus aussi de revoir et de faire corriger toutes les éditions qu'il plairoit à tous les spéculateurs de librairie de faire imprimer; de quel droit leur imposeroit-on une pareille charge?

Un troisième motif, exprimé dans cet arrêt, c'est que le privilége est le moyen le plus sûr d'empêcher les contrefaçons ; ce qui, dit-il, est d'autant plus important, que les livres sont plus répandus et d'une utilité plus générale. Enfin, un dernier motif en faveur du droit de concéder le privilége, c'est qu'il est le seul moyen de donner une sanction efficace à la loi, qui donne la surveillance des livres d'église à l'évêque. Si un imprimeur les altère, il lui retire le privilége, et tout est fini. Mais, s'il ne peut ni le donner ni le retirer, que fera-t-il? Les tribunaux jugeront-ils jusqu'à quel point la doctrine de l'Eglise est altérée ou respectée? Ce seroit leur conférer un droit absurde;

(1) Voyez Dalloz, propriété littéraire, 468–469.

ce seroit les faire juges de la foi; ce seroit transformer une cour en concile.

Inutile sans doute, après des raisons si péremptoires, de suivre l'auteur du Mémoire dans ses excursions sur le domaine de notre ancienne législation; il nous suffira de rectifier une assertion inexacte pour faire crouler tout l'échafaudage de son érudition. Il soutient que, jusqu'en 1789, au roi seul appartenoit le droit de permettre l'impression de tous les livres, y compris les livres d'église; que l'évêque n'avoit sur ceux-ci que le droit d'examen et de censure. La permission du roi étoit, il est vrai, nécessaire, même pour les ouvrages de controverse et autres écrits théologiques; mais les catéchismes et les livres d'église en étoient formellement exceptés. Pour ces derniers il suffisoit d'un privilége général, dont la concession étoit si bien une pure formalité, qu'elle ne donnoit aux censeurs royaux ni droit d'examen, ni droit de refus, et qu'il est sans exemple qu'elle n'ait pas été accordée. Ainsi toutes les autorités rapportées dans le Mémoire ne regardent et ne peuvent regarder que les livres dogmatiques, qui devoient être examinés par un docteur en théologie. C'étoit là un abus sans doute; et il alla si loin, que Bossuet fut obligé d'adresser cinq Mémoires à Louis XIV, d'employer le crédit du cardinal de Noailles et de madame de Maintenon, pour empêcher qu'un ouvrage de controverse, composé par lui, ne fût soumis à l'examen du censeur royal. Mais il résulte évidemment du cinquième Mémoire qu'à cette époque on n'avoit jamais pensé à ôter aux évêques le droit de choisir leurs imprimeurs, et de faire imprimer à leur gré les livres d'église, et cela sans examen préalable du censeur. Nous portons, du reste, le défi de citer un seul arrêt qui ait autorisé un imprimeur à publier des livres d'église sans la permission de l'évêque, ce que réclame pourtant celui qui forme l'appel au conseil-d'Etat. Jamais aussi on n'a contesté à l'autorité ecclésiastique le droit de donner le privilége de cette publication à des libraires de son choix (1).

Nous avons cru que, dans une cause où l'on voudroit jeter quelque doute sur un des droits les plus essentiels et les plus sacrés des évêques, on ne sauroit trop mettre en lumière les

(1) Voyez les Mémoires du clergé de France, tome XIV, le Dictionnaire du droit canonique, par Durand de Maillane, et la Jurisprudence canon. de Rousseau-Lacombe, au mot Liøres. ·

preuves sur lesquelles ce droit est appuyé : tel est le motif d'une discussion qui intéresse l'épiscopat et tous les catholiques francais. Si nous avions voulu profiter de tous nos avantages contre l'auteur du Mémoire, nous aurions pu facilement prouver l'inexactitude de quelques faits allégués contre M. l'évêque d'Amiens; démontrer que sa cause portée au conseil-d'Etat est une question de propriété sur laquelle il est évidemment incompétent. Mais nous avons cru intéresser davantage nos lecteurs, en nous bornant à l'examen du droit en lui-même, et indépen damment de faits et de questions accessoires.

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

PARIS. Les cours de Sorbonne rouvriront, le jeudi 22 novembre; ce jour, à une heure après-midi, M. l'abbé Guillon, professeur d'éloquence sacrée, prononcera un discours latin sur les études théologiques, et parlera ensuite en français sur l'état de l'éloquence sacrée parmi nous. Le mardi et le vendredi, à 2 heures et demie, M. l'abbé Receveur, faisant les fonctions de professeur de dogme', traitera de l'Eglise, de ses notes et de son autorité sur les questions de doctrine. Le mercredi et le samedi, à une heure, M. Groult, professeur de morale, s'occupera des lois, et exposera leur nature, leur origine et leurs effets quant à la conscience. Le lundi et le jeudi, à deux heures, M. Icard, faisant les fonctions de professeur d'histoire et de discipline ecclésiastique, tracera l'histoire du moyen-âge depuis Justinien. M. l'abbé Frère fera le cours d'Ecriture sainte le lundi et le jeudi à une heure; cet habile et vertueux ecclésiastique, qui est récemment attaché à la Faculté de théologie, montrera dans l'Ecriture sainte la source des connoissances humaines et du véritable progrès. M. Glaire, faisant les fonctions de professeur d'hébreu, expliquera le mardi et le vendredi, à une heure et demie, les livres de Samuel et de Job, M. l'abbé Guillon parlera les mercredi et samedi, à 10 heures, de la philosophie, des SS. Pères, montrera qu'ils ont été éloquens et même philosophes, mais dans la véritable acception du mot, et donnera les règles et les exemples de l'éloquence de la chaire. M. l'abbé Chaillot tiendra la place du professeur en cas d'absence.

Les maires élus depuis deux ans saisissent toutes les occasions d'étendre leur autorité sur ce qui est le moins de leur ressort. A Bach, arrondissement de Cahors, le maire voulut profiter de la maladie du curé pour s'emparer des clefs de l'église. Il va au presbytère et demande à parler au curé, alors retenu au lit par une maladie grave. Là, il lui signifie que le sonneur, qui remplissoit cette fonction depuis longues années, lui déplaisoit, à lui maire, et, qu'avec le conseil municipal, il en avoit choisi un autre. Le

curé réclame, autant que ses forces le lui permettent, contre une pa-reille usurpation et refuse les clefs. Mais le maire n'est point homme à reculer; il fait venir un serrurier, lui ordonne d'enlever la serrure de la porte de l'église, et en fait substituer une nouvelle dont les clefs sont confiées par lui à son protégé. Le curé de Labenque, qui est le chef-lieu de canton, est instruit de cette voie de fait et en dresse procès-verbal. M. l'évêque de Cahors écrit au maire pour lui représenter l'illégalité de son procédé et l'inviter à remettre tout dans le premier état; on ne lui répond même pas. Le prélat ne crut pas pouvoir se dispenser d'interdire l'église. On s'adressa ensuite au préfet, qui trouvoit bien le procédé du maire insoutenable, mais qui hésitoit à en ordonner le redressement. Enfin, après six semaines de négociations, il prescrivit au maire de rendre les clefs, et l'engagea à ne plus se compromettre par un tel abus d'autorité. Force fut donc au maire de plier; il renvoya au curé les clefs et l'ancienne serrure avec un billet qui montroit qu'il lui restoit encore quelque chose à apprendre sur l'orthographe. C'est un point sur lequel bien des maires de campagne sont, comme on sait, fort en arrière des lumières du siècle.

-Un missionnaire français qui, depuis 40 ans, exerçoit son ministère aux Etats-Unis, vient d'y succomber à une atteinte du choléra; ce missionnaire est M. Richard, mort le 13 septembre dernier, au Détroit, territoire du Michigan. M. Gabriel Richard étoit né à Saintes le 15 octobre 1764. On prétend, dans une notice sur lui, qui se trouve dans le Journal du Détroit, du 26 septembre, que sa mère étoit de la famille de Bossuet. S'étant destiné à l'état ecclésiastique, il fit ses études de théologie au séminaire d'Angers, et c'est de là qu'il vint à la Solitude à Issy, pour entrer dans la congrégation de St-Sulpice. Il ne paroît avoir été ordonné prêtre qu'en 1791, et fut envoyé l'année suivante aux EtatsUnis par M. Emery. On le destinoit à professer les mathématiques. au college naissant de Baltimore; mais au bout de trois mois, M. Carrol, évêque, qui avoit sous sa juridiction tous les catholi ques des États-Unis, l'envoya à Kaskaskias, territoire des Ilinois, où il y avoit une colonie d'anciens Canadiens français. M. Richard y restà depuis le 14 décembre 1792 jusqu'au 22 mars 1798, qu'il partit, avec MM. Levadoux et Dithet, pour le Détroit, la ville la plus importante du Michigan. Il y a dans cette ville et les environs 1800 catholiques, originaires du Canada, et à peu près 7000 dans tout le Michigan, mais bien dispersés. M. Richard est toujours resté depuis chargé de cette mission, et il étoit en dernier lieu grand-vicaire de M. l'évêque de l'Ohio pour le Michigan. Nous avons parlé plusieurs fois de ses travaux, et on trouve des lettres de lui dans le tome II des Annales de la propagation de la foi. Il visitoit de temps en temps les catholiques du Michigan qui ont des établissemens à la Prairie du Chien, à la Baie-Verte; À

Michilimakinack, à la Rivière aux Raisins et à la Baie St-Joseph. La ville du Détroit essuya, le 1er juin 1805, un incendie qui consuma l'église, bâtie en 1750, par les soins du Père Roque, Récollet. M. Richard parvint à en construire une nouvelle en pierres, qui a 116 pieds de long sur 60 de large; mais il avoit contracté pour cela des dettes qui ne sont pas encore éteintes. En 1809 il se procura une presse et des caractères, et commença un recueil périodique, en français, sous le titre d'Essai du Michigan. On avoit espéré que ce recueil pourroit être utile à la religion catholique; mais l'éloignement des catholiques et l'irrégularité du service des postes empêchèrent le succès de cette publication. La presse de M. Richard fut long-temps la seule dans le Michigan, et servit, sous sa direction, pour divers objets. Dans la guerre des Etats-Unis avec l'Angleterre, en 1812, les Anglais firent M. Richard prisonnier, et l'envoyèrent à Sandwich dans le Haut Canada, où son zèle ne fut point oisif. Il y exerça son ministère envers les catholiques du pays, et parvint à sauver quelques prisonniers qui étoient tombés entre les mains des Indiens, et qui alloient périr dans les tourmens. A son retour au Détroit, tout y étoit dans la confusion; on manquoit de blé, et les autres comestibles étoient rares. M. Richard trouva moyen de se procurer du blé, qu'il refusa de vendre, et qu'il distribua gratuitement aux plus nécessiteux. En 1817 il entreprit de bâtir une chapelle en pierres au Détroit; c'est la chapelle Ste-Anne, que le défaut de fonds a empêché d'achever sur le premier plan. En 1823, M. Richard fut élu député au congrès; c'est le premier ecclésiastique qui ait eu cet honneur. Il accepta cette mission qui lui permettoit de rendre service aux catholiques. Ses fonctions lui donnoient un traitement et lui fournissoient des moyens d'achever les églises du Détroit. Il entretenoit des relations avec différentes tribus indiennes du Michigan, et leur envoyoit des missionnaires, lorsqu'il ne pouvoit aller les visiter lui-même. Malheureusement le nombre des prêtres en ce pays est beaucoup trop petit. Cette année, le choléra ayant éclaté au Détroit, M. Richard fut constamment occupé à visiter les pauvres et les malades. Il travailla ainsi pendant près de 3 mois, et ne cessa l'exercice de son ministère que lorsque ses forces l'abandonnèrent tout-à-fait. La maladie se déclara avec violence le 9 septembre, et, le 12, on vit qu'il n'y avoit plus d'espérance. Il demanda les derniers sacremens; et, après avoir dit le Nunc dimittis...., il mourut le 13, vers une heure du matin. Son convoi fut accompagné au cimetière par un nombreux concours de personnes de toutes les communions, qui exprimoient leurs regrets de cette perte. On avoit annoncé, il y a quelques années, que M. Richard devoit être évêque du Détroit; ce projet, s'il a existé, n'a point été mis à exécution. Une affaire désagréable l'avoit mis dans une situation difficile. Ayant été chargé par son

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